Bien du bruit

Par Mimi Legault

mimilego@cgocable.ca

Grrr-wouf wouf-paklang-vroum vroum-put put-wouinnn-bang! N’ajustez pas votre appareil, je fais du bruit. Un peu avant que le virus fasse son smatt et son arrivée, je suis allée passer une nuit chez mon cousin Luc. On l’appelle Ti-Luc, ça fait plus court…Il demeure à Montréal dans un duplex qui a facilement 50 ans de vie, comme Luc d’ailleurs. Au deuxième vit un gars qui travaille la nuit, il est danseur dans une boîte que Luc m’a dit. Il en faut, il paraît. Il rentre autour de 5 heures du matin. Ça fait que le monsieur ben faite pis ben parfumé, parce que l’odeur s’infiltre à travers les murs…, en fait, il n’y a que l’argent qui n’a pas d’odeur, et encore… Mais je m’éloigne du sujet. Là encore je pratique la distanciation. Je recommence : ce qui fait que mon danseux vit comme si le cousin avait le même horaire que lui. Bong bong bong…Ça c’est le bruit que font ses tabarnouches de bottes de cowboy. Ma foi, me dit Luc, il dort avec.  Il fait son ménage, des fois son lavage en arrivant. Lucky Luke chevauche son aspirateur, passe la vadrouille au trot de long en large de l’appartement. Et si Luc ose se plaindre, l’autre dégaine rapidement. Tant de bruit!

Mon amie Francine s’est acheté un petit chalet qu’elle a rénové à grands coups de cœur et de marteau. Sauf que devant le chalet, il y avait un grand lac. Devinez…Sur l’eau, plein de petits engins qui faisaient tous vroum vroum. C’est sûr que cela a causé des vagues! Quand on se retire près d’un bois, c’est pour entendre le gazouillis des ti-zoizeaux. Et par un beau dimanche après-midi, mon amie a capoté. Je le sais, j’y étais. On se criait par la tête en guise de conversation. À un moment donné, elle a lancé la palette du BBQ, les boulettes de steak haché ont suivi. La pancarte À vendre a poussé devant le chalet comme une mauvaise herbe. Tant de bruit!

Michel fait de la voile avec sa blonde. Un jour, ils accostent sur une immense île déserte. Un vrai paradis terrestre. Alors ils se sont pris pour Adam et Ève. Deux beaux tout nus dans cette belle nature. Soudain, un bateau apparaît. Ils se disent qu’il va sûrement amarrer plus loin, l’île est grande. Devinez encore…Un jeune couple est débarqué à quelques pieds d’eux. Un gars, une fille, deux petits caniches jappeux comme des politichiens, système de son sur l’épaule.

On dirait que de nos jours, on craint le silence, ce bruit assourdissant. Une thermopompe qui pompe justement trop fort, un moteur de piscine qui se plaint tout l’été. Des décibels qui s’échappent d’une voiture d’un ado mal-aimé. Au cinéma, des gens qui jasent comme s’ils étaient dans leur salon. À la  table voisine du resto, une femme qui criiiie sa vie et sa frustration contre son patron.

Mais vous savez quoi? Tout a changé. Fin hiver, début printemps, en pleine pandémie, on aurait dit que le village avait été bombardé. Peu de gens se risquaient à l’extérieur préférant demeurer emmitouflés dans leurs craintes et le confort de leur maison. Silence. Un silence sépulcral. Des restos fermés, des commerces florissants qui ne fleurissaient plus. Puis le déconfinement à temps partiel, presque maintenant à temps complet.

Je suis allée faire un tour sur la Principale. Tout ce bruit comme une musique. Une clameur de rires et de sourires qui montait vers le ciel, des terrasses bondées par la fidélité des clients revenus. Cela m’a fait un bien immense. Tout ce bruit comme une joyeuse rumeur qui courait à travers cette petite foule. Soudain, je me suis sentie repue comme un jeune chat qui vient de laper un bol de crème. Heureuse? Ça oui, pas vous?

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