Salut mon grand
Par Mimi Legault
Je savais que tes jours étaient comptés, nous le savions tous. La mort était presque notée à ton agenda. Lorsque mon cellulaire a sonné en cette veille de Noël, je savais que c’était pour m’annoncer ton départ. Les écluses se sont ouvertes, j’étais inconsolable. Et pourtant je savais que tu étais très malade. Lorsque je suis allée te voir pour la dernière fois, tu étais encore à la maison. Souriant comme si tu pétais le feu. Je t’ai même embrassé en plein temps de pandémie. Tu paraissais heureux et serein.
Toi et moi ça faisait un bail que l’on se connaissait. Cela avait cliqué dès notre première rencontre et depuis c’était demeuré au beau fixe. Jamais de chicanes, mais des échanges colorés, des prises de position contraires, des haussements de voix, ça oui. Mais maman avait toujours la même marotte : vous avez le droit d’avoir des idées différentes, mais demeurez polis! C’est ce qu’on a fait.
Partir c’est mourir un peu, mais mourir c’est partir beaucoup. Je pleure seule dans mon coin parce que ta douce est plus forte que moi. Elle est en paix. Elle a été avec toi pendant tout le temps où tu en as eu besoin. Dieu qu’elle était présente à toi sans jamais démontrer de faiblesse ou de larmes que tu aurais trouvées inutiles.
Il y a bien des choses que nous avons vécues ensemble. Nos parties de poker que tu prenais tant au sérieux. Nos deux familles à Walt Disney avec nos enfants, les soupers en famille à Lachute, St-Bruno, St-Sauveur. C’était gargantuesque. Les parents gardaient les bébés et nous partions terminer nos soirées ailleurs prendre un dernier verre. Jamais je ne pourrai boire un Dry Martini sans avoir une pensée pour toi, mon grand. Avec trois olives, me chuchotes-tu à l’oreille. Oui, bien sûr. Promis.
Tu nous as cassé les oreilles avec l’annonce de ton décès : tu étais certain de mourir à 45 ans. Lorsque tu les as eus, tu as été obligé d’admettre ta bévue. C’était une belle erreur, une formidable erreur. Tu nous laisses avec une leçon dont peu de gens peuvent se vanter : ton courage. Jamais, et je le redis, jamais une seule fois tu as paru découragé de ta condition précaire durant ta maladie. Et pourtant, il y avait de quoi porter plainte. Tu mériterais une statue. C’est moi qui le dis parce que toi, tu as quitté cette terre en croyant qu’en l’Amour. Pas de messe, pas de prières. Seulement un repas en famille au printemps. On trinquera sans toi… un verre de Martini à la main.
Je te fais la promesse de bien prendre soin de ta belle. Moi et les autres de la famille, bien entendu. Tu sais à quel point j’aime les gens vrais. Tu en étais un. On savait toujours à quoi s’attendre avec toi. L’heure exacte, pile. Si l’amour déclarait présent, l’humour entre nous n’a jamais cédé sa place. On pourrait faire un livre de toutes les blagues échangées, de toutes nos aventures que l’on se racontait. Et que dire des jeux au Jour de l’An. Hé merde, voilà que les écluses viennent de s’ouvrir à nouveau. Surtout ne ris pas de là-haut, n’oublie pas qu’un jour, on va sûrement se rejoindre.
Pourquoi je pleure? Parce que. Et c’est une excellente raison, okay? Je ne suis pas ici pour t’encenser à tout jamais. Tu avais un sale caractère parfois. Tu ne te gênais pas pour le démontrer. C’est pour ça que je t’aimais, nono. On ne devient pas parfait quand on meurt. Je me souviendrai autant de tes tares que de tes qualités. N’est-ce pas ça l’amour? L’Amitié?
La vie n’est justement pas une partie de poker; impossible de bluffer. La mort cette fois avait tous les atouts. Bang, elle a jeté sa flush royale d’un seul coup sur la table. Elle est partie avec son gros lot, toi.
Merci d’avoir été dans ma vie, dans celle de tous ceux et celles que nous aimions. Je ne te l’ai jamais dit aussi clairement, ça ne se faisait pas, tu n’étais pas mon amoureux. Pour la première et la dernière fois : je t’aime, Serge