Alice Marchessault vit très bien son après-carrière du ski alpin à la Polytechnique. Photo : Famille Marchessault

Enseigner le ski : la nouvelle voie d’Alice Marchessault

Par Luc Robert

Après une saison entière à l’écart des pentes, Alice Marchessault s’est convertie à ses moments libres à l’enseignement du ski, auprès des jeunes de 6 et 7 ans (U8) les fins de semaine.

Elle a retrouvé ses racines cet hiver en prodiguant des conseils de la discipline auprès des jeunes de Sommet Saint-Sauveur. En semaine, elle se consacre avant tout à ses études en génie civil, en deuxième année, à la Polytechnique Montréal.

Après les blessures

Photo : Famille Marchessault

« C’est ma première saison comme entraineuse : je ne me destinais pas à ça. Après une année entière à l’écart du circuit en 2023-2024, j’ai eu une conversation avec mon père à la maison. J’ai vite conclu que ma passion se trouvait encore là, pour le ski. Mais je voulais l’exprimer différemment qu’en compétition. Avec mes jeunes de 6 et 7 ans, je veux réinstaurer le programme Delta (développement à long terme de l’athlète). À la division laurentienne de ski, nous avons été des pionniers dans ce domaine. J’enseigne les diverses étapes des bases du ski alpin. J’aime permettre aux jeunes d’exprimer leur fou : de faire du ski libre, des petits sauts, des bosses, pour qu’ils développent une variété d’habiletés. Ils pourront toujours trouver une spécialité plus tard », a témoigné l’athlète de maintenant âgée de 23 ans.

Entre 14 et 20 ans, la Sauveuroise a presque visité autant d’hôpitaux que de centres de ski. Fracture de la clavicule, deux commotions cérébrales, une dislocation d’épaule, une opération à la mâchoire, un déchirement partiel du ligament croisé antérieur, une rupture complète du ligament et du ménisque, une entorse à une main et on en passe l’ont affectée.

« Avec le recul et les blessures, je me suis rendue compte que le ski ne représentait pas essentiellement mon projet de vie. Qu’on me comprenne bien : il se trouve encore dans mes veines. Mais mes objectifs ont changé. Il y a une belle brochette de jeunes entraîneurs expérimentés au Sommet Saint-Sauveur, dont certains en font un métier. Mais j’ai toujours eu des grandes ambitions, étant une fonceuse de nature. À 10 ans, j’ai vu le film Club Stripes, consacré à la descente des pistes parmi les plus difficiles au monde. Je voulais devenir une pionnière et démontrer que ce n’était pas juste des parcours de gars. Mais à 19 ans, j’ai réalisé avec l’expérience que ce n’était plus mon truc, que mon corps commençait à en avoir assez. Mais j’ai persisté quelques saisons supplémentaires. Là, j’aime enseigné à temps partiel », a-t-elle réalisé.

Passer à autre chose

Alice Marchessault a vécu des grands moments dans sa jeune carrière. Les Jeux olympiques de la jeunesse à Lausanne, en Suisse, en 2020, ainsi qu’une participation aux Mondiaux juniors à St-Anton, en Autriche en 2023, ont marqué son passage aux épreuves de slalom et de slalom géant.

« Je n’obtenais pas les résultats espérés, suivis de longues convalescences et rééducations. Tu jongles à ton affaire et tu te rappelles que tu as des bonnes notes à l’école, malgré nos horaires et programmes de plus de 200 jours par année. J’ai finalement vécu une retraite naturelle, pas déchirante, mais avec un certain deuil à vivre. Mon entraîneur du temps, Guillaume Taillefer, me sonde régulièrement à savoir si j’aimerais revenir, qu’il n’est pas trop tard à 23 ans. J’ai agi comme ouvreuse de piste, lors d’une compétition en janvier dernier. L’adrénaline est encore là, mais je suis passée à autre chose », s’est-elle résolue.

Marchessault adore se pointer les fins de semaine au centre de ski, avec le plaisir de retrouver l’énergie de la jeunesse. « J’ai été chanceuse, car étant fonçeuse, c’est moi qui avait amené mon père Philippe à s’impliquer au ski. On ne me poussait pas. La pression, je me la mettais moi-même sur les épaules en voulant être devant. Mais aujourd’hui, j’adore tellement aborder le mental vierge des jeunes, de les faire aimer glisser sur les planches ! Récemment, je suis partie dans la poudreuse et six élèves m’ont suivie. Je les entendais crier : « Wouhou ! » Le plaisir était palpable et ça me rendait heureuse qu’ils vivent ces beaux moments. Mon expérience me permet de doser ce qu’ils apprennent et quand s’amuser. »

« Que le plaisir soit présent »

Elle préconise l’apprentissage graduel, plutôt que viser les podiums dès les premières années de carrières. « Je sais que l’équipement et tout le reste peuvent coûter cher. Certains parents veulent un retour immédiat sur l’investissement et que leur progéniture gagne à 10 ans. On dénombre des cas de pression et de surentraînement, partout au Québec, qui mènent des fois à l’abandon du sport à 14 ans. J’ai des amies qui ont pris une retraite anticipée du ski à l’adolescence. J’ai persévéré, mais ça m’a pris un an off en 2024 pour me ressourcer. Là, je me sens bien dans ma peau, en étudiant à temps plein et en ayant un pied à terre à Montréal. Mais je reviens aussi à la source en enseignant les fins de semaine à Saint-Sauveur. Il faut que les jeunes pratiquent plusieurs sports avant de se spécialiser, que le plaisir soit présent », a-t-elle souhaité.

Marchessault implore aussi les autorités à prévoir le futur du ski. « Il faut trouver des avenues pour rendre le ski durable. Le début de saison a encore été retardé à cause de la chaleur. Il faut être créatifs. Au Québec, on ne dispose pas des Rocheuses naturelles dans notre cour. On ne possède pas la culture européenne du ski comme sport national. Il faudra instaurer des mesures et des activités durables, pour former la relève. C’est plus qu’une question de canons à neige », a-t-elle réfléchi tout haut.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *