Un été de bouette, littéralement
Par Charles Séguin
Les amateurs de plein air savent qu’il faut éviter d’utiliser les sentiers pendant le printemps, qu’ils appellent la « saison de la boue ». Or, cette année, cette période durant laquelle les sentiers sont gorgés d’eau semble s’être éternisée durant tout l’été, au grand dam des amateurs de randonnée et de vélo de montagne.
En 2023, rincer en profondeur ses bottes ou son vélo après une aventure en forêt fait partie de la routine. Dame Nature mène la vie dure aux sentiers des Laurentides, qui n’ont aucun répit depuis la sécheresse du mois de juin.
À titre d’exemple, en date du 22 août, les réseaux de vélo de montagne de Plein air Sainte-Adèle (PASA) ont été fermés ou boueux pendant 53 jours. Ils ont été ouverts et roulables à 10 reprises seulement, soit quelque 16 % de la saison jusqu’à présent.
« En marchant dans un sentier boueux, on accélère l’érosion du sentier », précise Jean Lacasse, formateur en aménagement de sentiers pédestres chez Rando Québec. Il rappelle que les dommages sont encore pires en vélo de montagne.
Normalement, les sportifs devraient être sages et faire demi-tour lorsque les chemins sont trop humides. L’abstinence aurait donc été de mise pour l’écrasante majorité de la saison pour préserver les réseaux et pour éviter de glisser et de se blesser.
De la pluie aux 48 heures
Vous n’hallucinez pas : c’est un été très pluvieux. Éric Chartigny de Météo Laurentides s’y attendait, mais les quantités et la récurrence des averses l’ont surpris. « Cet été, il pleut tous les deux jours, maximum », indique-t-il. Selon ses données, les Laurentides ne seraient restées au sec pendant plus de 48 heures qu’à deux reprises durant l’été.
Les précipitations ont pris le mois de juillet d’assaut. Environ 198 mm de pluie sont tombés, soit 100 mm de plus que la moyenne des 10 dernières années. Les 14 et 15 juillet ont d’ailleurs été les seules journées consécutives sans précipitation du mois.
Alors que la pluie inondait les chemins, le temps violent a aussi été de la partie pour malmener les sentiers. Éric Chatigny s’étonne d’avoir observé à deux reprises une alerte de tornade durant toute la journée. Selon lui, c’est presque du jamais vu dans les Laurentides. À la boue et aux flaques d’eau s’ajoutent donc des arbres tombés.
Ce temps décoiffant s’explique surtout par le phénomène météorologique El Niño, qui se caractérise par des températures élevées dans l’océan Pacifique équatorial. En 2023, il est arrivé en avance et a eu plus de temps pour se développer. Il serait à l’origine de l’instabilité et de l’imprévisibilité de la météo.
La nouvelle réalité
Force est de constater que d’autres étés extrêmes sont au menu dans les prochaines années. « On s’attend à une augmentation de l’intensité et de la fréquence des phénomènes météorologiques avec les changements climatiques », prévient M. Chatigny.
« Pour pouvoir continuer de profiter des forêts des Laurentides, on a intérêt à rendre les réseaux existants plus résilients et mieux adaptés aux changements climatiques », poursuit Caroline Asselin. Elle est directrice du Living Lab Laurentides, qui vise à accompagner les organisations touristiques à adapter leurs pratiques aux changements climatiques. Elle promeut des formations en aménagement durable des sentiers. Repenser l’irrigation, bien choisir les espèces végétales qui bordent les sentiers ou déterminer stratégiquement le tracé peut aider à atténuer les effets des dérèglements climatiques.
Souhaitons, au moins, que le beau temps n’ait pas dit son dernier mot avant l’automne!