Nostalgie américaine

Par Jean-claude-tremblay

Au moment d’écrire ces lignes, nous sommes à deux jours du dénouement de l’élection américaine. Plusieurs attendent impatiemment les résultats, mais surtout, la réaction du président sortant – cet homme au comportement inquiétant, ce chef d’État qui juste la semaine passée, a banalisé et même plaisanté au sujet des gestes d’intimidation physique commis par ses supporters, contre l’entourage de son adversaire.

Parjure, mensonges, violence, intimidation, déni, racisme, suprémacisme, bref… beaucoup de caractéristiques utilisées au cours des dernières années, pour qualifier le comportement erratique de celui qui a le pouvoir de tout faire sauter – une première dans l’histoire, une dont on se serait bien passé.

Bon, vous allez me dire que ce n’est pas surprenant, et que l’on n’est pas à court de « premières » dans cette année où nos habitudes de vie n’ont cessé d’être bousculées, mais tout de même, j’éprouve aujourd’hui une certaine nostalgie face au passé.   

Initiation aux États-Unis

J’avoue m’ennuyer de cette simplicité et cette légèreté d’antan, celle où mes parents écoutaient sans cesse Suspicious Minds d’Elvis et « l’Amérique » de Joe Dassin, une époque où mon plus grand souci de gamin était de ne pas avoir assez de Quick aux fraises le matin. Confortablement vêtu d’un pyjama une pièce Winnie l’ourson jaune made in USA, j’écoutais les films westerns américains présentés à Ciné-Quizz, sur notre télé en bois brun foncé. Entre Ronald McDonald et les personnages de Walt Disney, ainsi se forgeait ma conception (bien naïve) de ce qu’était ce pays aux treize bandes et aux 50 étoiles pas toujours unies.   

Sainte-Agathe, rue Saint-Paul, sept heures le matin : « Allez, on y va ! », s’exclama mon père avec émotion, pendant que ma mère chargeait dans la glacière les fruits de son imposante production de sandwichs beurre et jambon. Et ainsi donc, nous sautions dans la Pontiac Parisienne gris métallisé pour « descendre aux states », en Floride, à Daytona Beach s’il vous plaît, en grande partie parce que mon père appréciait le fait de pouvoir rouler sur la plage avec son auto.

En chemin, il y avait des incontournables, encore frais à ma mémoire, même si j’étais haut comme trois pommes. La première mission, une fois passé les douanes, consistait à aller mettre « du gaz au Texaco », parce que ce n’était pas cher le gallon ! On ne manquait jamais d’aller déjeuner au Waffle House pour profiter de leurs pommes de terre Hash Brown, mais ce n’est rien pour rivaliser avec la visite du parc d’attractions Frontier Town, et conséquemment, celle de South of the Border, le mythique arrêt touristique aux allures mexicaines, avec le gigantesque sombrero qui nous accueillait.

La mémoire et la réalité

Entre la « Florida », les voyages à Plattsburgh, et l’obsession de mes parents pour l’Américaine Ponderosa, mettons que l’image des États-Unis de mon enfance ne correspond en rien à la réalité d’aujourd’hui… et pourtant, je m’ennuie.

Je m’ennuie d’un temps avant les fusillades dans les écoles, avant les attaques dans les endroits publics, avant les affrontements meurtriers, avant les tours jumelles, avant la multiplication de l’extrémisme, avant la nécessité d’un Occupy Wall Street, avant que l’on meurt étouffé, ou tiré comme du gibier en pleine télé, avant, avant, avant…   

Je ne suis pas dupe, je le sais que ce n’était pas parfait, et que même lorsque j’étais bambin la violence existait. Mais parfois, j’aimerais retrouver une partie de cette joyeuse et puissante naïveté – ce bonheur vierge et fantastique qui m’habitait lorsque je revenais de voyage des États-Unis, et que j’arrêtais manger chez ma grand-mère Le Saux, celle qui cuisinait du réconfort, antidote à tous les maux. Ces souvenirs « américains » de mon enfance correspondent pour moi à un moment intemporel, un où j’avais le sentiment que mes parents et mes grands-parents resteraient toujours à mes côtés, et qu’ils seraient éternellement vivants.

« La meilleure chose à propos de l’avenir est qu’il vient un jour à la fois », a dit un jour Abraham Lincoln, celui qui a aboli l’esclavage aux États-Unis. En ces temps incertains, je crois qu’il faut privilégier la patience et avancer d’un pas bienveillant à la fois. Souhaitons à nos voisins du sud un dénouement pacifiste, et pourquoi pas, un soupçon de naïveté d’enfant, accompagné d’une précieuse capacité d’émerveillement.     

jctremblayinc@gmail.com

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