Redevenir sauvage

Par Journal-le-nord

Éditorial par Joëlle Currat, directrice de l’information

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Retournement de situation. Depuis des siècles, on cherche à maîtriser et à exploiter la nature. Tout y a passé : le sol, les sous-sols, les arbres, la faune, la flore, les rivières, les océans et le ciel avec ses nombreux satellites. Le monopole actuel de grandes entreprises agroalimentaires sur les semences et celui du cartel pétrochimique sur l’énergie représentent l’apogée de la domination de l’humain sur la nature.

Mais voilà qu’un mouvement prend de l’ampleur depuis les dernières années : le réensauvagement (rewilding). Cette pratique est née d’une volonté de conserver des espaces protégés et consiste à réimplanter des espèces animales – chevaux sauvages, bisons, chameaux, mouflons, jaguars – dans des régions où elles vivaient autrefois pour reconstituer les écosystèmes. Il s’agit également de reconnecter entre elles des zones de la nature qui ont été isolées les unes des autres par l’intervention humaine.

Avec les changements climatiques, la détérioration de l’environnement et ses nombreuses conséquences, on ne s’étonnera pas que de plus en plus de personnes réalisent qu’on est allé trop loin. On ne peut que se réjouir de ces initiatives de réensauvagement de la planète portées par des groupements qui considèrent la nature non pas comme un ennemi à abattre ou à exploiter mais comme une alliée dont notre vie et celles de nos enfants dépend.

En France, l’association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) achète des terres pour que la faune et la flore puissent vivre et évoluer sans que l’humain n’y intervienne. Aux États-Unis, on restaure l’écosystème des Prairies en y faisant paître le bison, par exemple, et en Australie, on réimplante des espèces comme le Eastern quoll et le Tasmanian devil.

Réensauvager l’humain

Il existe un parallèle intéressant à faire entre le réensauvagement de la nature et celui de l’être humain lui-même. Les conquérants européens ont longtemps méprisé et combattu les peuples autochtones partout sur la planète. Ceux qu’ils appelèrent les sauvages. Soutenus par les monarchies et les églises de l’époque, il fallait là aussi dompter et soumettre ces êtres trop « naturels ».

Aujourd’hui, à l’image de ces champs des fermes industrielles, est-ce qu’on est nous-mêmes soumis à une surexploitation et boostés aux produits chimiques ? Ne serait-il pas bienvenu de retrouver notre côté nature, de redevenir bio, en quelque sorte ?

On ne parle pas de régresser et de se comporter comme des hommes de Cro-Magnon mais de lâcher prise du contrôle et de la pression qu’on exerce sur nous-mêmes et parfois sur les autres. Arrêter de tout polir, de tout policer. Retrouver l’authenticité, le naturel, la spontanéité et, comme dans la nature, restaurer et reconnecter certaines zones de notre être. Réintroduire des valeurs qu’on a longtemps considérées comme intrinsèquement humaines mais qu’on a délaissées, comme la bonté, la joie de vivre, le partage.

Il y a dans la sagesse de nos ancêtres et dans celles des peuples autochtones des éléments précieux à réactualiser, notamment dans leur compréhension et leur lien étroit avec la nature.

Le mythe du bon sauvage

L’idéalisation de l’être humain vivant en contact étroit avec la nature n’est pas nouveau. Aussi appelé mythe du bon sauvage, il a notamment été évoqué par le philosophe Jean-Jacques Rousseau au 18e s. et par certains conquérants comme Jacques Cartier dans ses récits de voyage. Il se réfère à un paradis perdu, à un état non corrompu par la société et semble apparaître au moment de grands bouleversements. Quand des grands changements sont nécessaires…

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