Merging : comment ressentir le mouvement sans le voir ?
Par Ève Ménard
Le 24 août prochain, Laurie-Anne Langis présentera dans les Laurentides une première mouture de son projet Merging à des personnes vivant en situation de handicap visuel. Présentée dans le cadre du Festival Tournant à Saint-Hippolyte, cette œuvre immersive et multisensorielle redéfinit les limites de la danse et favorise son accessibilité.
Soucieuse de démocratiser l’art, Laurie-Anne Langis a créé une œuvre inclusive : spécialement conçu pour les personnes handicapées visuellement, Merging s’adresse également aux personnes à capacité variée. « Le but, c’est d’englober le plus de gens possible », affirme-t-elle. Cela fait déjà plusieurs années que la chorégraphe et performeuse se questionne sur l’accessibilité de l’art vivant et de la danse, et sur la possibilité d’en faire une œuvre qui n’implique pas seulement la vision.
Merging est donc le fruit de ses réflexions, de ses recherches, de ses rencontres et de ses apprentissages. Mais comment ressentir le mouvement sans le voir ? Pour y parvenir, l’œuvre sollicite plusieurs sens et jumèle différentes disciplines, comme le chant, la poésie, la musique et la danse.
Impliquer tous les sens
Laurie-Anne Langis a imaginé une installation où chaque spectateur est situé sur son « île tactile », constituée de différentes formes et textures. « On veut inviter le public à se laisser aller dans l’expérience, à toucher et à explorer par lui-même », détaille la chorégraphe. Sur chaque île, on retrouve également des petites radios, en plus de haut-parleurs qui englobent les spectateurs. Laurie-Anne Langis explique avoir chorégraphié le son dans l’espace : celui-ci se promène en vague dans les radios, ce qui crée des effets sonores particuliers. L’odorat est même impliqué à un certain moment de l’expérience. Dans une prochaine mouture de l’œuvre, des lumières seront également installées au-dessus de chaque île et créeront de la chaleur sur les participants et des pulsations, au rythme de la musique et de la danse.
En complément à ce traitement artistique plus « électronique », Laurie-Anne Langis accorde une grande importance à l’humain dans son œuvre. Il y a donc du texte, de la voix et du chant. Laurie-Anne a chorégraphié et imaginé l’installation, mais elle y performe également. Sur scène, elle porte d’ailleurs un costume sonore qui crée du son lorsqu’elle bouge et qu’elle danse.
« C’est une manière pour moi de redéfinir sans cesse ce qu’est la danse. Est-ce que c’est la voix qui se promène dans l’espace ? Est-ce que c’est le texte qui transmet la danse ? Ou la danse est-elle vécue dans le public, à travers les sensations physiques du spectateur ? », réfléchit tout haut Laurie-Anne Langis.
Une expérience immersive unique
En tant que performeuse, le défi est grand, mais aussi très enrichissant. « L’aspect immersif me parle beaucoup, le fait d’être en contact direct avec les spectateurs et les spectatrices. Tu peux ressentir leurs réactions et t’adapter aux réponses des gens », confie Laurie-Anne Langis. Pour le public également, l’expérience est unique. « La proposition est très méditative aussi. Ça permet d’être en contact avec soi-même. Il y a une espèce de liberté d’être dans la posture du spectateur qui est très intéressante », complète la chorégraphe. C’est une nouvelle manière de consommer, de vivre et de présenter l’art vivant.
Le 24 août, deux représentations de l’œuvre auront lieu au centre Roger-Cabana à Saint-Hippolyte. Chacune accueillera huit spectateurs. Le public a été sélectionné en collaboration avec l’Association régionale de loisirs pour personnes handicapées des Laurentides et l’Association des personnes handicapées visuelles et aveugles des Laurentides. Dans sa mouture finale, qui sera présentée en 2024 à Montréal et dans les Laurentides, Laurie-Anne Langis espère que le spectacle pourra accueillir jusqu’à 10 ou 11 personnes.
Élargir l’offre en région
Laurie-Anne Langis a grandi dans les Laurentides. Elle entretient donc un lien particulier avec la région. « Il y a un sentiment d’être à la maison », dit-elle. La chorégraphe navigue d’ailleurs entre la métropole et les Laurentides pour le travail. Dans une grande ville comme Montréal, l’accessibilité de l’art vivant est facilitée, notamment par le réseau de transport en commun et par le développement de multiples initiatives. Pour Laurie-Anne, il est toutefois important de décentraliser l’art et de l’amener dans les régions, sous un format accessible pour tous.
L’équipe derrière Merging
Sur scène :
- Laurie-Anne Langis;
- Olivier Landry-Gagnon, collaborateur à la conception sonore et conception du dispositif radio;
- Rafaelle Mackay, conception sonore;
- Roxanne Bédard, costumes et éclairages.
Collaborateurices :
- Scénographie : Léa Pennel;
- Collaboration au tapis : Daniel D’Amours;
- Technique et production : Catherine Ste-Marie;
- Dramaturgie : Marijoe Foucher;
- Collaboration à l’écriture : Moe Clark;
- Recherche : Moe Clark, Mathieu Arsenault, Diane Bouthiller, Lanyi Fruzsina, Laurence Gagnon, Sarah Manya et Philippe Poirier.