« C’est l’occasion d’un débat collectif »
Par Charlier Mercier
Réfléchir et repenser le système d’éducation québécois actuel, c’est ce que propose le collectif Debout pour l’école! dans son imposant, mais accessible livre Une autre école est possible et nécessaire. Rédigé par une centaine de spécialistes et des gens du terrain, l’ouvrage est découpé en plusieurs thèmes et vise à informer et à expliquer les problèmes du système d’éducation, en plus de proposer des pistes de solution pour l’imaginer différemment.
Ça pourrait paraître utopique, aux yeux de certains. Mais comme l’affirme Guy Rocher, sociologue de renom qui signe la préface du livre, « s’il est vrai qu’il n’y a pas de système d’éducation idéal, il est cependant essentiel qu’un système d’éducation ait un idéal, qui est en réalité celui de la justice sociale. Cet idéal, il faut sans cesse l’entretenir, l’enrichir, le renouveler, dans un esprit à la fois critique et dynamique, qui est celui de cet ouvrage. »
Former des citoyens au lieu de travailleurs
David Lefrançois, professeur à l’UQO à Saint-Jérôme, se pince encore de retrouver son nom dans le même ouvrage que celui de Guy Rocher. Pour lui, tout ce projet en est un d’envergure. Et surtout, c’est une première : on rassemble à la fois les générations, les gens de terrain, les enseignants, les conseillers pédagogiques, les directions d’école, les chercheurs universitaires ou encore les groupes autochtones, pour poser un regard franc sur ce qui fait défaut dans l’éducation actuelle. Il s’agit aussi d’un travail de vulgarisation exceptionnel pour rendre les concepts accessibles à un large public.
De manière générale, on tend à proposer un idéal qui, au lieu de former des individus de manière à les insérer stratégiquement sur le marché du travail, formerait des citoyens et des citoyennes outillés à agir en société et à la comprendre, par une approche humaine et réflexive.
Critique et réflexivité
Il n’y a d’ailleurs pas une bonne ou une mauvaise manière d’enseigner, indique David Lefrançois. Mais il est important de mettre en lumière une diversité de choix et d’approches. C’est ce qui est proposé dans le neuvième chapitre du livre, sur lequel le professeur de l’UQO collabore en compagnie d’une enseignante de la relève et d’une autre à la retraite, Marie-France Daniel. Le trio se penche sur la pensée critique. On propose des manières pour le corps professoral de susciter chez leurs élèves des réflexions concrètes et de nuancer les apprentissages.
David Lefrançois prend l’exemple des cours d’histoire : « On veut exposer les élèves à diverses sources et exposer les interprétations contradictoires. Des recherches démontrent qu’à partir de 9 ans, des élèves peuvent réfléchir de manière rationnelle à des positions contradictoires. Si on a un Romain, par exemple, qui parle d’un peuple, il aura un biais. Ce sont les ennemis, alors il les décrira comme n’étant pas cultivé. On les appellera les barbares. Les gens qui écrivent l’histoire ont un intérêt, il faut se demander pourquoi ils écrivent ça. Et à partir de là, on peut favoriser un dialogue. »
La reddition de comptes
Un des grands freins à l’approche de l’idéal défendu par l’ouvrage, c’est tout ce qui entoure la gestion axée sur les résultats, propre au système actuel. Chaque école, chaque direction, chaque professeur doit rendre des comptes. Nous n’avons qu’à penser aux examens ministériels qui demandent à obtenir un certain niveau de résultat. Cette réalité entraîne une pression significative non seulement sur les enseignants, mais aussi sur les élèves sur qui on laisse reposer le poids de leur réussite ou de leur échec.
Pour David Lefrançois, c’est le moment de revoir les approches que nous considérons comme allant de soi. C’est le temps d’une réflexion globale sur l’éducation.
« Nous avons fait des réformes, mais maintenant, c’est l’occasion d’un débat collectif. »