Le gros bon sens

Par Mimi Legault

Pour beaucoup de gens, souvent c’est tout ou rien. Dernièrement, certaines écoles au Québec ont décidé d’ordonner aux élèves du primaire de dîner en silence. L’affaire s’est rendue jusqu’au bureau de Bernard Drainville, ministre de l’Éducation. J’en ai ri même si c’était triste. Je me propose de vous montrer le revers de la médaille. À l’école où j’enseignais (ça devait être la même chose partout dans la région), la période du dîner, c’était l’enfer. Je n’exagère même pas : l’en-fer. Il fallait passer par le gymnase là où les enfants prenaient leur repas. C’était cacophonique. Ils étaient 8 par table. Ça criait, ça hurlait. Ça se poussait. Les enfants mangeaient, que dis-je avalaient leur dîner en moins de deux. Je plaignais les surveillantes du midi tant elles devaient avoir des migraines.

Alors, cette année, certaines écoles ont décidé d’exiger le silence. Ce n’est pas mieux ! Ils ont versé dans l’excès contraire. Tout ou rien. La solution ? C’est une amie qui l’a trouvée. Elle avait d’abord diminué le nombre d’élèves par table; je sais, c’était plus demandant pour le concierge, mais bon, c’était faisable. Elle a mis de la musique douce en leur proposant de parler normalement, de s’asseoir « comme du monde » que ma mère disait. Le gros bon sens ! Le miracle a eu lieu. Chacun avait son napperon et nettoyait sa place. À qui revient la première éducation ? Ben oui, aux parents. Lorsque l’un de nos enfants montrait des signes d’impolitesse à la table, nous ne laissions rien passer. Nous le faisions dans le rire et la détente. Je me souviens de ma fillette de presque 4 ans, elle parlait avec de la nourriture dans sa bouche. Je lui avais dit : on ne parle pas la bouche pleine. Surprise par mon intervention, elle avait recraché le tout sur la table…

C’est comme la cour d’école : au nom de la sécurité et de la peur d’être traînés en justice à cause d’un bête accident, des soi-disant bien-pensants ont pris des décisions d’adultes. Terminé de jouer au roi de la montagne, ou de lancer des balles de neige ou de monter les marches deux à la fois… Les enfants dans la cour devront demeurer « dretts comme des piquets ». J’exagère ? Nennon… Ce sont eux qui amplifient la chose et eux qui ont commencé…

Certaines villes défendent de jouer au hockey dans la rue. Bon, je ne parle pas du boulevard Décarie et de Saint-Laurent. Mon fils a joué sur notre rue peu passante dans le temps, il est encore vivant lui et ses copains. Ben oui. Plus tard, lorsque c’est devenu plus dangereux, sa gang jouait dans le vaste stationnement au bout duquel trônait un commerce de beignes. Les p’tits gars avaient découvert que ledit resto jetait ses beignes non vendus. Devinez… Des ados mâles ça mangent n’importe quoi ou presque.

Je reviens aux dîners silencieux. Je me dis que si l’enfant est bien éduqué à la table, il devrait en faire autant à l’école. Autre chose : les poubelles débordaient de nourriture encore comestible. Vous êtes naïfs si vous croyez que votre enfant mange tout ce que vous avez mis dans sa boîte à lunch parce qu’elle revient vide à chaque soir. Je vous donne mon truc : pour être franche, au primaire, mes enfants se rendaient chez une dame prendre un bon repas chaud. À partir de la 4e année, ils me disaient ce qu’ils désiraient pour dîner. On s’entendait pour éviter les cochonneries permises seulement les fins de semaine. Rendus au secondaire, ils préparaient eux-mêmes leur dîner, je n’avais qu’à suivre la liste qu’ils m’écrivaient. S’ils ne mangeaient pas tous leurs légumes, pas grave, ils me ramenaient le tout, on en faisait des potages.

Le gros bon sens est possible en autant que l’on s’implique et que l’on s’assoit ensemble pour discuter. Je ne mérite ni médailles ni trophées. S’il y a eu des hauts, il y a eu nécessairement des bas. Des discussions, des oui et des non. Des rebondissements et des reculs. C’est cela éduquer. Et quand je jette un coup d’œil vers le passé, je me dis que pour certaines choses, j’aurais dû les faire autrement. Mais pas de regrets. Inutile de moudre du noir. Ne vous boycottez pas. Jamais surtout quand on demeure certain d’avoir fait de son mieux. De grâce, sauvez une espèce en voie de disparition : optez pour un enfant poli à la table !

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *