Un livre qui parle de consentement aux enfants
Par Ève Ménard
Parler de consentement à de jeunes enfants, sans parler de sexualité et d’abus. C’est l’habile pari que réussit Nancy B.-Pilon avec son nouveau livre Roselionne.
Sorti le 13 octobre, le roman jeunesse a aussi été lancé à la Librairie le Sentier à Sainte-Adèle le 23 octobre dernier. Il s’agit d’un lieu très familier pour l’auteure : elle a grandi dans cette maison, maintenant devenue une librairie. Tout la destinait à la littérature.
Très tôt, la lecture et l’écriture occupent une place significative dans la vie de la jeune fille. Vous cherchez Nancy? Elle s’est probablement assise quelque part, un livre dans les mains. C’est le running gag dans sa famille. Du moment qu’elle sait écrire, elle immortalise ses pensées dans des journaux intimes qui la suivront tout au long de l’adolescence et qu’elle tient encore aujourd’hui. Après avoir terminé son secondaire à l’école Augustin-Norbert-Morin, elle poursuit au Théâtre Lionel-Groulx en art dramatique et lettres, puis à l’Université de Montréal en enseignement.
Éduquer en divertissant
Depuis sa première publication en 2014 dans le recueil de nouvelles NU, Nancy B.-Pilon combine à la fois l’enseignement et l’écriture. En 2016, elle dirige le collectif Sous la ceinture – unis pour vaincre la culture du viol. Puis, cinq ans plus tard, elle publie son premier roman jeunesse qui, de manière métaphorique, parle de consentement à de jeunes enfants.
Qu’est-ce que l’intersectionnalité? Dans le mouvement féministe, on doit le concept d’intersectionnalité à Kimberlé Crenshaw (1991). Le terme désigne la situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de domination ou de discrimination dans une société. L’intersectionnalité permet d’intégrer les différences entre les femmes, permettant d’aller au-delà de la notion même de féminisme. Cet outil analytique offre de la visibilité aux femmes qui subissent à la fois, par exemple, le sexisme et le racisme ou encore le sexisme, le classisme et l’homophobie. Source : Les glorieuses
Cette idée occupait l’esprit de l’auteure depuis la tournée de presse de son ouvrage collectif. « Il n’y a pas un journaliste que ne m’a pas demandé s’il y avait des outils pédagogiques pour accompagner les parents et aider les enfants. » Faute d’exemples, elle décide de créer elle-même le produit. Ça s’avère plutôt complexe. Le sujet est délicat. « L’important était de faire comprendre facilement aux enfants ce qu’est le consentement. Mais je ne voulais pas amener d’agression, parler de sexualité ou relier ça à un drame. Je voulais que ce soit le plus accessible possible. »
La métaphore idéale lui est finalement venue d’une expérience vécue : au primaire, Nancy côtoyait une jeune fille avec de très longs cheveux roux. Les enfants, fascinés par ceux-ci, n’arrêtaient pas d’y toucher. Le synopsis du livre s’en inspire directement : Roseline possède une superbe tignasse rousse que certains ne peuvent s’empêcher de toucher. Au cours de l’histoire, elle apprend tranquillement à établir ses limites et à se faire respecter, tout en conservant sa magnifique chevelure.
Féminisme et intersectionnalité
Bien qu’elle n’ait pas été élevée dans un environnement particulièrement féministe, Nancy B.-Pilon a toujours eu en sa mère, un modèle de femme forte qui ne reculait devant rien. C’est vers la mi-vingtaine, via différentes lectures, que l’auteure commence à s’intéresser plus sérieusement aux enjeux féministes. Depuis, sa soif d’apprendre n’a fait que s’accroître. « Les enjeux comme l’égalité, les violences faites aux femmes, la culture du viol ou la masculinité toxique font partie de mon quotidien. Mon intérêt s’est agrandi et mon féminisme s’est intersectionnalisé. Au départ, j’étais surtout une féministe blanche, mais maintenant, je réalise que je demeure une femme blanche nord-américaine. Je ne compte plus mes privilèges. »
Cette approche intersectionnelle transparaît notamment dans le projet actuel de Nancy, soit l’écriture d’un essai sur la réalité d’élever une fille ou une personne qui s’identifie comme fille dans un système patriarcal. L’idée est venue de sa propre expérience de mère d’une jeune fille de 4 ans. Pour ce faire, l’auteure a interviewé surtout des mamans, mais aussi un parent non-binaire et un couple homosexuel qui a adopté une petite fille. Elle a aussi tenu à diversifier son échantillon, à la fois au niveau des communautés racisées et des différences socioculturelles. Sa démarche se voulait la plus inclusive possible.