Visit of Montreal Ski Club to The Manitou Club, 1905 (Source : Notman Photographic Archives, McCord Museum of Canadian History, Montreal)

La belle histoire des Laurentides – Chapitre 3

Par Journal-le-nord

Seconde d’une série de chroniques rappelant à notre souvenir à quel point le ski et les activités de plein air ont forgé l’histoire des Laurentides et en assurent l’avenir.

Les premières traces

Au 19e siècle, plus de 500 000 immigrants norvégiens transitent par le Québec pour se rendre aux États-Unis. Certains d’entre eux choisissent de demeurer au Québec et y introduisent la pratique du ski.

L’histoire des Laurentides est celle de ses montagnes, de ses lacs et de ses rivières

De la pauvreté de sa terre, mais de la richesse de ses espaces

Des gens qui l’habitent et qui en forgent le caractère

Des sentiers qui en tracent les contours

Des empreintes de raquettes effacées par celles des skis

De l’urbanisation qui en menace l’héritage et les paysages

Des communautés qui en préservent l’âme et la nature grandiose

Les images et les mots qui défileront au fil de cette chronique éphémère ne sont qu’un pâle reflet de cette riche histoire.

Histoire racontée par de nombreux auteurs et experts d’où émanent les nombreux faits historiques répertoriés par cette chronique et qui ne sauraient être suffisamment reconnus et que je ne cite qu’en nombre insuffisant.

L’un d’entre eux, M. A. Birch d’origine norvégienne, part de la rue McGill à Montréal le 28 janvier 1879 pour joindre la ville de Québec en « raquettes norvégiennes », des planches de bois longues d’environ 2,5 mètres. Il arrive à Québec le 6 février au terme d’une randonnée fortement médiatisée pour l’époque. Dans les années qui suivront, les skis remplacent progressivement les raquettes pour les excursions sportives et sociales.

Les premiers clubs

En 1904, un groupe de professeurs de l’Université McGill fonde la première organisation dédiée à la pratique du ski nordique au Canada, le Montreal Ski Club. On skie alors principalement sur les pentes du Mont Royal ou au parc La Fontaine.

La bourgeoisie anglophone de Montréal se laisse aussi rapidement séduire par ce nouveau sport « à la mode ». Percy Douglas est l’un des fondateurs du Montreal Ski Club et guide de nombreux groupes dans la découverte des montagnes des Laurentides en compagnie d’Herman Smith-Johannsen, dit Jackrabbit.

La « redécouverte des Laurentides »

En 1905, une première randonnée à ski est répertoriée dans les Laurentides alors que quatre skieurs du Montreal Ski Club relient Sainte-Agathe-Des-Monts à Shawbridge suivant un parcours de 34 km le long de la voie ferrée du P’tit train du Nord.

Ce parcours gagnera en popularité auprès des skieurs les plus téméraires qui, arrivant de Montréal, débarquent à Sainte-Agathe-des-Monts, parcourt les sentiers jusqu’à Shawbridge, juste à temps pour prendre le train de retour vers Montréal.

Cette randonnée, au caractère légendaire, suit les traces des premiers immigrants européens qui ont été rapidement attirés par l’attrait des montagnes des Laurentides et qui ont su en découvrir la valeur pour la pratique du ski.  Ils marquent encore aujourd’hui l’architecture et les paysages de nombreux villages où l’on retrouve encore plusieurs maisons et auberges d’inspiration alpine.

La pratique du ski s’organise et se développe

En 1911, le Laurentides Inn de Sainte-Agathe-des-Monts recrute, en Suisse, l’instructeur professionnel Émile Cochand (1890-1987) pour y enseigner le ski. Premier instructeur professionnel enseignant le ski au Canada, Cochand arrive au Canada avec une centaine de paires de skis et de bâtons, et enseigne les techniques du ski alpin, du ski de fond et du saut à ski. La Première Guerre mondiale force la transformation de l’hôtel en hôpital de convalescence et met fin aux activités de Cochand à Sainte-Agathe-des-Monts.

En 1915, Émile et Léa Cochand fondent le Chalet Cochand sur un lot de 500 acres comprenant chalet et maison de ferme face au lac Lucerne à la limite des villages de Sainte-Marguerite et de Sainte-Adèle.  Il y enseigne le ski et développe les infrastructures nécessaires à sa pratique (pistes, sentiers, sauts).  Le Laurentian Cross Country Ski Club et le Canadian Ski School s’y établiront et y développeront plus de 100 km de sentiers et pistes de ski.

