Patience et élections
« Heille c’est bien long tab !#*$@ !, grouilletoi pis donne-moi ma commande, ça fait 10 minutes que j’attends mon @ !#$ de café pis mon sandwich – vous êtes une %$@!#! de gang de clowns. » Cet événement, c’est Mathieu (nom fictif), 14 ans, qui me l’a raconté. Lui et ses collègues vivent ce genre de situation chaque jour, plusieurs fois par jour, et c’est de mal en pis.
En début d’été, alors âgé de seulement 13 ans, Mathieu voulait amasser un peu d’argent et a donc décidé, avec l’accord de ses parents, de soumettre sa candidature dans une entreprise en restauration du coin, qui elle, n’a évidemment pas tardé à l’embaucher. Il était si excité à l’idée de pouvoir contribuer et de développer ce sentiment de fierté qu’apporte le travail, et ses parents, très heureux de pouvoir le soutenir dans sa quête d’autonomie et de responsabilité. Depuis… tout le clan est plutôt désenchanté.
Intimidation… de routine
C’est particulier, dans ma dernière chronique je traitais de « devoir d’empathie » et de « considération de l’autre ». Et maintenant ça. Un jeune, à peine ado, qui sait qu’à chaque fois où il sera au travail, il se fera insulter plusieurs fois dans la journée. C’est juste… « normal ». Le pire, c’est que ce n’est pas un cas isolé, et un peu partout les travailleurs se font régulièrement prendre d’assaut par une partie de la clientèle, qui ne se gêne plus pour déverser sa haine sur eux.
Sommes-nous rendus assez lâches au point de « ramasser » et d’intimider des travailleurs, et spécialement des jeunes (plus vulnérables), qui ont le courage d’aller travailler, alors que nous manquons de main-d’oeuvre, et que d’autres individus profitent encore des largesses fédérales pour se la couler ? Il faut croire que oui.
Dans les restaurants, commerces de détail et autres entités qui traitent avec le public, il est maintenant (tristement) convenu de parler d’intimidation. Il faut, certes, que les employeurs mettent en place des mesures pour protéger leur personnel, mais il faut aussi que les employés apprennent à se défendre contre les agresseurs, et ultimement, que les témoins (collègues et autres clients), dénoncent sur-le-champ les agresseurs, car autrement, le cyclone risque de prendre de l’ampleur.
À ceux qui sont patients avec nos commerçants et leurs employés, je dis bravo et merci. Aux autres, qui « sautent des coches » à répétition contre des Mathieu et des Claudette de ce monde qui tiennent courageusement le fort, à l’épicerie, au restaurant ou ailleurs, je dirai ceci : si vous n’êtes pas prêts à être patients et respectueux, SVP restez chez vous. Le passeport sanitaire, les mesures gouvernementales, le manque de personnel, les élections précipitées ou peu importe ce qui vous fait suer, ce n’est pas la faute des employés, et ce n’est certainement pas à eux de payer le prix de vos reflux d’émotions gastriques.
Élections, et alors ?
Ce que j’ai décrit plus haut est un symptôme probant (et inquiétant) du chaos social dans lequel nous nous trouvons. Considérant ce contexte d’instabilité, je m’explique mal ce déclenchement hâtif d’élections fédérales qui coûtera plus de 500 millions de dollars aux contribuables (Élections Canada) – alors que la situation sanitaire bat son plein, alors que l’économie est fragile, alors que la dette canadienne dépasse les 1200 milliards (IEDM), alors que l’on doit gérer une inquiétante crise de l’emploi qui impacte le présent, hypothèque notre futur, et celui de nos enfants.
Mais puisque nous y sommes… j’espère que le 20 septembre, il n’y aura pas que nos plaques d’immatriculation qui auront de la mémoire, et que nos priorités ainsi que nos valeurs primeront sur un vote souvent basé sur la traditionnelle couleur. D’ailleurs, j’espère que ceux et celles qui se vengent sur des adolescents pour assouvir leurs tourments troqueront leur langue souillée pour un crayon bien aiguisé, le temps de faire un X sur un bulletin en papier – il n’y rien de mieux pour canaliser pacifiquement sa frustration, que de prendre un moment dans un isoloir en carton. Que la patience accompagne nos comportements et la sagesse, nos décisions.