Tous masqués
Par Mimi Legault
mimilego@cgocable.ca
Une pandémie est d’une justice! Un p’tit virus pas plus gros que ça, qui prend deux jours pour faire Chine-Montréal et qui attaque les yeux fermés : blanc, noir, jaune, gros, petit, Français, Québécois ou Africain, il fonce dans l’tas. Sauf! Sauf s’il a affaire à Donald Trump, alors c’est le virus qui meurt. Moi, ce qui m’a frappée (entre autres), c’est le port du masque. Si, comme moi, vous portez des lunettes, la buée devient l’ennemi no 1 à combattre. Je sais, il existe des astuces. Quand même. J’haiiiiis cette gugusse, mais je dois m’y conformer comme le reste. Ce qui me fait rigoler, c’est que nous sommes tous masqués ou presque depuis belle lurette. Pas à cause de la COVID, mais parce que nous nous montrons souvent différents de ce que nous sommes en réalité. Chacun porte son propre masque. Celui du coronavirus est le deuxième que nous enfilons. Un exemple banal entendu l’autre jour. Deux femmes. L’une demande à l’autre : qu’est-ce qu’ils ont tes cheveux? On dirait que tu portes une perruque. Mais c’est une perruque. Ah bon, elle te va bien, ça ne paraît pas.
Je sais, ce n’est rien du tout! C’est quand même faux…C’est comme si on voulait trop être quelqu’un d’autre. Nous sommes des bluffeurs dans l’ensemble. Nous alléguons être quelqu’un que nous ne sommes pas. Des fois, on pousse si fort sur le bouchon qu’on finit par se dire que c’est le miroir qui ment. Mais cette fois, on s’est fait prendre la main dans le sac. Plusieurs d’entre nous ont été obligés d’enlever le masque qu’on avait fini par faire coller dans sa face. Être confiné dans notre maison a eu comme effet de faire tomber le faux qui nous habitait. La vie nous a obligés à faire l’arrêt obligatoire.
Cette pandémie veut veut pas nous a arrachés à notre cours habituel, à une routine qui nous faisait rouler à 140km/heure alors que notre corps ne pouvait logiquement dépasser sa vitesse permise. Tout pressait : faire les lunchs, courir au supermarché, travailler sous pression, appeler le médecin, aller mener le p’tit à sa pratique de hockey, manger sur le pouce. L’esthéticienne, la coiffeuse, le garage pour faire changer les pneus.
Puis soudain, la panne. Du jour au lendemain, plus rien : juste du mou à porter, la tivi à regarder, les facetimes si drôles au début, le ménage du printemps, le salon à peinturer. Le vide. Le covid. L’envie de retourner à ce travail que l’on maudissait chaque lundi matin, l’espoir de sortir avec nos amis, d’aller aux spectacles, le Centre Bell même si les Canadiens perdaient. On nous a enlevé notre vie d’antan. Un de mes oncles gueulait contre son confinement. Mais tu ne sortais jamais que ma tante lui a répondu. Non, mais rien que de savoir que je ne peux pas sortir, ça m’énerve! L’Homme étant un être d’habitudes a vu sa routine éclater en mille morceaux. Il a fini par admettre qu’il préférait son purgatoire d’avant plutôt que l’enfer quotidien qu’il a vécu.
Il n’y a pas eu que des côtés négatifs à cette pandémie. J’en ai profité pour faire une distanciation avec de faux amis ou des dépenses inutiles que je faisais sans réfléchir. J’ai javellisé quelques pensées qui traînaient pour rien dans mon packsac de vie. J’ai désinfecté des préjugés vraiment pas nécessaires. Après tout, ne faut-il pas que je renouvelle mon stock d’idées de temps en temps? Et j’ai arraché pouce par pouce ce masque qui collait dans ma face depuis trop longtemps. C’est facile de se laver les mains virtuellement en se disant que quelque chose ne me regardait pas alors qu’au contraire, le problème existait autant pour l’un que pour l’autre.
Peut-être que vous vous reconnaîtrez dans ces lignes ou non. Dit poliment : si le chapeau vous fait, mettez-le. Ou comme Molière dit en temps de pandémie : qui se sent morveux, se mouche!