La politique: Un sport de contact

Par Simon Cordeau

Chère Ève,

Dans ta dernière lettre, tu me partageais ta passion pour la Sainte-Flanelle et ta fièvre pour les séries. Et c’est bien vrai que, malgré mes efforts, je peine à ressentir cette euphorie collective qui tient tout le Québec en haleine durant la saison du hockey.

Pour moi, je dois t’avouer, l’euphorie est maintenant : une euphorie électorale. Pas que je souhaitais des élections fédérales : les municipales m’auraient suffi pour l’automne! Et je préfère les gouvernements minoritaires. Après tout, la démocratie est une affaire de compromis, et il n’y en a jamais autant que lorsque le parti au pouvoir doit tendre la main pour éviter de tomber. Mais que veux-tu : c’est le propre des gouvernements minoritaires d’aspirer à une majorité.

Non, l’euphorie ne vient pas de la perspective d’un nouveau gouvernement, qu’il soit minoritaire ou majoritaire. L’euphorie vient de la joute politique elle-même.

Sport extrême

J’aime le côté sportif des élections : la lutte à bras-le-corps des débats en direct, le marathon des promesses et des poignées de main, le sprint des chefs aux quatre coins du pays et, bien sûr, les trébuchements inévitables, spectaculaires, de certains candidats.

D’ailleurs je dirais que, durant une campagne électorale, la politique devient un sport extrême. Quelques mots mal placés peuvent ébranler, en un instant, une performance jusqu’alors impeccable. Un simple faux pas, sur la corde raide d’une conférence de presse, peut entraîner une chute inéluctable. Et la blessure qui s’en suit peut mettre fin à toute une carrière.

Vraiment, les politiciens se livrent à de la gymnastique de haute voltige, où la langue de bois est souvent leur seule protection. Qu’on ne se surprenne pas qu’ils apprennent à la manier avec tant d’adresse : il en va de leur survie dans l’arène. Et tant les adversaires que les spectateurs sont sans pitié.

La passation pacifique du pouvoir

Au moins, aujourd’hui, la violence politique est surtout symbolique. Malgré les heurts qu’ils subissent, les candidats ne risquent pas de perdre littéralement leur tête.

Je viens de terminer le balado The History of Rome de Mike Duncan. Et il est bon de se rappeler que la passation pacifique du pouvoir est une rareté dans l’Histoire. Sous l’Empire romain, la transition d’un empereur au suivant passe souvent par le sang. Lorsqu’il parvient à prendre le pouvoir (et le pourpre), le nouvel empereur ne se contente pas d’éliminer son adversaire : il exécute aussi ses enfants et sa femme, pour éviter tout prétendant dans l’avenir, ainsi que ses supporteurs, pour éviter toute mutinerie dans l’immédiat.

Disons que les purges politiques ne sont pas exclusives au fascisme ou au communisme. Cette violence politique est au fondement même de notre civilisation. Mais tu sais ce qui est plus ancien encore que l’Empire et ses sanglantes successions? La République.

Recommandations

En attendant les débats, je te suggère de plonger dans le thriller politique House of Cards. Cette série est tombée dans l’oubli, après que son acteur principal, Kevin Spacey, soit tombé en disgrâce et que la dernière saison se soit conclue en queue de poisson. Mais c’est, selon moi, une captivante représentation de la froide cruauté que la politique demande de ses aspirants. Au pire, tu peux n’écouter que les deux premières saisons (les meilleures), puisqu’elles forment une histoire complète.

Aussi, tu dois absolument écouter le balado Pour l’avoir vécu, sur OHdio, pour plonger dans ce chapitre sombre de notre histoire : la crise d’Octobre. Marc Laurendeau et Anne-Marie Dussault racontent ces évènements tragiques avec compassion, patience et ouverture. Par exemple, il y a un épisode entier sur Pierre Laporte où, pour la première fois, j’en ai appris sur l’homme derrière la victime.

D’ailleurs, une deuxième saison vient de paraître, sur les attentats du 11 septembre 2001. Je compte la dévorer en fin de semaine.

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