Jean-François Beauchemin et l’art de « mentir vrai »
Par Ève Ménard
Pendant trois ans, Jean-François Beauchemin s’assoit chaque semaine sur un banc de parc, où il est rejoint par des hommes et des femmes qui lui confient d’improbables histoires : un bûcheron secouru par son cheval, un ivrogne qui passe de la morgue au bar en deux heures ou un alpiniste sauvé par une panthère. Ces tranches de vie sont rassemblées dans un recueil, découpés en plus d’une centaine de courts chapitres.
Telle est la prémisse de Trois ans sur un banc, le plus récent roman de Jean-François Beauchemin, disponible en libraire depuis le 7 septembre dernier. Seul petit détail : tout ceci n’est que de la fiction. Jean-François Beauchemin ne s’est jamais assis sur un banc de parc dans l’espoir que des inconnus se confient à lui. Le livre, il l’a écrit en l’espace de 6 mois seulement. « Les 135 histoires, ces 135 personnes, c’est complètement sorti de mon imaginaire », confie l’auteur, résidant à Sainte-Adèle.
Transmettre des émotions réelles
À l’époque d’un individualisme prononcé, Jean-François Beauchemin fait éclater ce modèle pour ouvrir la voie vers une alternative. Une alternative où non seulement les gens se parlent, mais se racontent même des histoires intimes remplies d’émotions, ou d’autres parfois plus loufoques et légères.
« J’ai voulu aller à contre-sens de ce qu’on observe dans la société réelle. De montrer que l’être humain est aussi un être social et qui devrait, bien davantage, échanger avec ses semblables », précise-t-il.
« Je me suis servi de fausses histoires pour transmettre des choses vraies. »– Jean-François Beauchemin
Trois ans sur un banc, c’est l’illustration parfaite d’un livre typiquement littéraire, dans lequel on joue avec la fiction, pour laisser croire qu’on est dans la vérité.
Pour son auteur, la littérature est un jeu dans lequel « on joue à mentir vrai ». À défaut de présenter des faits, Jean-François Beauchemin présente, à travers sa mosaïque d’histoires dont le seul élément commun est un banc, une mosaïque d’émotions qui elles, sont bien réelles. « Je me suis servi de fausses histoires pour transmettre des choses vraies », explique-t-il.
C’est le cas notamment lorsqu’en quelques lignes, on raconte l’histoire d’un alcoolique qui se sort de sa dépendance en se liant d’amitié avec un homme dans la même situation que lui.
« Quand Picasso faisait des portraits avec des visages en formes de cube et des nez qui n’étaient plus au centre du visage, c’était un jeu, un mensonge. Mais c’est de l’art et c’est beau. Et il y avait, derrière cette idée, une émotion, une pensée et une réflexion qui est bien réelle. C’est la même chose en littérature », illustre M. Beauchemin.
Depuis sa sortie, la réception du livre est excellente. Cinq jours après sa parution, il se hissait déjà au 9e rang du palmarès de Renaud-Bray. « On peut souvent juger de la carrière d’un livre à partir de ses premiers pas, et les débuts de celui-là sont très encourageants », se réjouit l’auteur.
Celui qui publie environ un livre par année a déjà pris de l’avance sur ses prochaines publications. Son prochain roman est terminé et sera publié à l’automne 2023. Il écrit actuellement celui prévu pour 2024, un imposant ouvrage d’environ 600 pages qui plongera le lecteur dans une saga familiale.