La santé de l’éducation
« Je trouve ça extrêmement difficile d’enseigner dans des conditions comme ça, je ne m’habitue pas au virtuel, c’est un peu déshumanisant. Je ne crois pas que l’élève en sort gagnant, et je ne me sens pas à la hauteur… », me lançait récemment avec beaucoup d’humanité et d’introspection, un enseignant au collégial, qui comme plusieurs de ses collègues, fait de son mieux pour « fonctionner » dans les circonstances. C’est unilatéral, de la petite enfance au niveau universitaire, les éducatrices et les profs en bavent. Sérieusement.
Vous êtes nombreux à écrire et à commenter sur la situation de stress et d’anxiété vécue par nos jeunes et nos enseignants à l’école, et j’en suis profondément touché.
En octobre dernier, la Fédération Autonome de l’Enseignement (FAE) affirmait que plus de 70 % des enseignants dans le cadre de la rentrée scolaire observaient une dégradation de leur santé psychologique, et que « 81 % d’entre eux ont décelé des signes de stress, de déprime et d’anxiété chez leurs consœurs et confrères. »
Cela étant nommé, la question demeure : de quelle manière cette charge émotive se dissipe-t-elle ? Ou peut-être que la meilleure question serait : qui subit la décharge ?
Prière de ne pas transférer
L’enjeu en ce moment, c’est que ce ne sont pas tous les enseignants qui saisissent l’opportunité de se déposer et de nommer ce qu’ils vivent, afin de ne pas refiler leur « fracture mentale » à leurs étudiants. J’ose croire que ceux qui le font constituent heureusement la majorité, une majorité qu’il faut encourager, féliciter, remercier, et honorer.
Pour les autres, je ne crois pas qu‘ils réalisent à quel point les enjeux sont élevés, et le tort qu’ils pourraient causer, d’abord à eux-mêmes, et ensuite à ceux qui les prennent en modèle d’autorité – il faut impérativement les aider et mieux les accompagner. Lorsque j’entends de nombreux parents rapporter que leurs enfants ne cessent de recevoir des avertissements et des « billets jaunes » à la pelletée pour des enjeux de comportements, ou pour ne pas avoir suivi à la lettre le plan dicté, je suis parfois découragé, voire outré.
Les jeunes se sentent déjà inadéquats dans tout ce bordel où ils ont perdu la plupart de leurs points de repère, croyez-vous sincèrement que de recevoir des blâmes va contribuer à diminuer leur anxiété, ou à exonérer celle de ceux qui utilisent de tels moyens coercitifs ?
L’estime et l’équilibre mental fragilisé de nos enfants et nos adolescents, dépossédés de leur normalité est un enjeu central de santé publique. Pour paraphraser la chanson de Pink Floyd, Another Brick in the Wall, il faut (vraiment) laisser nos enfants tranquilles – il y a urgence de relativiser et de cesser immédiatement le transfert d’angoisse aux plus vulnérables – de grâce, allez chercher de l’aide – la douceur envers soi-même est salutaire, et annonciatrice d’une contagieuse bienveillance.
Ça fait des années que le système d’éducation est malade et crie à l’aide. La COVID, ce n’est qu’un grand projecteur qui éclaire (finalement) les problèmes appelant une réforme majeure. Avant longtemps, on fera le bilan et on comparera l’éducation et les profs aux infirmières et au système de santé, incluant les CHSLD : trop longtemps sous financés, mésadaptés, tenus pour acquis et négligés – vivement le retour du balancier.
D’ici là, il ne faut pas lâcher – c’est la responsabilité de tous d’être à l’affût des signes de détresse et de vulnérabilité. Gardons espoir et trouvons du réconfort dans le fait que les crises sont souvent provocatrices de changements obligés, et fort heureusement, elles sont indépendantes de la volonté des Hommes, qui eux ont la navrante faculté d’oublier.
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