Ce cher octobre
Par Mimi Legault
Au moment où j’ai débuté ma chronique, il faisait 28 degrés Celsius. Le lendemain, octobre a débarqué l’été de son hamac. Quin toé ! La pluie a fait son entrée fracassante en choisissant le week-end de l’Action de Grâce. Rien de moins. Mais ne maudissez pas la pluie, c’est la seule chose qui vous tombe du ciel ! En tout cas. D’après moi, octobre est bipolaire. Son humeur massacrante en fait maugréer plus d’un. Je l’ai déjà dit, la météo ne me fait aucun pli. Bien oui, l’été 2023 : un été radin qui n’aura pas été un temps d’été stable, mais bien un temps détestable.
Vous pouvez bien tenter de mettre l’automne à la porte, mais dites-vous bien qu’au Québec, chaque saison se donne à fond. Octobre a un gros égo; il se manifeste à coups de râteaux, de colliers d’outardes dans un ciel nuageux… et de faucons. Oui, vous avez bien lu. Faucon rentre les chaises de parterre, faucon pense à monter l’abri d’auto, faucon ferme la piscine… Octobre a un sale caractère, il flâne avec quelques rayons, fume avec des cheminées, joue avec le thermomètre qu’il finit par laisser débouler parfois en bas de zéro.
Pour un instant, je me ferai poète. Octobre ourle les plates-bandes d’édredons piqués de feuilles mortes. Récolte des brassées de fruits transformés en marinades. Suite à des nuits fraîches comme haleine d’enfant, les hautes herbes se présentent au matin empesées par le premier frimas. Ah ! Cet automne pulpeux ! Vous aimez ? Poète peut-être, mais davantage pouet pouet…
Bon, revenons à la réalité. Dans ses pires colères, octobre prend le rouge en otage, en répand généreusement sur nos forêts laurentiennes qui se mettent à saigner de partout. On pourrait l’appeler « la crise d’octobre ». Petit cliché pour les plus vieux. S’il est en forme, il se peut qu’il nous offre des morceaux de soleil que l’on croquera avec grand plaisir sur une terrasse bondée. À tout bout d’champ, on se retrouve avec une pluie forte, « parfois abondante » qui vient cogner contre nos fenêtres et notre bonne humeur dégoulinante. Octobre souffle sur les feuilles qui rougissent de colère, habituées qu’elles étaient à recevoir des « mots d’août ». Elles ont une peur bleue de broyer du noir et de rire jaune.
Octobre, ce mal avenant, a de mauvaises fréquentations. Le vent par exemple. Dans une longue persévérance, à deux, ils bourrassent l’érable et le frêle bouleau. Le saule devient pleureur et le peuplier (peu plié) se courbe davantage. En véritables fonctionnaires, tous perdent leurs feuilles. C’est le fouillis total. Les dernières fleurs oubliées gèlent sur place en déracinant leurs souvenirs. La pensée réfléchit à peine et la marguerite n’est plus aussi vivace. Plus le temps avance et plus octobre sent la fin venir. Alors, le 31 au soir, il fera une fête monstrueuse. Il portera un masque hideux de peur d’être reconnu. Son règne achève et il le sait. Il sera mourant à voir.
Mais il ne faut surtout pas dire du mal du temps qu’il fait. Sans lui, neuf personnes sur dix ne sauraient plus comment engager une conversation. Malgré tout, même le thermomètre a une piètre opinion du temps. C’est vous dire… Octobre déshabille Dame Nature qui en rougit de honte et qui se plie finalement à ses désirs. Octobre, un temps ni chair ni poisson, un temps à frissons et à liseuse. À la fin, octobre ressemble davantage à une tisane refroidie; il y a des matins si gris que même les oiseaux se recouchent (Jules Renard).
Et si je vous demandais : aimez-vous octobre ? Peut-être auriez-vous la même réponse que celle d’un vieux philosophe: moi, j’aime toutes les saisons. Par exemple, en été, j’aime l’hiver et en hiver, j’espère l’été !
Finalement, chers lecteurs, vous ne perdez rien pour attendre, le murmure de novembre, ce mort vivant, souffle déjà dans votre cou. Vivement la crémone et la petite laine !
1 commentaire
Merci pour ce superbe texte poétique et réaliste à la fois. Votre plume chatouille bien votre papier. Annette