Traversée des Laurentides: La tradition se poursuit
Par Ève Ménard
Depuis plus d’un demi-siècle, la Traversée des Laurentides (TDL) fait vivre une expérience sportive et humaine unique aux adeptes de ski de fond hors piste. En quelques jours, les participants parcourent des dizaines et des dizaines de kilomètres sur leurs skis de fond, en suivant des trajets uniques, spécialement conçus pour l’évènement.
Année après année, la tradition se solidifie, et la TDL continue de faire rayonner les sentiers de notre région, de créer des rencontres inoubliables et de susciter l’engouement. De sa création en 1975 à aujourd’hui, voyez comment l’événement a su gagner le cœur des amateurs de plein air et se renouveler.
L’enthousiasme est né
La première édition de la Traversée des Laurentides a lieu en 1975, et rassemble une dizaine de participants. À l’époque, les deux initiateurs de l’événement, Pierre Gougoux et Roberto Londei, se regroupent avec quelques amis, et décident de traverser les Laurentides en deux jours de ski. « Après la première journée, les gens dormaient chez moi. J’avais une maison à Val-David. Et le lendemain, on partait pour un autre 60 à 65 kilomètres de ski de fond », raconte Pierre Gougoux, qui est également président du Club de plein air de Sainte-Agathe-des-Monts.
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« C’était un genre de petit défi qu’on se lançait », souligne Pierre Gougoux. D’ailleurs, au départ, ce dernier n’a pas d’objectifs spécifiques en tête, autre que de réaliser le parcours. Sauf que rapidement, l’événement prend de l’ampleur. « L’année suivante, en en parlant un peu à gauche et à droite, on s’est retrouvé non pas 10, mais 70 [participants] », précise M. Gougoux. À présent, il fallait penser à l’hébergement et s’organiser avec les restaurants du coin pour la nourriture.
Dès la troisième édition, les organisateurs doivent refuser des gens. Normalement, une centaine de personnes participent à la TDL chaque année. « C’était toujours entre 100 et 125. On se disait 100 personnes, mais parfois, ça débordait un peu », explique Pierre Gougoux. Graduellement, le nombre de jours de ski augmentent aussi, passant de 2 journées, à 3, 4, ou 5 jours de ski. Puis, en 1984, pour la 10e édition, les participants skient de Gaspé jusqu’à Gatineau.
30 jours, 1 900 km
« Dans une rencontre, plusieurs mois à l’avance, j’ai annoncé ça aux gens. Lors de la 9e édition, on avait fait 7 ou 8 jours de ski je pense. J’ai dit “écoutez, la dixième, on part de Gaspé et on se rend jusqu’à Gatineau”. Il y a eu un silence incroyable dans la salle. Ils se sont demandé “est-ce qu’il est tombé sur la tête ?” », raconte Pierre Gougoux en riant. Mais il a confiance que c’est possible. « Je voyais que année après année, on se solidifiait au niveau du fonctionnement », dit-il.
Du 1er janvier au 5 février 1984, une trentaine de personnes skient effectivement de Gaspé à Gatineau, durant 30 jours. Le séjour inclut aussi cinq journées de repos, pour récupérer. « C’était à peu près 1 900 km avec une moyenne de 65 kilomètres par jour », souligne Pierre Gougoux. « Ç’a été vraiment quelque chose d’extraordinaire, on a passé 90 villages. Les villages nous attendaient. C’était incroyable, l’hospitalité des gens. Ils étaient contents qu’on passe par chez eux. »
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Passer le flambeau
Pierre Gougoux et son grand ami Roberto Londei ont organisé les 25 premières éditions de la TDL. Puis, M. Gougoux a passé le flambeau, lui qui enseignait aussi les sports de plein air au Cégep André-Laurendeau et organisait des voyages avec ses étudiants. Le pédagogue est d’ailleurs bien content de voir que l’événement continue de susciter l’enthousiasme des skieurs.
« Ils ont vraiment perfectionné le fonctionnement » et « mis ça à la mode du jour », souligne Pierre Gougoux à propos de ses successeurs. « Moi, j’y allais avec le papier, on envoyait des lettres. Aujourd’hui, ce n’est plus ça. C’est ça qui est aussi magnifique : ça a évolué en même temps que les moyens de communication », constate-t-il.
Encore aujourd’hui, la TDL est victime de son succès. Cette année, jusqu’à 140 personnes ont participé à l’évènement. « L’an passé, c’était le 50e. J’ai l’impression que ça a donné beaucoup de visibilité et cette année, on a été submergé de requêtes. On a dû refuser des gens », indique Louis Lamarre, président actuel de la TDL.
Un trip de gang
Lors d’une journée typique de la Traversée des Laurentides, on se réveille très tôt, vers 5 h 30. Autour de 6 h, on déjeune. « C’est un gros déjeuner, les gens mangent énormément durant la TDL », affirme Louis Lamarre, qui y participe depuis environ 10 ans. Normalement, la plupart des skieurs quittent à 7 h, pour arriver au prochain hébergement avant le coucher du soleil, entre 16 h et 17 h.
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Ce sont donc des journées de 10 heures de ski, qui font entre 40 et 50 kilomètres. « Ce ne sont pas des gens performeurs qui vont très vite, mais des gens très endurants. C’est une qualité qu’on retrouve beaucoup chez les gens de la TDL. Là-dedans, il y a des gens qui ont 60, 65, 70 ans, mais qui réussissent très bien, parce qu’ils ont cette résilience-là », explique le président.
