Pour tester son invention, Alexandre Archambault a acquis « un immense sous-bois skiable » qu'il transformera en domaine privé : un modèle qu'il souhaite franchiser. Crédit : Simon Cordeau

Remonte-pente portable : « On défriche autant le terrain ici que le marché »

Par Simon Cordeau

L’invention développée par Alexandre Archambault promet de réinventer le ski, ici et ailleurs. Pour utiliser son remonte-pente portable, le Harpoon, il suffit d’installer une corde en haut de la pente. Puis on peut faire autant de remontées (et de descentes) que la batterie le permet. En plus de rendre le ski de poudreuse accessible à moindre coût, cette « nouvelle façon de se déplacer dans les montagnes » pourrait faire naître les centres de ski de demain.

Je me rends à Montcalm, juste à côté de Lac-des-Seize-Îles. M. Archambault y a construit le nouvel atelier pour son entreprise, Planches Lacroix. Avocat pendant 12 ans, l’entrepreneur a d’abord développé et commercialisé un skateboard électrique. « En 2020, j’ai eu l’idée du remonte-pente portable. On fabriquait tout dans le Mile End, à Montréal. Et je savais que, pour développer le produit, j’avais besoin d’une montagne. »

Tester sur le terrain

Pesant moins de six livres sans la batterie, le Harpoon peut tirer jusqu’à trois skieurs et se glisse facilement dans un sac à dos. À côté en noir, le premier prototype, qui pesait 23 livres. Crédit : Simon Cordeau

M. Archambault le savait : pour que son produit fonctionne, il devait le tester sur le terrain. « Personne n’avait fait ça. Sur papier, ça pouvait tirer huit personnes. Mais sur le terrain, ça n’en tirait même pas une ! Il y a plein de variables : le voltage de la batterie, les ratios de la transmission, la grosseur de la corde, celle du tambour… Il y avait une soixantaine de combinaisons pour trouver un « sweet spot ». »

L’entrepreneur a donc acquis un domaine de 365 acres à Montcalm. « La montagne a 120 mètres de dénivelé : c’est environ deux fois la hauteur de Morin-Heights. […] Il a fallu défricher la montagne et créer notre propre laboratoire. » Il y a installé une demi-douzaine de cordes et a coupé des arbres, pour le transformer en « un énorme sous-bois skiable ».

Trois hivers et quatre prototypes plus tard, M. Archambault dit avoir trouvé la combinaison « la plus efficace ». Pesant moins de six livres, le Harpoon peut tirer jusqu’à trois skieurs. La batterie est à part : il est donc facile de la remplacer pour une fraîche après quelques remontées. Le tout entre facilement dans un sac à dos. Surtout, la corde Dyneema qu’il utilise est toute petite. Même si un rouleau de 600 mètres ne pèse que 8 livres, sa force de rupture est 1 200 livres, explique l’entrepreneur. « C’est parce que cette technologie-là vient d’être développée que c’est possible », ajoute-t-il.

Le Harpoon est donc prêt à vendre. Mais l’entrepreneur veut être prudent avant de déployer son nouveau produit.

Déployer

Grand, lumineux et moderne, l’atelier de Montcalm permet de tester les produits directement sur le terrain. Crédit : Simon Cordeau

« Ce type de produit-là, il ne faut pas être cowboy dans la façon dont on le déploie sur un territoire donné. Si des personnes en achètent et vont au mont Alta, à la montagne Noire ou ailleurs dans les Laurentides, et ils commencent à installer des cordes partout et à se faire leur propre remonte-pente, ça ne prendra pas de temps qu’ils se feront des ennemis. Ça va devenir un risque, parce qu’il y a une corde, soudainement, qui traine au milieu de nulle part. »

Ainsi, M. Archambault souligne l’importance de travailler avec les gens du milieu du plein air et que son produit soit bien encadré. « Si c’est bien utilisé, bien balisé, avec une bonne formation, ça peut vraiment créer une expérience inoubliable. » Cette expérience, elle ressemble à celle d’une remontée en catski (dameuse) ou en hélicoptère, comme il en existe en Gaspésie ou dans l’Ouest canadien, explique l’entrepreneur. Le produit intéresse aussi beaucoup le milieu du « search and rescue », comme le sauvetage en montagne, mentionne-t-il.

« C’est un outil qui coûte la fraction du prix, qui ne fait pas de bruit, qui peut se désinstaller et qui ne pollue pas. »

Crédit : Simon Cordeau

Aussi, pour conserver l’expérience de neige poudreuse et de ski sauvage, il faut limiter le nombre de skieurs. Sinon, les pentes deviennent tapées après une seule journée. Alors, comment faire pour prouver le potentiel du Harpoon, tout en le gardant sécuritaire et en conservant la neige folle dans les sous-bois ?

Alexandre Archambault m’amène visiter son terrain. « La montagne, selon moi, c’est ce qu’il y a de plus impressionnant sur le terrain. C’est absolument unique. […] Pour avoir skié partout, non seulement dans les Laurentides, mais aussi au Canada et en Europe, c’est une très belle ligne de pente ici. On a beaucoup de plaisir à skier l’hiver. Il y a beaucoup de potentiel. »

Révolutionner

« On parle de 15 à 20 skieurs maximum dans le domaine skiable, pas 700 ou 800 », m’explique l’entrepreneur. Pour limiter le nombre de skieurs, il veut créer le Flow Ranch : seuls ceux qui réservent une nuitée dans un de ses minichalets auront accès au domaine skiable. « C’est une entreprise de Lachute, Constellations, qui fait des écopods [ou minichalets] haut-de-gamme, avec qui on a fait un partenariat. »

M. Archambault vient de mettre en vente ces chalets, la semaine dernière. Les chemins seront faits cet hiver. Ensuite, les fondations seront coulées, puis les minichalets pourront être livrés et installés. « Dès l’été prochain, les chalets seront opérationnels et prêts à être habités. » Les propriétaires auront accès au domaine skiable lorsqu’ils sont là. Et l’entreprise se charge de les louer pour eux le reste du temps. Il sera donc possible de les louer pour une nuit, une fin de semaine, etc. « C’est un modèle qui existe déjà, il y en a plusieurs. » Lorsque les gens viennent, ils ont une formation pour utiliser le Harpoon, afin de pouvoir skier durant le weekend.

Le domaine de 365 acres a « beaucoup de potentiel » pour devenir un centre de plein air, du ski de poudreuse au vélo de montagne, en passant par l’escalade. Crédit : Simon Cordeau

« Le but ici, c’est d’en faire un premier, et après de franchiser le modèle. Je veux reproduire cette expérience-là un peu partout, surtout dans les grosses montagnes. Ce qui m’excite beaucoup, c’est d’offrir une expérience de ski dans l’Ouest canadien qui, normalement, coûte une fortune à vivre. »

L’été, M. Archambault compte en faire un parc pour le vélo de montagne. Celui-ci serait accessible à tous, via un abonnement par exemple. « La montagne est phénoménale : c’est comme un immense cap rocheux. On fait juste gratter un peu avec des râteaux, et ce sont des immenses slabs de roche, quasiment de haut en bas. »

Il me montre aussi une grande paroi rocheuse, d’une vingtaine de mètres, qui pourrait servir de mur d’escalade. Le Corridor aérobique passe aussi sur son terrain. L’entrepreneur compte y faire une halte café où les gens pourront s’arrêter. Il y a même le lac des Seize-Îles, non loin, où les locataires de ses chalets pourraient utiliser le Vortex : un efoil, ou une sorte de planche de surf électrique. « Il y a beaucoup de morceaux à mettre en place pour ce projet-là. »

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *