Le repos du guerrier est arrivé pour le dépisteur Denis Fugère
Par Luc Robert
Après 40 saisons à parcourir les arénas de l’Est du Canada, à la recherche de la perle rare qui percera un jour les rangs de la LNH, le Jérômien Denis Fugère a décidé de remiser son calepin de notes pour de bon.
L’homme de hockey du secteur Saint- Antoine a réussi un tour du chapeau, dans sa carrière, en remportant la Coupe Stanley à deux occasions avec les Kings, tout en battant aussi un cancer. « Après 15 ans avec les Kings chez les pros, 5 ans avec Drummondville, 5 saisons avec Rouyn- Noranda, une douzaine de campagnes avec Shawinigan et 3 autres avec les Knights de London (OHL), tu penses à te reposer. J’ai connu un beau parcours, déniché de bons jeunes, côtoyé des collègues amicaux », s’est-il remémoré avec fierté.
M. Fugère a achevé ses tâches les 23 et 24 juillet derniers, alors que la séance annuelle de repêchage de la LNH s’est déroulée virtuellement. « Ce repêchage de la LNH a été mon dernier. Avoir été membre actif d’une équipe gagnante de deux Coupes Stanley avec les Kings et d’une Coupe Calder (Ligue américaine) en 2015, c’est énorme. »
Les logiciels et l’internet ont changé le dépistage classique. « Les organisations s’en vont toutes vers de jeunes recruteurs, avec mes méthodes de recrutement plus clérical (travail de bureau). La pandémie n’a pas aidé. Habituellement, tu pouvais voir un bon espoir de 15 à 20 occasions, avoir des rencontres avec le kid, jaser avec les entraîneurs et les soigneurs sur place, car ils savent tout. Tu achevais ça en scrutant des vidéos. Mais là, tu fais plus de dépistage à distance pour diminuer les coûts. Tu vas les voir un peu avant et après Noël, mais pour le reste, ça se passe devant un écran. À tous les matchs, une douzaine de caméras sont braquées sur les joueurs. Tu viens à les connaître sous toutes leurs coutures. »
Parmi ces trouvailles, M. Fugère aime se remémorer quelques noms.
« Le gardien Jean-François Bérubé, de Repentigny, a été une fierté. Il a juste connu cinq saisons dans la LNH (L.-A., N.-Y. Islanders, Chicago et Columbus) , après que nous l’ayons recruté chez les Kings (4e ronde, 95 au total, à l’encan amateur de 2009), mais quel parcours courageux : il avait payé 50 $ pour participer à un pré-camp d’essai avec le Junior de Montréal (LHJMQ), où il est devenu le substitut de Jake Allen. Il s’est rendu en haut quand même ! »
« Un autre spécimen a été Nicolas Deslauriers (choix de 3e ronde, 84e au total par les Kings, en 2009) qui a brièvement joué à Montréal. Je lui avais demandé en entrevue ce qu’il voulait faire dans la vie, s’il ne perçait pas au hockey. Il m’a répondu du tac au tac : être mendiant sur le coin d’une rue ! Il n’avait pas de plan B : pour lui, c’était la LNH et rien d’autre. »
La maladie
Habitué à voyager seul, Denis Fugère a eu la chance d’avoir un Québécois dans les alentours, lors d’un périple dans les Maritimes.
« J’ai toujours été poli, même avec les compétiteurs. Nous revenions du Cap- Breton, en voiture à destination d’Halifax, quand Yannick Lemay (dépisteur de Winnipeg), m’a dit que j’étais blanc. On a consulté à l’hôpital et j’ai appris que j’avais un lymphome et que ma moelle épinière était affectée. J’ai été traité à l’hôpital de Saint-Jérôme, qui compte une douzaine de spécialistes. J’ai subi une autogreffe et j’ai eu d’autres traitements à Maisonneuve- Rosemont. Ils m’ont pris des jeunes cellules, non attaquées par le cancer, les ont gelées, pour ensuite me les réadministrer. C’est comme le principe du plasma mis de côté, à partir du cordon ombilical à la naissance. »
À son retour dans l’organisation des Kings, en 2016, la direction du club l’a honoré au centre de la patinoire du Staples Center.
« Les Kings ont été bons joueurs avec moi. Le directeur-gérant Dean Lombardi est déjà venu avec moi rencontrer Patrick Roy, à son bureau des Remparts. Il n’en revenait pas que nous soyons entrés là sans avertir à l’avance. La conversation a duré 1h30. »