Manque de vision à long terme
Par Ève Ménard
David Laferrière et Sonia Piché, à la direction respectivement des théâtres Gilles-Vigneault et du Marais, se réjouissent de renouer sous peu avec leur public. Mais plusieurs bémols demeurent concernant la récente annonce du gouvernement sur le déconfinement de la culture.
Aussi président de RIDEAU, regroupant 350 salles, festivals et diffuseurs de spectacles, David Laferrière a passé les premières journées suivant l’annonce à intervenir dans les médias à ce sujet. Ce qui revient chaque fois : le manque de vision à long terme et de préavis. Le directeur général du Théâtre Gilles-Vigneault a appris 15 minutes avant la conférence de presse l’ouverture imminente des salles de spectacles. Un deux semaines de préavis, c’est peu, selon lui. « Ce n’est pas comme au cinéma où il n’y a pas de siège réservé et qu’il y a plusieurs représentations par jour. Chaque fois qu’on fait un spectacle, on s’engage avec un producteur à donner un cachet. Qu’il y ait 1000 ou 250 personnes dans la salle, c’est le même cachet. Ça prend du temps mettre en place et promouvoir les spectacles. »
Capacité réduite
Autant David Laferrière que Sonia Piché auraient aimé ouvrir à pleine capacité, comme c’était le cas en novembre et en décembre derniers. Les restrictions actuelles compliquent la planification des programmations. Sonia Piché se concentre sur le mois de février uniquement pour commencer. « Je ne veux pas réorganiser nos salles jusqu’à la fin mars et que dans trois semaines, on se fasse dire qu’on peut accueillir à 75% de notre capacité. On ménage nos mouvements parce qu’on est toujours dépendants des nouvelles mesures qui pourraient arriver. »
Dans le cas du Marais, les spectacles qui étaient déjà vendus à plus de 50% de capacité seront reportés. La même décision risque d’être prise au Théâtre Gilles- Vigneault. David Laferrière préfère reporter des spectacles que de devoir sélectionner les spectateurs qui pourront y assister ou réorganiser pour offrir plus de représentations.
Pour plus de prévisibilité
Bien qu’elle comprenne l’imprévisibilité de la pandémie, Sonia Piché aimerait avoir un horizon clair pour la suite. « Il y a des spectacles qui vont se retrouver en automne, mais je suis déjà en train de monter mon automne. Je me retiens de réserver des dates parce que je sais qu’il risque d’avoir des reports », donne-t-elle en exemple.
À ce sujet, David Laferrière est encore plus tranchant : « Après deux ans, on ne peut plus faire action et réaction à coup de 15 jours. Il faut se projeter dans le temps. Prendre des décisions et mettre les arts vivants à l’avant-plan, si c’est si important que ça pour le gouvernement. »
Ramener le public dans les salles
David Laferrière et Sonia Piché partagent aussi une crainte commune pour la suite : la réticence du public. Après plusieurs fermetures et réouvertures et de nombreux reports ou annulations de spectacles, le public est beaucoup plus frileux à l’idée d’acheter des billets. La directrice du Marais remarque que depuis six mois, les gens achètent leur billet très souvent à la dernière minute et depuis décembre, presque rien ne se vend. Même son de cloche chez David Laferrière : « On a environ 150 représentations disponibles à la vente et je vends deux à trois billets par jour. C’est épouvantable. Repartir ça une nouvelle fois, on y croit c’est certain, mais ça m’inquiète. »