Chère Mado
Par Mimi Legault
Lorsque j’ai revu mon amie Mado au resto, j’ai pensé un instant qu’elle venait d’avaler un poison mortel ou qu’elle avait passé trois semaines en prison dans un pays étranger (sinon, au Québec, elle aurait quand même gardé quelques couleurs, m’enfin comme dirait le joueur de baseball, c’est une autre paire de manches…). Rien de cela, m’a-telle assuré. Hélas, c’était encore pire : pas la COVID? Non, non, c’est simplement mon médecin qui m’a condamnée à perdre 50 livres! Eh, monsieur, c’est toute une bibliothèque! À date, elle en avait perdu 22. Bon, mettons qu’elle était rondelette. Rondelette, j’ai dit. Pas obèse. Elle souffre d’hypertension et d’un taux de cholestérol plus élevé que la normale.
Alors, elle s’est mise à manger des graines et des salades. À couper la viande rouge et tout ce qui débutait par la lettre P. Pâtisseries, patates, pain, pizza, pâtes. Alouette. À rayer de son menu le peu de vin qu’elle buvait. À prendre 56 pilules. À broyer du noir. Elle qui n’avait jamais pris de médicaments de sa vie. À 58 ans, la Mado que j’ai vue marchait le dos légèrement courbé, avait un teint verdâtre de sénateur. Son sourire brillait par son absence. Ses belles joues rondes et rosées avaient perdu tout leur éclat.
Mado vit par défaut. À côté de ses bottines. Ce qui me met le feu au derrière, c’est que ce fameux médecin à la veille de prendre sa retraite lui a dit d’arrêter de vivre. Pas dans ces mots, mais Mado l’a pris au pied de la lettre. Pas une bonne idée. Juste une petite parenthèse.
Mon père un jour décida d’amener toute sa famille dans un parc d’attractions. Tout ce que je visais c’était les montagnes russes, premier banc. Voilà papa qui répond à mon désir. Il avait 49 ans. En descendant du manège, il avait subi non pas une attaque cardiaque, mais une alerte. Son ami médecin lui avait alors fortement conseillé de cesser tout sport. Maman lui avait conseillé de ne pas l’écouter en entier. Elle l’avait alors dirigé vers des cours de yoga. Il est mort en pleine santé des décennies plus tard.
C’est pareil pour Mado. Je lui ai parlé dans le jaune de ses yeux. Toi Mado qui aimais tant déguster de temps en temps un p’tit verre de cognac, prends-le! Ne lâche surtout pas cette vertu! Verse-t’en deux onces, tu en retireras 10 de bien-être. Lève ton verre à la lumière pour en admirer la couleur ambrée. Fais-le tournoyer en humant son parfum. Je ne te propose pas de devenir une siphonnée de la carafe ou de te paqueter la bobinette. Encore moins de tenter de noyer tes frustrations et tes chagrins dans l’alcool, méfie-toi, ils savent nager. Même chose pour le sport, la lecture, la danse, fais-toi plaisir! Mets le doigt sur le beau-beau. N’écoute les conseils du médecin qu’à 75%.
Et puis, ne prends pas cet air de victime; je déteste cela. Tu te joues des comédies Kleenex dans lesquelles je n’embarque pas. Mets du pep dans tes espadrilles, va marcher, pratique la cohérence cardiaque. Respire! Mets-toi à tricher côté alimentation dans le 25 % restant. Un jour, j’ai trouvé un morceau de soleil au fond de ma soupe à l’oignon! Je veux t’entendre rire. Tiens, une histoire drôle. Un patient assis sur la table d’auscultation. Il se plaint au médecin que les huîtres qu’il a mangées n’avaient pas l’air de lui réussir. Étaient-elles fraîches? lui demande le doc. Pas sûr, lui répond le gars. Quel aspect avaient-elles quand vous les avez ouvertes? OUVERTES???
Voilà, tu ris Mado! Comme c’est bon de te voir ainsi. Allez, vas-y mollo (comme a dit le PM Legault). Car si tu suis à la lettre les conseils de ton médecin, peut-être te sentiras-tu mieux physiquement, mais tu risques aussi de te retrouver avec des antidépresseurs et tu mourras bien avant de décéder. C’est ça que tu veux, Mado?