« Beaucoup de gens prennent des vacances dans le sud, dans des tout inclus. Moi, j’appelle ça mon tout inclus. Mon 4 jours ou 6 jours ou même 12 jours, tu ne fais que manger un bon déjeuner, écouter des belles histoires de ski et passer 10 heures sur tes skis avec une belle gang. C’est le fun, on décroche », souligne Luc Baril, copropriétaire chez Espresso Sports, à propos de son expérience à la TDL.
L’événement est aussi une occasion de créer des liens et des amitiés. « C’est un trip de gang. C’est de retrouver ses amis, mais dans un environnement magnifique », fait valoir Louis Lamarre. « Il y a des gens qui se connaissent dans la TDL depuis 30 ou 40 ans, et qui continuent de se voir. Ça forge des amitié durables », ajoute-t-il.
Organiser le trajet
La TDL organise ses événements majoritairement dans les Laurentides et les étale sur quelques jours. Cette année, la 51e édition s’est déroulée du 29 janvier au 2 février. Le parcours prenait la forme d’une boucle et passait, entre autres, par Sainte-Agathe-des-Monts, Saint-Donat et Sainte-Lucie-des-Laurentides.
Environ tous les cinq ans, une édition spéciale, qui coïncide avec les anniversaires, est organisée. Souvent, c’est l’occasion de découvrir d’autres régions et de faire de plus longs trajets. La première fois que Luc Baril a participé à la TDL, c’était la 30e édition. « Nous étions partis de Jay Peak au Vermont. C’était six jours. On a traversé la frontière et on a fini en Estrie », se souvient-il. L’an dernier, pour le 50e, c’était 12 jours de ski et plus de 500 kilomètres à travers Lanaudière et les Laurentides.
Le choix du parcours est une étape particulièrement intéressante pour le comité organisateur, indique Louis Lamarre. « On se réunit pendant l’été et on commence à penser à ce qu’on aurait le goût de faire. Parfois, il y a des sentiers qu’on n’a pas fait depuis longtemps », ajoute le président. Mais le facteur principal à considérer, ça reste l’hébergement. « Il n’y a pas dans tous les villages qui ont la possibilité d’accueillir 100 personnes. Ça peut être un sous-sol d’église ou un gymnase d’école, on n’est pas très exigeant. Parfois, ce sont des petits hôtels », précise Louis Lamarre. Le trajet est ensuite articulé autour des possibilités d’hébergement.
Préparer le terrain
Une fois le parcours délimité, il faut préparer les sentiers. Une personne est alors attitrée à une section du trajet, et en est responsable. Avec l’aide d’une équipe, ce « leader » regarde les cartes, marche le sentier pour s’assurer qu’il est bien dégagé, enlève les branches et met des balises. Luc Baril a déjà assuré cette responsabilité. « C’est un gros travail. Je l’ai fait conjointement avec un de mes amis, Jack Gauthier. On s’occupait de notre secteur à nous. Lui habite Sainte-Adèle et moi, Saint-Hippolyte. Alors lorsque la TDL passait dans notre coin, on s’en occupait. On allait négocier avec nos voisins, nos propriétaires », explique le copropriétaire chez Espresso Sports.
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C’est lors de cette préparation qu’il faut effectivement négocier des droits de passage avec des propriétaires. Dans la mesure du possible, la TDL passe par les sentiers historiques et les sentiers existants, nous explique Louis Lamarre. Mais il leur arrive aussi de devoir passer sur des terrains privés. L’événement développe alors des ententes spécifiques. « Les propriétaires, de prime abord, vont dire non, mais quand ils entendent parler de ce qu’on fait, que c’est une seule journée et que quand on est passé, c’est terminé, ils vont souvent accepter », indique le président.
Ça reste un enjeu plus complexe qu’avant, dû aux nouveaux lotissements et au développement immobilier dans les Laurentides. À l’époque où Pierre Gougoux organisait la TDL, il y avait beaucoup plus de terrains non bâtis, ce qui facilitait le passage des skieurs et la création du parcours. Maintenant, la pression immobilière se fait ressentir. Les gens achètent des plus petits lots et font construire des chalets. Ils sont alors plus réticents à laisser passer les skieurs, qu’à l’époque où les terrains étaient beaucoup plus vastes, croit Louis Lamarre.
Garder les sentiers vivants
La TDL comporte d’ailleurs un volet extrêmement important de protection et de valorisation des sentiers. Puisqu’en prévision de l’évènement, les pistes utilisées doivent être balisées et entretenues, c’est également une manière de les pérenniser. « Quand on utilise les sentiers, ça les garde en vie. Ça les garde en vie d’un point de vue physique, parce qu’il y a des gens qui passent. Donc, s’il y a des arbres qui tombent, on les coupe, on les enlève et le sentier reste praticable », souligne Louis Lamarre.
La Traversée permet également de faire rayonner et connaître le réseau des Laurentides, et ses sentiers historiques qui vont d’un village à l’autre. « La TDL, c’est comme le festival de reconnaissance de ces sentiers-là. Et c’est sûrement grâce à la TDL que certains de ces sentiers continuent à exister », se réjouit à son tour Luc Baril.