Entre courage et trahison
Par Frédérique David
Le nouvel épisode de la très longue saga autour du troisième lien à Québec a fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours. Il faut dire qu’il s’agissait du plus grand recul du gouvernement Legault depuis son accession au pouvoir. Pas le premier par contre. On n’a qu’à penser à la création des classes de maternelle 4 ans qui a dû ralentir faute de main-d’œuvre et de locaux disponibles. Pourtant, les deux projets avaient fait l’objet de promesses électorales. Aujourd’hui, certains se sentent trahis. D’autres se réjouissent. D’autres encore soulignent le courage d’élus qui osent faire leur mea culpa et admettre qu’ils se sont trompés. Qu’importe la perception, qu’importe l’issue du projet, plusieurs leçons devraient être tirées de ce nouvel épisode.
La fin des promesses électorales ?
On aimerait croire que ce spectaculaire recul sonnera le glas des promesses électorales inconsidérées. Dans le milieu scolaire, on savait que les promesses concernant les maternelles 4 ans ne tenaient pas la route. On savait que le personnel et les locaux empêcheraient le projet de se faire. Le gouvernement a fait fi des mises en garde des gens sur le terrain. Il a fait de ce projet sa promesse phare de 2018. Le recul nécessaire quelques années plus tard ne l’a pas empêché de revenir avec une autre promesse déconnectée de la réalité quatre ans plus tard. Cette fois-ci, il s’agissait d’un tunnel de plusieurs milliards de dollars. Alors que le Québec vivait une période d’incertitude économique sans précédent, les caquistes se sont entêtés à défendre un projet totalement absurde dans le but évident d’obtenir des votes. Preuve en est l’absence d’études pourtant réclamées par plusieurs. Malheureusement, l’homme est ainsi fait qu’il n’apprend ni de ses erreurs, ni de ses exagérations. Le politicien moyen sait qu’il a plus à gagner de promesses sans fondements face à un électorat qui, visiblement, continue de se faire duper aisément. La fin des promesses électoralistes n’est donc pas pour demain !
La fin des exagérations verbales ?
Le pire dans tout ça, c’est que certains politiciens eux-mêmes se font facilement duper. Plusieurs ont cru dur comme fer que ce projet de troisième lien tenait la route et n’ont pas hésité à faire des promesses exagérées à leurs électeurs. C’est notamment le cas d’Éric Caire qui avait promis de démissionner si le projet de troisième lien proposé par la CAQ n’était pas réalisé. Pourtant, il semble bien décidé à rester en poste aujourd’hui. Souhaitons au moins que cette saga mettra fin aux exagérations verbales des politiciens. J’espère qu’ils réfléchiront désormais avant d’y aller d’exagérations et d’enflures verbales dignes des radios populistes, même si cela nous permet de rire quand vient le temps d’écouter le talentueux Olivier Niquet qui s’en abreuve chaque semaine pour ses chroniques.
En quête de lucidité
Le plus déplorable dans cette nouvelle saga politique, c’est qu’elle contribue à la perte de confiance de plus en plus de citoyens envers la classe politique. C’est déplorable parce que notre système est ainsi fait que nous avons besoin de politiciens pour gérer notre belle province. Et en 2023, il est difficile de comprendre pourquoi la classe politique n’a pas plus évolué. Comment se fait-il qu’on ne soit toujours pas capable d’être dirigé par des gens qui sont connectés à la réalité? Comment se fait-il qu’on soit encore pris avec ce style de gouvernance qui se magasine des années de pouvoir à coup de mensonges et de trahisons ? Les enjeux ont changé. Les défis sont importants. Il serait temps que le Québec soit dirigé par des personnes qui consultent les experts et considèrent les véritables enjeux. Comme le rappelle très justement Boucar Diouf, dans sa plus récente chronique, le fleuve Saint-Laurent aurait dû être consulté dans ce projet qui vise à le traverser. « Alors que la planète avance vers le précipice, on gagnerait à décréter un moratoire sur ces gros projets », souligne-t-il avec raison.