Projet Hippocampe : Des échantillons de pensées pour faire de la musique
Par Aurélie Moulun
Marie Martine Bédard a utilisé les mouvements physiologiques de sa pensée pour créer les neuf chansons de son album Projet Hippocampe. Après avoir vécu des événements traumatiques, elle a choisi de se libérer à travers la musique combinée à la science. Le 30 mai, elle lance son nouvel album Projet Hippocampe.
En entrevue avec Le Nord, Mme Bédard raconte avoir été victime d’une agression sexuelle il y a de cela plus de 20 ans. L’album Projet Hippocampe est donc dans les premières œuvres musicales qu’elle mène à terme depuis les événements. « C’est un projet très significatif pour moi », dit-elle.
Faire de ses pensées, de la musique
Pour réaliser ce projet, Mme Bédard a accepté de se replonger dans ses souvenirs douloureux. Dans un laboratoire, en compagnie de son ami, le chercheur Nicolas Reeves, elle enfile un casque qui compte 64 capteurs. « Ce que les gens ne savent pas, c’est qu’il faut se mettre un gel conducteur sur la tête avant de mettre le casque. Ça permet au courant de passer. Il ne faut pas parler ni bouger. Chaque mouvement, même un clignement des yeux, peut brouiller les cartes », raconte Marie Martine Bédard.
Une fois le casque enfilé, M. Reeves avait préparé une série de questions qui replongeaient Mme Bédard dans ses souvenirs des événements. Pour chaque questions posées, l’artiste devait répondre par la pensée. Les réponses enregistrées par M. Reeves, à travers l’électroencéphalogramme, étaient par la suite traduites en ondes sonores, puis en embryons rythmiques et mélodiques.
« Avec les embryons mélodiques, ça crée des dissonances et je trouve que c’est représentatif du parcours d’une survivante », indique Mme Bédard.
Ces embryons sont d’ailleurs très audibles notamment dans les introductions et les conclusions des pièces musicales.
Neuf étapes post-traumatiques
« J’ai voulu scinder mon histoire pour faire comprendre que, même si chaque histoire est différente, les étapes à travers lesquelles passent les victimes sont sensiblement les mêmes. C’est comme pour le deuil, on vit tous à peu près les mêmes étapes, mais pas de la même façon, ni au même rythme. »
Chaque chanson du Projet Hippocampe se rapporte donc à une étape post-traumatique précise qu’a vécu Mme Bédard.
Par exemple, la chanson Shut Down représente l’étape qui suivait directement son agression, « dans les 24 à 48 heures, peut-être même dans la semaine qui a suivi », indique Mme Bédard.
La chanson Les jours innocents représente plutôt l’étape du réveil, explique-t-elle. « C’est le moment où on se souvient d’avant. Où on se rend compte qu’il y a des émotions que l’on est plus capable de capter. On est plein de questionnements sur tout, on est en dissociation avec le monde qui nous entoure. Le café ne goûte plus le café, la lumière n’est plus la même », laisse-t-elle tomber.
Puis, les trois dernières pièces de l’album sont plus « lumineuses », souligne Marie Martine Bédard. La toute dernière chanson Jusqu’à la mort, « c’est la réconciliation avec le corps. Envers l’autre, mais envers soi aussi. »
Un projet qui mijote depuis longtemps
Marie Martine Bédard, aujourd’hui résidente de Sainte-Adèle, a le Projet Hippocampe en tête depuis 2011, révèle-t-elle au Journal. « J’y pense depuis que j’ai été confrontée à mon agresseur qui sévissait sur une troisième génération de victimes. Ça m’a fait vivre des choses et c’est là que j’ai entamé mon retour vers la musique. Je ne voulais pas que ces événements me définissent », indique Mme Bédard.
« J’étais une artiste avant. Et après l’agression, c’est ce morceau-là qui a été brisé. Cet événement m’a court-circuité. » L’artiste est donc retournée aux études en musique en 2009.
« Mon objectif avec cet album c’est d’apprivoiser un sujet qui est généralement difficile à aborder. Je veux libérer la parole et que les gens puissent briser leur silence. Pour les victimes, ça fait du bien d’en entendre parler, de savoir qu’on n’est pas seule. Je veux démystifier cette réalité et rendre plus facile d’en parler. Qu’on puisse enfin mettre le spotlight sur les survivantes. Je veux célébrer leur résilience. »
L’album Projet Hippocampe est disponible sur le site internet de l’artiste Marie Martine Bédard.