Révolution captive

Par Daniel Calvé

CHRONIQUE D’UN X

Au début, les jeux de mots avec la bière Corona faisaient sourire, tout autant que la ruée vers le rouleau blanc et la course au miraculeux gel désinfectant. Ensuite, l’humour s’est estompé au fur et à mesure que les conférences de presse et les bulletins de nouvelles ont été prononcés. La légèreté a peu à peu cédé sa place à l’anxiété : « et si c’était la fin de l’humanité ? », nous ont demandés en silence, nos cerveaux paranos et désemparés.

Pour paraphraser le philosophe et moraliste Blaise Pascal, tout le malheur de l’être humain vient d’une seule chose : l’incapacité de demeurer seul et en silence un long moment. J’y ai toujours cru, mais comme chaque chose a (au moins) deux côtés, j’ai tendance à penser que l’opposé est aussi vrai, au sens ou le malheur peut aussi émaner de notre incapacité à n’être jamais seul, collé sur un semblable, et confiné dans un espace donné pendant un long moment.

Condamner à s’apprivoiser

Que nous traversions cette période d’incertitude (physiquement) seuls ou à plusieurs, nous sommes tous, sans exception, confrontés à nous-mêmes. La patience des parents qui vivent avec leurs enfants est hautement mise à l’épreuve, ces derniers doivent plus fréquemment revisiter les métiers de coach, de médiateur ou parfois même de policier. Les couples doivent apprendre à transformer leurs travers en beauté, et à se respecter, malgré la proximité obligée, cette tueuse de tranquillité. Les gens vivant seuls doivent en profiter pour mieux se connaître, apprivoiser leur solitude désormais forcée, tout en cultivant l’appréciation d’une socialisation physique anticipée.

Certes, une situation de confinement amène, et continuera malheureusement d’amener son lot de misère, à hauteur de la présente crise. Éclosion de violence domestique, gestes égocentriques, dérapages de toute sorte, et ultimement, la glorification de la célèbre phrase de l’évêque François de Sales : « là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie ».

Une bénédiction

Les grands bouleversements ont cette capacité extraordinaire à faire sortir le meilleur et le pire chez l’être humain. Personnellement, je préfère porter mon attention sur les miracles auxquels on assiste chaque jour, depuis ladite crise. Il y a, au Québec et ailleurs dans le monde, un sentiment de solidarité qui rappelle les années sans artifices qu’ont connu nos grands-parents et arrières grands-parents. Cette simplicité obligée et non volontaire nous ramène à la base, pour ne pas dire à l’ordre. Rien n’est hasard dans cet univers, et si vous regardez comme il le faut, dans tout ce chaos, vous apercevrez ce qu’il y a de plus beau.

Des héros, jusqu’ici silencieux, émergeront de cette crise. Une nouvelle économie générée par de nouvelles industries composées de toutes nouvelles entreprises verra le jour. Les gens auront de nouvelles façons d’apprendre et de communiquer, tandis que d’autres, découvriront des intérêts jadis ignorés. La nature, ne serait-ce que pour un instant, aura repris son cours, sans interférence ni autre forme de pollution humaine. À preuve, saviez-vous que la ville de Paris est en émoi, car plusieurs habitants n’avaient jamais entendu chanter les oiseaux ? Cette brillante lumière, omniprésente au centre de cette tornade sociétale, m’émeut au plus haut point.

Apprécier le présent, préparer le futur

Personnellement, je crois que les principales pistes de réflexion que nous soumet cette pandémie sont les suivantes : ne tenez rien pour acquis, cultivez la gratitude, et vivez pleinement le moment présent. Nous sommes témoins et acteurs d’une forme de révolution, une de laquelle nous sortirons complètement transformés. Les moments que nous vivons présentement ensemble, s’inscriront dans l’histoire, et les gestes que nous posons aujourd’hui auront, plus que jamais, un impact sur notre demain. Ne sous-estimons pas notre faculté de résilience, et faisons confiance à notre espèce qui a la vénérable capacité de s’adapter. Par contre, ne gaspillons pas la précieuse occasion offerte par cette crise, car c’est une opportunité de réfléchir, de prioriser notre santé, de se réinventer, de mieux s’aimer, de respecter la terre, de reconnecter avec sa famille, son voisin, et toute sa collectivité, même si on ne peut pas physiquement se toucher.

Puisses les mots compassion, courage et solidarité nous guider dans cette sinueuse traversée – ensemble, nous allons y arriver.

JEAN-CLAUDE TREMBLAY
jctremblayinc@gmail.com

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