Génération 19

Par Jean-claude-tremblay

jctremblayinc@gmail.com

Ainsi appellera-t-on peut-être les enfants nés quelques neufs mois après la crise, mais aujourd’hui, je choisis d’attribuer mon descriptif générationnel aux étudiants, petits et grands, vivant présentement la singulière période du Covid-19. On ne parle pas souvent de leur état d’âme ces temps-ci, mais je les trouve très courageux et résilients de s’adapter ainsi. On oublie parfois que leur monde (aussi) est grandement perturbé, et que leurs points d’ancrage sont résolument tronqués. À quoi ressemblera cette « nouvelle » génération à la fin du confinement, et de quelle manière ils en ressortiront transformés ? Ce sont là des questions que nous devons dès maintenant nous poser.

Parlant de sortie de crise… on va se le dire, plusieurs écoles font ce qu’elles peuvent avec les moyens d’éducation à distance disponibles, mais précipiter un retour physique en classe m’apparaît futile et inapproprié.

Par contre, la réalité c’est que l’économie doit reprendre, et pour qu’elle reprenne, il faut que les travailleurs, dont plusieurs sont parents, puissent être au rendez-vous – chose extrêmement difficile lorsque vous avez des enfants à charge à la maison. Bienvenue dans ce jeu de dominos sociétal format géant.

Inéquitable, le vidéo-enseignement ?

J’ai été d’abord surpris, puis agacé d’entendre certains groupes (autant venant du réseau public que privé) faire pression pour que les écoles privées cessent leurs initiatives d’éducation à distance. Ils appréhendent l’accélération du clivage entre le public et le privé, exacerbé par la crise actuelle, où les moyens et conditions ne sont pas les mêmes pour tous.

Oui… c’est un élément qui mérite réflexion dans un paysage soi-disant social-démocrate, mais ce n’est rien de nouveau. Là où je décroche par contre, c’est quand on nivelle par le bas en prônant l’interdiction complète parce que les enfants du privé vont avoir un avantage à la reprise des classes. J’entends la légitimité de l’inquiétude, mais je me demande ; est-ce que c’est en privant une partie de nos enfants d’éducation à distance que ça va aider les autres ? Est-ce que je comprends de l’argument que : « si moi je ne peux pas, bien toi non plus tu ne pourras pas » ? Vraiment ?

Je suis pas mal plus inquiet d’un enfant qui est coupé de son précieux cercle social que constitue l’école, que de sa « performance » en mathématique. En ce sens, toute initiative qui a pour but de garder la communication et le lien affectif bien vivant devrait primer sur le reste, qu’elle passe par l’éducation « formelle » à distance ou par un coup de téléphone régulier aux élèves. Une notion scolaire momentanément mise de côté peut se réapprendre à tout moment de la vie. La négligence de soigner la psychologie et l’état émotif peut laisser des cicatrices permanentes, et fragiliser l’estime d’un être humain pour toujours.

En profiter pour se réinventer

Certains semblent l’avoir malheureusement oublié, mais la créativité est une vraie démocratie ; elle ne coûte rien et est accessible à tous. Cette crise constitue la tempête parfaite, un moment où tout est permis, un où la seule limite est l’imagination. Pourquoi ne pas en profiter pour faire une réforme des modes d’apprentissage dès maintenant ? Une école du futur, on en voulait une avec les Lab-écoles et tout le bataclan ? Bien on l’a ! Nous sommes présentement dans le plus grand laboratoire d’expérimentation éducatif au monde, une révolution planétaire – c’est le temps ou jamais.

D’ailleurs, j’en profite pour féliciter les enseignants et le personnel d’écoles de tout milieu, ceux qui ne se sont pas laissé abattre et qui se sont virés sur un dix cents. Certains moins « technos » doivent eux-mêmes se former, tandis que d’autres qui n’avaient jamais osé sortir du cadre, ont enfin saisi l’opportunité de se faire confiance et de s’illustrer. Sachez qu’aucun cours formellement dispensé ne saurait égaler les indélébiles leçons d’humilité et de vulnérabilité que vous incarnez – nous ne pouvons que bien bas, vous saluer.

La grande rentrée    

Alors après tout ça, quelle est LA bonne décision quant au moment du retour ? Personne ne le sait, mais tout le monde a son opinion. Il n’y a pas de manuel d’instructions ni de science infuse, mais je suis d’avis qu’il n’y a pas d’urgence ; prenons le temps de bien faire les choses. Nous sommes tous responsables de l’exemple que nous donnons aux enfants en ces temps de crise – nos gestes aujourd’hui sont les pinceaux qui contribueront à façonner la toile générationnelle de demain.

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