Ne rien faire
Par Mimi Legault
Beaucoup de gens se plaignent d’être fatigués au retour de leurs vacances. Bien des théories lèvent la main. J’endosse la plupart des raisons mentionnées comme retomber dans un horaire fixe, coucou le réveil, les bouchons de circulation, le train-train quotidien, le retour à l’école des enfants, les lunchs, la garderie, les mauvaises nouvelles.
J’ai un autre point de vue. Pour moi, être en vacances serait de ne rien faire et d’avoir toute la journée pour le faire. Il faut en pro-fi-ter. Mais non, être en congé pour l’homo sapiens est justement de faire quelque chose. Deux semaines de vacances ? Regardez-vous bien aller. Lundi, visite au zoo. Mardi, la plage à 20 km de l’hôtel. Pas grave, on y va avec tout ce que comporte le déplacement : les chaises longues, le parasol, les serviettes, les chaudières et les pelles pour les petits, le lunch. On a tout ? Et le BBQ ?
Ça ne rentre pas dans l’auto. Go go go
Enfin rendus à destination. Bon, on a oublié la crème solaire. Regarde sur Google Map pour trouver une pharmacie. Mercredi, il pleut. On va aller magasiner. Ce qui n’était pas prévu côté carte de crédit : peut-être auriez-vous pu faire en sorte cette année que vos vacances ne vous mènent pas trop loin de… votre budget. N’oubliez pas une chose, les vacances servent à vider le trop-plein de notre tête, pas le portefeuille ! Mais bon, après tout, on est en congé ! Jeudi, on retourne à la plage. Mais v’là maman écoeurée de faire des sandwichs. Okay, on mangera de la pizza. Il y avait un stand mardi sur la plage. Vendredi se pointe. On décide d’aller à la rencontre d’amis dans un camping pas si éloigné. Finalement, Waze s’est gouré. Cinquante kilomètres juste pour l’aller, pris dans la circulation pour le retour. Juste à l’écrire, je suis fatiguée. Par bonne volonté, je vous épargne la deuxième semaine, sosie de la première.
Partir en vacances, c’est aussi rouler sur une autoroute les uns derrière les autres pour aboutir sur une plage ou dans un camping genre Ste-Madeleine où l’on se retrouve encore les uns par-dessus les autres. Vous me répondrez qu’il faut bouger, faire du sport. J’en suis. Les loisirs… le petit ennui de nos jours, c’est que pour pouvoir payer les plaisirs auxquels on se consacre, il faut parfois faire des heures supplémentaires au travail.
Je sais, je sais. Vous aviez besoin de soleil sur votre corps fatigué, mais il a bien fallu vous occuper de celui de vos deux enfants; passer votre temps à les crémer comme des p’tits fours. À jeter des coups d’oeil sur eux pour éviter un accident si vite arrivé. Besoin d’un bon rosé ou de poisson fraîchement pêché ? Pas évident avec des ados qui rêvent de McDo.
Je vais vous le dire comme je le pense : si j’étais médecin, je vous aurais proposé de renoncer à vos vacances et de vous reposer. Je suis bien au courant que le plus difficile, c’est justement de demeurer inactif. Tenez, je vous propose de vous pratiquer pour l’été prochain. Choisissez lors de votre prochain jour de repos (si c’est possible bien entendu) un moment de farniente. Si, si j’insiste : faites-vous une place pour… ne rien faire du tout. Déconnectez-vous de tout. Pas besoin de nommer vos gadgets, je risque de manquer de place dans mon texte.
Le farniente (mot italien associé à une certaine douceur de vivre) c’est tout un travail, mais une merveilleuse occupation ! C’est une invitation au fait que ne rien faire compte parfois bien plus que le tourbillon des activités qui régissent vos journées. Pour les babys boomers, c’est plus facile entre autres parce que dans le temps, les dimanches, c’était sacré. Les magasins étaient fermés, on l’appelait justement le Jour du repos. Petite question pour vous : avez-vous déjà entendu un oiseau chanter toute la journée sans jamais s’arrêter ? Pour terminer, on revendique la semaine de quatre jours. Personnellement, à vous voir courir, reste à savoir si cela vous permettrait de vous remettre d’une fin de semaine de trois jours.
L’invitation demeure. Tentez l’expérience du farniente. Ne rien faire, mais surtout bien le faire !