L’année suivante, un hôtel en bois rond de 35 chambres est construit sur le site du St-Margaret Golf & Winter Club non loin du Chalet Cochand.  Il prendra plus tard le nom d’Alpine Inn.

Et soudain, tout s’accélère…

En 1923, le « Laurentian Lodge Club » est fondé par un regroupement de skieurs anglophones de Montréal.  La maison de ferme Beverly Farm située à Shawbridge est alors transformée en maison d’invités. Parmi les fondateurs de ce club sélect, on retrouve notamment Jackrabbit Johannsen.  Situé en face de la Big Hill, ce lodge est parmi les plus anciens des clubs de ski avec résidences en Amérique du Nord.  De nombreux sentiers de ski partiront de cet endroit pour rejoindre Saint-Sauveur et Sainte-Adèle.

En 1924, la « Laurentian Resort Association », qui regroupe les principaux hôteliers de l’époque, est fondée pour promouvoir la région et le ski.  Parmi les membres fondateurs se trouvent notamment Emile Cochand, Victor Nymark et Fred Stanfield.  Elle embauche aussi Herman Smith-Johannsen pour prendre charge du traçage, de l’entretien et du balisage des sentiers autour et entre les principaux centres de ski de l’époque.

En 1929, les membres de la famille Gillespie aménagent le sentier du même nom pour aider les enfants à se rendre de la ferme familiale à l’école de Sainte-Agathe-des-Monts. Deux ans plus tard, le sentier s’allongera pour joindre Val-David, l’hôtel Far Hill’s Inn à Val-Morin et se terminer au Chalet Cochand.  Ce sentier, qui reprend d’anciennes pistes amérindiennes, deviendra plus tard l’épine dorsale du réseau de ski de fond de Sainte-Agathe-des-Monts et de Val-David.  Les balises qui en jalonnent le parcours sont à l’effigie du drapeau suédois, soit une croix jaune sur fond bleu.  On voit encore parfois ces repères.

En 1932, Herman Smith-Johannsen et son fils Bod entreprennent l’aménagement du célèbre sentier Maple Leaf qui relie sur 120 km, les principaux centres de ski entre Shawbridge et Chute aux Iroquois (ancien nom de la municipalité de Labelle).  Ce sentier une telle impulsion au ski de fond, qu’il se développe dans tout le pays.  Son tracé original fut détruit en grande partie lors de l’aménagement de l’actuelle autoroute 15.  Certaines portions demeurent encore intactes, notamment du Lac Lucerne à Val-David et de Sainte-Agathe à Saint-Faustin.

Des terres de la colonisation aux chics lieux de villégiature

Le Chalet Cochand et le Laurentian Lodge Club sont à l’origine d’une véritable révolution qui est sur le point de transformer le paysage, la culture et l’économie des Laurentides.

La mise en service des premiers trains des neiges en 1926, ces convois remplis de skieurs, qui partent de Montréal le vendredi soir et se dirigent vers Shawbridge, Sainte-Adèle, Sainte-Agathe et plus tard Mont-Tremblant agira comme catalyseur d’un véritable boom de développement.  Car au-delà des skieurs, plusieurs investisseurs montréalais s’activeront à la construction ou réfection de hauts lieux d’hébergement et de villégiatures des Laurentides.

De 1930 à 1940, Paul D’Allmen cartographiera avec minutie l’impressionnant réseau de sentier développé par Johannsen et les différents club de ski, une grande marque de cigarette publiera annuellement un désormais célèbre « ski book » signé par Jackrabbit, les Nymark, Thompson, Potter et autres grands noms construiront une infrastructures hôtelière de classe mondiale, les Cochand, Kerr-Gillespie, Foster, Paquette révolutionneront, à leur manière, la pratique du ski… mais ce phénoménal âge d’or fera l’objet d’une prochaine chronique de notre «Belle histoire des Laurentides ».

Histoire qui n’aurait pu être sans la généreuse hospitalité tout d’abord des colons qui ont accueilli les premiers skieurs sur leur terre, mais aussi à leur table.  Puis aux villages et hôteliers qui ont su poursuivre cette tradition qui rend notre région si hospitalière.

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