Avoir de l’ordre
Par Mimi Legault
J’ai toujours affirmé que le fait d’avoir de l’ordre relevait de la génétique. L’un de mes deux enfants qui était encore aux couches prenait le temps de ranger tous ses jouets lorsqu’il en avait terminé. Alors que l’autre était, comment dire, un peu « brush brush » se contentant de lancer ses joujoux éparpillés dans le coffre. Tout mon portrait. Entendons-nous. La maison est propre et bien tenue. Mon désordre touche surtout mon bureau de travail. Alors là, je ne suis pas l’employée du mois. Je demeure la seule à m’y retrouver. Avoir de l’ordre dans mes paperasses, est aussi impossible que tondre une banquise. C’est Philippe Géluck qui a posé cette question : au fond, est-ce que ranger, ça ne revient pas à foutre le bordel dans son désordre?
J’avais une sœur (je l’ai encore…) nous n’avions pas deux ans de différence. Nous partagions une chambre, c’était d’ailleurs tout ce que nous partagions… dans le temps, je veux dire. Les tiroirs de ma jeune sœur chérie étaient impeccables : les bobettes avec les bobettes. C’était d’une rigueur! De mon côté, ma commode rendait ma mère bien malcommode. Des dessous sans dessus dessous. C’était comme un don chez moi, mais à l’envers, c’est le cas de le dire. Au risque de me répéter, il ne faut pas mélanger propreté et désordre. Je n’aime pas entrer dans une maison où tout est à sa place. C’est pour moi, un manque de vie. Un châle oublié volontairement sur un divan, un crayon et des feuilles à côté de mon canapé pour mes pensées, un livre de recettes sur le comptoir de la cuisine représentent une maison habitée.
Un jour, (j’avais une dizaine d’années) comme cadeau de fête, avec mes maigres économies, j’avais offert à ma mère deux petits cochons en salière et poivrière. Bon. Maintenant, je sais que ça faisait cucul, mais c’était de bon cœur. Ma mère m’avait regardée en me disant que ce n’était pas nécessaire de m’offrir deux chiots (non mais avez-vous déjà vu des chiens roses, vous ?) et que le plus beau présent que je pouvais lui donner était celui d’avoir de l’ordre dans mes bureaux. Ça, pis une claque sur la gueule, pareil pareil. C’est GÉNÉTIQUE, maman, tu comprends pas! La réponse était la même : toi et ton imagination, tu devrais écrire un livre un jour. C’est d’ailleurs ce que j’ai fini par faire…
Nous avions une femme de ménage qui venait 2-3 fois par semaine. Elle s’appelait Anna. Nous devions la vouvoyer, lui porter respect et surtout ne jamais lui donner de commandements. Un matin que j’étais sans doute pressée, je lui demandai si elle acceptait de faire mon lit. Anna me rappela les ordres de ma mère. Juste une fois Anna, que je répondis, ce sera un secret entre nous deux. Elle accepta de bon cœur, Anna était du genre bon St-Bernard, toujours prête à aider avec le sourire comme bonus. À peine une heure venait de s’écouler que ma mère me fit demander. Comme ça, on donne des ordres à Anna, me dit-elle. Triste comme un lendemain de veille, j’avouai sur-le-champ. Maman ajouta : ce n’est pas Anna qui a parlé, c’est plutôt ton lit, il est impeccablement bien fait, sans aucun pli…
Et j’ai grandi sans détricoter ma mauvaise habitude. C’est ainsi qu’un jour, lors d’une leçon de catéchèse, j’avais demandé à mes élèves de poser dans les prochaines 24 heures, une bonne action. Lorsque je revins en classe le lendemain, horreur! Quelqu’un s’était permis de mettre de l’ordre sur mon pupitre. Marie-Pierre avait levé la main pour m’annoncer que c’était la bonne action qu’elle avait choisie. Et la pile d’examens à corriger, où était-elle? Dans la boîte de récupération… qui avait été vidée par le concierge. Ah ces chers enfants, qu’est devenu le temps où ils se contentaient d’apporter une belle grosse pomme rouge sur le coin du pupitre du prof? Encore fallait-il trouver le coin… Alors s’il vous plaît, ayez de la compassion, pas seulement pour vous, mais pour ceux et celles qui souffrent de cette petite faille génétique.
Un dernier mot, un jour, mon père m’avait amenée à Blue Bonnets assister à des courses de chevaux. Devinez : j’ai gagné… dans le désordre!
1 commentaire
Bonjour Mimi,
Merci pour l’article Avoir de l’ordre
J’aime lire vos opinions.