Un trip à trois avec Josée Blanchette
Par France Poirier
Chroniqueuse au quotidien Le Devoir depuis plus de 30 ans, Josée Blanchette a pondu un premier roman Mon (jeune) amant français. Nous avons mené une discussion à trois avec l’autrice Josée Blanchette.
« J’ai voulu écrire un roman. Les lecteurs me le demandaient depuis longtemps, mais je n’ai pas écrit le roman qu’ils attendaient. J’avais besoin d’un sujet qui me branchait. J’avais des modèles de femmes plus âgées qui étaient avec des milléniaux autour de moi. Moi-même, j’ai eu un jeune amant français. Donc ç’a été le déclencheur pour parler de ça, parce que les choses doivent changer pour les femmes et que c’est encore un sujet tabou et que j’aime parler des tabous. J’ai donc pris un été de congé au journal et j’ai écrit un livre », souligne Josée Blanchette.
« Jeanne est désespérée, mais elle réussit à se raccrocher. C’est certain qu’à 55 ans une peine d’amour, une peine de trahison plutôt, on ne la vit pas de la même façon qu’à 20 ans, parce qu’on a du bagage. Ça touche les hommes aussi. Lors d’une présentation, un homme me disait : j’ai 60 ans, comment ce livre-là pourrait me toucher ? Je lui ai répondu que le désir n’avait pas d’âge et ça parle beaucoup de désir et d’érotisme. Ce n’est pas un livre érotique, mais il y a des passages érotiques. Ça dépend des gens, comment ils sont à l’aise avec ça », soumet l’autrice.
JP : Je lis tes chroniques depuis plusieurs années et pour moi, Josée Blanchette c’est une femme libre et émancipée. À travers tes chroniques on sent que tu explores beaucoup de choses, entre autres, sur la spiritualité, l’humain en général. En lisant ton livre, je me suis dit, tiens donc, Josée vient de découvrir une autre facette d’elle-même… intéressant (rire). C’est très difficile de ne pas soupçonner qu’il y a beaucoup de toi dans l’héroïne de ton livre.
JB: Ça c’est les gens qui soupçonnent. Moi je laisse soupçonner tant qu’ils veulent, personne ne sait ce qui est vrai et faux. Même ma mère ne le sait pas. En écrivant au « Je », ça permet une intimité. En fait, Jeanne écrit une lettre à Romain son jeune amant français. Tout de suite, on va dans l’intimité. Contrairement à la 3e personne, où il y a alors qu’il y a une distance.
FP: Si vous n’aviez pas vécu une romance avec un jeune amant français, auriez-vous pu écrire ce livre?
JB: Je ne sais pas. J’en aurais écrit un autre, mais c’est certain que j’aurais écrit un jour sur l’amour. Et si ça n’avait pas été un jeune amant français, ça aurait été un jeune amant italien (rire). Jeanne est un personnage porteur, un personnage de liberté, c’est ce que les gens me disent tout le temps. Il y a des gens qui me disent qu’ils sont en train de le lire pour une troisième fois. Il y en a à qui ça parle fort, d’autres moins. Je pense que ce qui ressort beaucoup pour les gens qui m’en parlent avec ferveur, c’est la liberté dans ce livre-là, la liberté d’écriture aussi. Moi je n’ai pas de modèle. Il y en a qui analysent mon écriture. L’autre jour, on m’a dit que des passages ressemblaient à l’écriture de Nelly Arcand sur la vision de l’amour et tout ça.
JP: Est-ce qu’il y a, parmi tes lecteurs, des gens qui ont été confrontés face à leur vie de couple?
JB: Dans la société, on valorise beaucoup le couple dans la durée. Ça fait trente ans qu’ils sont ensemble, comme si ça avait été le party pendant trente ans. Alors que des fois, la vérité, ça fait trente ans qu’ils s’éteignent ensemble, ça fait trente ans qu’ils s’ennuient, ça fait trente ans qu’ils se chicanent, qu’ils se font chier. Alors moi je suis loin de trouver que c’est un exploit. L’exploit c’est de rester soi-même, c’est d’évoluer, c’est d’être des meilleurs amis, c’est peut-être de se quitter… Jeanne reçoit un cadeau de s’être fait laisser, c’est la façon qu’elle n’accepte pas, le reste c’est un cadeau. Elle devrait dire merci à son ex-mari de l’avoir laissée, parce qu’elle vit des choses fantastiques. Ce divorce la rend à elle-même, c’est ça qui est beau. Elle retrouve une pulsion qu’on qualifie d’adolescente, comme si juste les ados ont le droit de triper. Est-ce que c’est juste les ados qui ont le droit à l’intensité? Est-ce que c’est juste les ados qui ont le droit d’explorer de nouvelles choses?
JP: Oui c’est vrai, ça dépend où tu es rendue dans ta vie, si tu as le goût de te regarder dans le miroir et te poser les vraies questions. La vérité fait mal parfois.
FP: Jeanne s’épanouit tellement dans son divorce que si son mari ne l’avait pas quittée, aurait-elle continué à s’éteindre?
JB: On ne sait pas. Je connais plein de femmes qui ne seraient pas parties et moi-même, je ne serais pas partie. Le roman n’est pas orienté vers le divorce, mon focus est sur sa renaissance. Elle allait danser le swing parce qu’elle ne voulait pas sombrer. J’allais observer et j’ai remarqué que beaucoup de jeunes s’intéressaient à ces danses : le swing, le jab, le mambo. Intéressant ces rencontres multigénérationnelles. Ça donne espoir que tout est possible. Il n’y a pas d’âge pour être dans la vie ! Il y a beaucoup de musique dans mon livre, c’est un livre sensuel qui fait du bien surtout en temps de pandémie.
JP: Va-t-on lire une suite?
JB: J’ai laissé une fin ouverte. Ça me tente. La première fois qu’on écrit un roman, on y va avec tout ce qu’on est sans trop y penser. Mais la deuxième fois, c’est plus difficile, on y va avec moins d’abandon, on veut faire mieux. Il y a des attentes, ça crée une pression. Mon éditrice et mon ami Alexandre Jardin me poussent à le faire.
JP& FP: En tout cas ton roman nous donne le goût de lire une suite. Il nous a fait sourire aussi et jaser surtout. On a envie d’en savoir plus.
JB: D’écrire ce livre a été un cadeau, je ne savais pas si c’était pour marcher. Mais ça marche ! On parle peut-être même de le porter à l’écran. Il n’y a rien de signer cependant. C’est dans les astres… on verra bien.
À suivre…