Qu’est-ce qu’on mange ?

Par Mimi Legault

Il y a quelques décennies, les mères québécoises ne travaillaient pas à l’extérieur. Lorsque l’on revenait de l’école, c’était toujours la même question : qu’est-ce qu’on mange? Maman était une cuisinière hors pair. Peut-être pas ceinture noire, mais un fier cordon bleu! Elle faisait la cuisine en ajoutant à la fin un ingrédient toujours présent chez elle : l’amour. Et croyez-moi sur parole, elle en saupoudrait plus que la recette ne le demandait. Il y a pourtant des choses que je n’arrive pas à comprendre. Papa mangeait tout ce que sa douce lui préparait; ça partait du rôti de lard jusqu’à la tarte au sucre faite avec de la crème à 35 %. Et tout ça dans le même repas, bien sûr.  En bon comptable qu’il était, il ne travaillait pas fort physiquement, et pourtant, il portait avec orgueil un poids santé qui le rendait fier.

Lorsque maman lui présentait de la graisse de rôti qu’il étendait abondamment sur des tranches « épaisses comme ça » d’une miche de pain, il ne se gênait point pour en reprendre deux fois plutôt qu’une. Est-il décédé d’une crise de foie? Bien sûr que non! Mais qu’est-il arrivé à notre bonne cuisine d’antan? Des tourtières, des ragoûts avec des patates jaunes, des poudings au pain ou au chômeur qui nous tenaient bien au corps? On mange désormais du caillé de soya : pour devenir centenaire? Honnêtement, aurais-je une fierté si j’atteignais l’âge vénérable de 100 ans? Avec toutes les histoires d’horreur racontées sur les CHSLD, j’en doute en mautadit…

Ce qui m’amène à parler de la nourriture d’aujourd’hui. Je suis très consciente qu’il faut délaisser la viande rouge au profit du tofu et du seitan. Que voulez-vous, je suis une adepte du veau gras plutôt que les lentilles et les fèves, qu’elles soient rouges ou noires. Pas grave pour les couleurs, je ne les distingue pas.

Ce qui demeure important est que je fais un effort. De la salade? Un peu. Surtout la César. Du poisson? Saumon et morue seulement. Nourriture japonaise? C’est le dernier de mes sushis. Tout ce qui est tofu, lentilles ou autres mots qui ne faisaient pas partie de notre vocabulaire m’accable un peu. Beaucoup, en fait. Et pourtant, ma petite voix intérieure me souffle à l’oreille que je suis dans le champ; qu’il serait impératif de changer de livres de recettes, de penser à la Planète. Je SAIS tout cela, mon estomac refuse d’entendre raison.

Autre chose d’aberrant: vous verrez qu’au mois de janvier prochain, il y aura dans votre magazine préféré des nouvelles recettes extraordinaires « comfort food » et quelques pages plus loin dans le même mensuel, des régimes amaigrissants après-Fêtes! En passant, ne le prenez surtout pas personnel, mais si vous avez besoin d’un chariot à provisions dans un dépanneur, c’est que vous avez de mauvaises habitudes alimentaires.

Permettez? Un bout d’article de l’imminente Dre Caroline Kilsdonk, vétérinaire sur la dualité végétarisme/carnivore. « Certes des protéines d’origine végétale peuvent combler une part importante de nos besoins. Il est à espérer que nos nouvelles habitudes permettront réellement de réduire notre empreinte écologique entre autres par un moindre gaspillage puisqu’un régime végétarien n’est pas automatiquement plus écologique. Nombreux sont ceux qui travaillent à rendre notre agriculture durable. Ailleurs dans le monde, l’importance des animaux d’élevage dans la vie des communautés rurales est primordiale et l’abolition de ces activités mènerait à une perte de sécurité alimentaire. »

C’est pour ça qu’il faut s’asseoir tous ensemble et di-a-lo-guer avec des gens venus de tous les milieux et de toutes les traditions.

Mais attendez! Bientôt, vous aurez droit à des recettes aux insectes. C’est déjà sur le menu de certains restaurants de par le monde, et le Canada n’y échappe pas. C’est même une solution écologique pour permettre à la population mondiale d’assurer ses besoins en protéines, nutriments et vitamines. Je vous propose une salade de concombres aux grillons et vers de farine, ou un ragoût de sauterelles ou bedon des gaufres croustillantes aux insectes (hachés très finement de préférence pour ne pas apercevoir une des six tites pattes). Il paraît que c’est bon en bibitte! Et pour une collation, que diriez-vous des chips de coquerelles au vinaigre? Miam miam! Qu’est-ce qu’on mange?

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *