Conduire une auto

Par Mimi Legault

Maudit que l’on conduit mal au Québec. Les gens dans l’ensemble sont discourtois, goujats et quoi encore. Je lisais dernièrement dans un quotidien que les policiers de Montréal avaient donné pas moins de 3 000 contraventions autour des écoles. Pas de farce ! Ce qui me fascine, c’est lorsque la télé avec ses pubs sur les autos nous montre des nouveaux modèles qui, ma foi, sont bons pour emprunter la piste du circuit Gilles-Villeneuve. Pas étonnant que les jeunes qui n’ont pas encore le nombril sec, les gars surtout, la testostérone à « broil » et la pédale au plancher, se retrouvent devant saint Pierre à jouer de la harpe. Mieux vaut arriver en retard qu’en corbillard…

S’il fallait exiger une moyenne décente de quotient intellectuel pour obtenir un permis de conduire, il y aurait sûrement moins de conducteurs sur nos routes. Un ami policier m’a déjà raconté qu’un jour, il avait arrêté un conducteur qui conduisait à toute vitesse en zigzaguant. Pour sa défense, le gars avait dit avec le plus grand sérieux : ma blonde a le hoquet, alors j’essayais de lui faire peur.

Je viens tout juste d’aller faire quelques achats. En trente minutes, j’ai compté exactement sept chauffeurs qui n’ont pas daigné indiquer s’ils tournaient à gauche ou à droite. À ce que je sache, le clignotant à l’achat d’une auto n’est pas une option. Il n’y a plus d’âge pour la politesse. L’autre jour, un monsieur chargé d’années, disons-le ainsi, accompagné de sa dame est venu me couper la route. Je leur ai jeté un regard torve. La vieille dame m’a alors fait une moue digne d’une photo de passeport en levant son majeur bien droit ! À mon avis, il n’y avait pas que leur auto qui perdait de l’huile.

Les rages au volant sont de plus en plus nombreuses. J’ai vécu ça il y a quelques années. Je revenais d’une réunion, c’était tard le soir. J’ai dépassé une auto sur l’autoroute et j’ai regagné ma droite trop rapidement. Erreur de ma part. Ladite voiture m’a alors dépassée avec quatre jeunes hommes à bord très en colère qui m’ont fait un signe que j’ai rapidement compris : t’es morte… J’ai alors accéléré, j’avais à ce moment-là une voiture neuve et performante. Eux, non. Ils m’ont prise en chasse. J’étais en avance, je suis sortie de l’autoroute et j’ai pris la première entrée privée que j’ai vue, phares éteints. Je les ai aperçus passer tout droit. Soudain, j’ai pensé que mon auto faisait un drôle de bruit, mais non, c’était mon cœur qui battait la chamade… Et pourtant, la courtoisie c’est comme l’air dans les pneus. Ça ne coûte rien et ça rend la vie et la route infiniment plus agréables.

J’ai une philosophie sur la vitesse et les voitures. Ça peut se traduire par les mots de la chanson des Cowboys fringants, L’Amérique pleure : Et au milieu de ce bouchon/Pas de respect pour la mort/Chacun son tour joue du klaxon/ Tellement pressé d’aller nulle part. Voilà ! On roule à toute vitesse en faisant du sur-place. Aucun humain pressé n’est tout à fait civilisé…

J’entends les gens dire que la vie est courte, mais je crois sincèrement que certains s’arrangent pour la rendre telle qu’ils la décrivent. La vie se déroule devant eux tellement vite que la conscience peine à les suivre. Mais on dirait que la pluie de conseils sur la sécurité tombe tout juste à côté de la froide indifférence des gens. Aussi inutile que de donner un bain à un poisson rouge.

L’Humain est ainsi fait : c’est rarement de sa faute. Comment voulez-vous qu’il tente de s’améliorer ? Il a l’index accusateur sur l’autre. À l’entendre, ce n’est pas lui qui est entré en collision avec l’arbre, c’est l’arbre qui l’a frappé ! Pour terminer, en humour, je vous fais part d’une perle envoyée aux assurances. « C’est en voulant sortir en marche arrière que ma femme a défoncé la porte du garage, puis elle a renversé le vélo de notre fils avant de monter sur la pelouse où elle a écrasé nos rosiers. Ensuite, elle a perdu la maîtrise de la voiture ». Et cette belle pensée de Coluche : le champignon le plus vénéneux c’est celui que l’on trouve dans les voitures.

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