Mollesse
Par Mimi Legault
Nous sommes un peuple de râleurs. J’ai bien écrit le nous. Je m’inclus dedans. Mais dans mon cas, ce serait plutôt gossante. M’enfin. Comme vous, j’écoute les nouvelles et les points de presse. Dès que le premier ministre annonce un changement : confinementdéconfinement ou retour à l’école ou non, c’est le branle-bas de combat pour les râleurs. Des monsieur et madame Ouimet (lire : Oui mais…), il en pleut. Quand on regarde sous le tapis (et non pas en d’sour…), j’ai les oreilles en chou-fleur de vous entendre répéter en d’sour… Oui bon, que trouve-t-on sous le tapis? Une drogue à l’accoutumance : l’été la bagnole à ciel ouvert, la moto, la loto, le Facebook, les programmes à la télé, le casino, le vide. Le peuple fume cet opium et ne veut pas que l’on vienne déranger ses habitudes. Compris?
Il en a ras le bol de la COVID. Alors, foutezlui la paix. J’ai des nouvelles pour lui; ce ne sera plus jamais pareil. Sa tranquillité d’antan s’est envolée pour de bon. S’agit seulement de vivre avec le virus. En passant, je me demande comment fait monsieur Legault pour répondre aux journalistes aussi calmement lors des points de presse. Si j’étais à sa place, ça fait longtemps que j’aurais envoyé… certains parmi eux. Demeurons courtois. Anyway. Le problème, c’est que quelques-uns doivent souffrir de constipation, ça ne les empêche pas d’être chiants par bout. Et le bon bout. Probablement que je ne ferais pas mieux. Mettons que pour rester polie, je leur proposerais gentiment de manger des fibres et de boire du jus de pruneaux pour leur régularité. Voilà, c’est mieux dit.
Pourquoi les râleurs et les géants d’estrades n’arrêtent pas de rouspéter contre les décisions du gouvernement? Feraient-ils mieux? Tenez, ils en ont contre les élus, contre le fait que la qualité de l’air dans les écoles serait déficiente. Qu’en savent-ils sur leur propre maison ou appartement? Certains fument, d’autres chauffent l’hiver sans jamais ouvrir une fenêtre. Les écoles sont devenues dangereuses, répète-t-on comme des aras. Ce genre de déclaration me fait rire un peu parce que l’Homme en général se clisse pas mal de ce genre de choses. L’Homme vit comme s’il lui restait 6 autres vies en banque. Il conduit son char comme dans un derby de démolition, mange plus de gras saturés que la moyenne, fume, court après son stress ou vice versa. Et l’air chez nos petits à l’école serait soudainement devenu irrespirable? Bien sûr que c’est grave, mais pourquoi s’énerver le poil des jarrets, là maintenant? Ça fait des années que ça dure! Le cadran de la conscience vient de sonner, drett là?
Nous sommes devenus mous dans tout le sens du mot. Mous dans nos opinions : peu importe les décisions avec la Covid, c’est la faute au gouvernement que l’on personnalise, donc c’est la faute à Legault. On magasine mou : maintenant c’est au tour de la pharmacie Jean-Chose qui, dans une pub, vous invite à acheter en ligne. La jeune femme répond (toujours dans la pub) Ben coudon, je vais rester en pyjama… Le ressentez-vous cet alanguissement? Ne me reprochez surtout pas de ne pas vous avoir avertis!
On est confiné deux ou trois petites semaines en hiver à -30, on hurle. On a perdu la manette de la tivi, on sacre. On échappe sa viande dans le plat à fondue, on chiale. Madame se casse un ongle, elle braille. Monsieur a perdu son trousseau de clés, il gueule. Les restos sont fermés, on crie à l’injustice. Le chat a fait pipi en dehors de sa litière, on veut tuer. Alors, on jette tous les ingrédients dans le même bol; on brasse, on fouette. On sacre le tout dans le four et on obtient un dérèglement général qui tourne à la folie, à la manifestation, à l’émeute.
On a perdu le thermomètre du bon jugement, de la dose à ne pas dépasser. On est rendu à se pendre aux mamelles de l’État qui doit, Covid ou pas, fournir la même quantité de lait à téter. Prenez une Gravol, fumez-en du bon, mais calmez-vous! Pour me changer les idées, je viens d’aller sur La Presse et le titre était : le retour à l’école, un dilemme.
Comme dirait l’otarie en furie, phoque de phoque…