(Photo : Courtoisie de l'auteur)
Serge Labrosse, journaliste retraité présente son recueil de nouvelles Bordel de vie.

Entrevue avec Serge Labrosse: Dans l’univers imaginaire d’un ex-journaliste aux faits divers

Par France Poirier

Serge Labrosse a été longtemps journaliste aux affaires criminelles au Journal de Montréal. Il a aussi été patron de la salle de rédaction. Aujourd’hui, il écrit des récits. Son deuxième livre qui vient de sortir Bordel de vie et autres nouvelles est un recueil de nouvelles.

J’ai un rendez-vous téléphonique avec Serge Labrosse le 8 février à 13 h. Depuis le matin, il se joue le terrible drame de la garderie à Laval. Impossible de ne pas lui en parler, lui qui a couvert de nombreux drames durant sa carrière.

« On est sans mot face à ça, c’est d’une tristesse infinie pour les enfants blessés et qui sont morts. Leurs parents, les éducatrices qui vont vivre avec cette crainte pour le reste de leur vie. On ne peut pas s’attendre à un événement comme celui-là dans un milieu contrôlé comme une garderie, une école. Comme journaliste, couvrir ça, c’est triste aussi. »

Il se remet à l’époque où il se rendait sur des scènes de crime. « Avant même de penser à la nouvelle, on pense aux émotions que ça suscite. Celles des autres, mais aussi les nôtres. On n’arrive pas là insensible. Impossible de faire ce métier si on est insensible et impossible de le faire si on est trop sensible. On ne peut pas pleurer avec les gens. On ne pourrait pas les interviewer et aller voir les voisins. Même si les policiers font leurs enquêtes, on doit nous aussi poser des questions. Il m’est même arrivé après le passage des policiers de trouver un couteau ensanglanté avec mon photographe du Journal. C’était près de la scène du crime. Pourquoi ils ne l’avaient pas vu ? Ce sont des choses qui arrivent. Cependant, ça arrive moins aujourd’hui, parce que les policiers sont mieux formés pour la protection de scène de crime. »

Impliqué dans une prise d’otage

En 1976, il commençait une carrière de journaliste aux affaires criminelles. En 1977, il a été au cœur d’une prise d’otage alors qu’il avait 22 ans. « Dans la salle de presse, on écoutait les policiers sur les ondes radio. On a entendu qu’il y avait une prise d’otage dans une banque. Je m’y suis présenté et, arrivé sur place, j’ai passé les cordons de sécurité. Je connaissais des policiers. Ça ne se ferait plus aujourd’hui. Les policiers demandaient s’il y avait un journaliste pour faire la médiation. Les ravisseurs avaient demandé un journaliste, un avocat ou un prêtre. J’étais le seul sur place. Ils m’ont demandé si je voulais entrer. En échange, ils libéraient des clients sur place : un couple et un bébé dans une poussette. C’est ce qui est arrivé et ça s’est passé sur plusieurs heures, jusqu’à 23 h. Je vous épargne les détails, mais tout s’est bien terminé. »

Il nous raconte que plusieurs fois dans les années 70 et 80, des bandits venaient au Journal. Ils déposaient leur « gun » sur le bureau du journaliste. Ils demandaient de se faire photographier avant d’aller se rendre à la police. C’était un moyen pour montrer qu’ils n’avaient pas de blessure avant d’arriver au poste, raconte-t-il. C’est arrivé à quelques reprises. Serge Labrosse a aussi vécu l’attentat contre Michel Auger alors qu’il était son patron. « Je l’ai accompagné dans l’ambulance après qu’il se soit fait tirer dans le stationnement du Journal. Nous avions été collègues avant que je devienne son patron », nous raconte-t-il.

« Bordel de vie et autres nouvelles »

Comme il le souligne, ses nouvelles sont courtes et mordantes. « Certains de mes textes sont dramatiques, mais j’essaie d’apporter une teinte humaine. Ça fait partie de la réalité des gens qui ont des parcours très difficiles et qui finissent mal. Parfois, ça frôle l’humour, qu’on peut qualifier d’humour noir. Je crois que c’est nécessaire parce que certaines histoires pourraient être indigestes. »

Il faut souligner qu’il y en a des plus dramatiques, d’autres plus légères, plus cocasses. Ce sont des histoires courtes de quelques pages. Il y en a une trentaine. Ça se lit bien, c’est bien écrit. À la limite, ça fait réfléchir. En peu de mots, Serge Labrosse nous guide dans un récit plein d’inattendus. Il réussit en quelques lignes à nous mettre dans l’atmosphère. Quelquefois, la fin est là, d’autres fois, c’est en suspens.

« C’est le propre du genre de la nouvelle ce que j’écris. Plonger tout de suite dans le cœur de l’action. Ce n’est pas comme un roman où on commence à établir l’atmosphère sur les vingt premières pages. Dans le genre de la nouvelle c’est bref, mais on n’a pas le temps de s’enfarger dans les détails. Il faut tout de suite accrocher son lecteur. C’est proche de l’écriture journalistique. La nouvelle littéraire a un lien naturel avec l’écriture journalistique. C’est ce qu’on apprend en journalisme. »

Il n’exclut pas le fait d’écrire lui-même un roman. Aussi, on lui demande souvent d’écrire sur des événements qu’il a vécus. L’ex-journaliste y réfléchit. Il a tellement d’événements vécus à partager. « J’en ai parlé avec mon éditeur dernièrement, qui sait…»

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