Connais-toi toi-même
Ils ont osé. « Culture et citoyenneté québécoise ». Je n’étais pas prêt, comme bien des gens, j’imagine. J’ai fermé mes fenêtres, tiré mes rideaux, et me suis mis à longer les murs du couloir en marchant sur la pointe des pieds.
Est-ce que l’on va trop loin ? Sommes-nous assez importants… pour parler davantage de nous dans un cours ? Vous savez, le « nous » est timide par ici, il ne veut pas déranger, ni prendre trop de place. Mais qu’est-ce que les autres vont penser… de nous. Avons-nous la légitimité… de parler de nous, en cette ère où le consensus obligé côtoie trop souvent l’ignorance volontaire ? C’est donc avec (beaucoup de) tambours et trompettes que le gouvernement a annoncé la naissance du futur cours, et la mort de celui qu’il sera appelé à remplacer, soit Éthique et culture religieuse.
La danse des critiques
Déjà, certains bons penseurs commencent à parler de chauvinisme, nourri par la vicepremière ministre qui a utilisé cordialement le terme, ignorant maladroitement sa signification et sa portée. Propagande orchestrée par une dictature nationaliste dirons certains, endoctrinement diront sûrement d’autres. Heureusement, j’espère, qu’une majorité y verra une opportunité de retrouver nos points de repère, et d’assurer une pérennité de qui nous sommes, car au fait, nous ne le savons de moins en moins.
Lors de l’annonce (et haut-delà), plusieurs journalistes ont bien tenté de culpabiliser le panel politique, en leur demandant entre autres, comment « les autres », allaient réagir à ce nouveau cours, insinuant que c’était l’équivalant d’une déclaration de guerre. Sur le sujet du développement de la pensée critique, qui fera partie des objectifs du cours, un intervenant anglophone a même demandé au ministre de l’Éducation si les enseignants seraient encouragés à présenter aux élèves cette loi « sidiscriminatoire » qu’est la loi 21 –décidément, certains n’en ont pas manqué une pour coller au gouvernement l’étiquette de monarque de la « fachosphère », et c’est d’une tristesse.
Opportunisme préélectoral?
Avons-nous assisté à un coup de relations publiques, orchestré par des stratèges politiques ? Il y a assurément de ça, le nous est bon joueur, mais le nous n’est pas dupe. En même temps, peu importe, qui est le porteur de ballon, remettre l’histoire, la culture et les valeurs au centre de la table des priorités, non pas au détriment des autres, mais pour la perspective du nous et de nos futures générations, n’est-il pas souhaitable ? Parler d’intimidation, d’homophobie, du cyberespace, d’égalité hommefemme, de violence physique et psychologique m’apparaît plus pertinent que jamais. Certains ont vite fait de démoniser la démarche en criant à l’opportunisme, ce que je comprends, mais ne pas tenter de voir au-delà du manteau de velours politique que l’on nous a présenté serait une erreur, et un raccourci intellectuel bien réducteur.
Instrumentaliser les enfants, vous dites?
Lorsqu’à l’école des profs doivent éviter certains sujets et prononcer des mots par peur d’offenser ou d’être mis au bûcher, il est grand temps de se remettre en question. Lorsque, dans un espace d’apprentissage encadré, on ne peut plus librement se questionner sur l’influence (négative) de certaines religions sans se faire traiter de raciste, il faut réagir. Ce n’est pas de l’annonce de ce nouveau cours donné dans nos écoles de quartier dont il faut se méfier, mais du marché informel et mondial de l’enseignement appelé GAFA, qui chaque jour, touche nos enfants. Ces géants du web ne demandent pas la permission, et sont radicalement plus dangereux qu’un nouveau cours.
Dans une société où l’on ne peut même plus regarder un match de hockey sans se sentir coupable d’avoir existé, je préfère de loin faire confiance à l’école et au bon jugement des enseignants pour cultiver le dialogue, la connaissance et l’appréciation du nous, pour nous, et jamais contre les autres – prendre conscience de sa propre mesure est chemin de tolérance et d’ouverture.