Ode à 2020

Par Jean-claude-tremblay

À toi, 2020, ma grande enseignante, je te dis merci. Tu auras été pour le moins surprenante jusqu’à la toute fin, toi, ma montagne russe imprévisible, toi, mon volcan cracheur de désinfectant, toi, ma tornade arbitraire, tantôt clémente et tantôt meurtrière – merci.

Permets-moi de déposer ici quelques leçons que je tire de tes précieux cours donnés à l’école de la vie, là où moi et mes semblables, captifs, avons tant appris.       

Il y a une différence entre loi et justice

Tu n’auras pas cédé la place à 2021 sans nous rappeler que les mots « loi » et « justice » ne sont pas égaux, que le premier n’est qu’une disposition normative et abstraite… et que le deuxième est le plus important pour les gens, car c’est un principe moral, qui, entre autres, donne le droit de dire ce qui est condamnable ou non.

Entre les dérapes en matière de DPJ et les agresseurs qui s’en sont sortis non punis, ai-je besoin de te dire que la montée du cynisme est le poison de la confiance, et un ébranleur de démocratie ?  On a compris la leçon, merci.

La partie n’est pas gagnée pour les minorités

Tu as mis en lumière la fragilité de la langue (lire la culture) d’un petit territoire francophone entouré d’une mer de 300 millions d’anglophones, tout en nous rappelant cruellement, que le danger provenait (essentiellement) de notre propre miroir. Entre la censure de nos pièces et de nos mots, l’accueil shakespearien dans les magasins, des élus qui banalisent, et des chanteurs qui anglicisent… tu nous auras rappelé l’importance de « rapailler » son courage et sa fierté, d’arrêter de s’excuser de vouloir être, et d’avoir existé.

Tu nous as appris qu’il fallait (encore) montrer à quelques violents illuminés, que la vie des personnes de couleurs et de cultures différentes était tout aussi importante que la leur. Ne trouves-tu pas troublant le fait d’avoir dû rappeler à plusieurs que le racisme était une réalité, et que l’on devait urgemment l’éradiquer ?

En position de vulnérabilité, allongée dans un lit d’hôpital, ou forcée au sol par les autorités, merci de nous avoir donné une occasion de prouver que nous sommes encore capables de nous insurger devant de telles atrocités – merci aussi de nous avoir rappelé que le travail de sensibilisation et de réforme était loin d’être terminé.    

Nos aînés sont des trésors à protéger

Tu as exposé la limite de nos humains et la fragilité de nos systèmes – tu as été le théâtre d’une pièce nommée « La grande faucheuse », qui a joué plusieurs représentations à guichet fermé. Parfois, les spectateurs ont appris la conclusion de la pièce sans même avoir pu y assister, une véritable atrocité si vous me le demandez, mais n’en parlez pas trop fort, certains croient encore que tout a été inventé dans le seul but de contrôler l’humanité.

Merci pour cette tragédie qui nous aura permis de réaliser à quel point ces grands sages devraient être considérés comme une richesse à prioriser. Merci de nous avoir aidés à comprendre qu’ils méritaient mieux que de finir leur vie seuls, en perte de dignité, souvent laissés-pour-compte, stationnés dans d’insalubres conditions – merci de nous avoir rappelés que c’était de nos parents et grands-parents, dont il était question – puisse notre mémoire ne jamais oublier, et nos actions être à hauteur de notre indignation.     

Nos enfants sont les gardiens de l’âme

Merci 2020 de nous avoir donner la chance de découvrir la vulnérabilité de notre jeunesse, et nous avoir ainsi rappelé notre obligation à donner l’exemple, et à protéger. Ils nous ont éduqués, nous, les parents, en nous criant haut et fort, par leurs rires nerveux et leur détresse mal dissimulée, que la santé mentale était de loin plus importante qu’une vulgaire note sur un futile bout de papier.

Nous avons collectivement compris que la valeur d’un enfant et d’un adolescent n’avait rien à voir avec sa performance et son assiduité académique – qu’à force de vouloir gaver, tout être humain normalement constitué développe le réflexe de restituer. Le système doit prendre acte et s’adapter, l’apprentissage doit se faire dans un contexte de bienveillance, un où la flexibilité est valorisée, à l’opposé d’une approche militarisée.

2020… Merci de nous avoir fait réaliser que notre actuelle existence n’était qu’une courte et précieuse parenthèse dans l’éternité – merci pour les grandes leçons en matière de priorités, je te promets d’essayer de ne pas trop m’ennuyer.  Santé !

jctremblayinc@gmail.com

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