Pascal fait partie des travailleurs de première ligne, à titre d'éboueur.

Un Jérômien défie le coronavirus pour éviter l’amoncellement de détritus

Par Daniel Calvé

Reconnu comme un fonceur né dans l’arène, Pascal (il préfère taire son nom de famille) se méfie toutefois de l’ennemi invisible dans son métier d’éboueur: il vaque à ses occupations, en redoutant «le» déchet qui serait contaminé par la Covid-19.

Il fait figure d’ange gardien de première ligne, en œuvrant à débarrasser les quartiers de leurs rebuts et de leurs matières recyclables, au péril de sa santé. «Tu ne sais jamais ce que tu vas ramasser. Quand un sac est éventré, que des mouchoirs dégoulinants, de la viande ou des essuie-touts imbibés tombent par-terre, tu penses au virus. À la fin de la journée, mes gants et mon linge prennent le bord. Je me désinfecte avant de revenir à la maison».

L’ancien boxeur estime que la société est loin d’être paralysée. «Il y moins de mouvements routiers, mais le problème de surconsommation a seulement été déplacé. Les gens vont chez les détaillants de construction, acheter des matériaux pour rénover la maison ou faire leur ménage du printemps. Il en résulte des quantités effarantes de déchets, souvent industriels, cachés parmi les ordures domestiques. Au lieu de remplir et d’aller vider le camion à Sainte-Sophie deux fois par jour au site d’enfouissement, on se retrouve à faire quatre transports et déversements quotidiens».

De même, les heures se multiplient, limitant le temps passé en famille. «Depuis que le gouvernement a enlevé la limite des 13 heures maximum de conduite (par jour) aux camionneurs, on dirait qu’on se trouve dans une guerre économique. Je fais plus de 55 heures par semaine à arpenter les rues. C’est mon choix de carrière, mais je souhaiterais voir grandir mon fils de 4 ans. Je cours plus dans les rues que lorsque j’étais boxeur (rires)».

Celui qui exerce le métier d’éboueur depuis 15 ans a hâte que la crise s’estompe. «Au lieu d’être au travail, les gens ont tous leurs multiples voitures garées dans les rues. On est pris dans des culs-de-sac, où on virait le camion d’un seul coup. Même à notre garage, les mécaniciens hésitent à réparer ton camion, car craintifs du virus. On va domper la cargaison et on le désinfecte, avant qu’ils s’affairent dessus».

Pascal a prévu les problèmes à l’avance, lors d’un trajet de récolte dans les Basses-Laurentides. «J’ai demandé à mon superviseur de nous placer sur un autre circuit, pour éviter une certaine communauté. Les vendredis, j’y passais pour le recyclage. On se faisait entourer, narguer et provoquer. À titre d’ancien boxeur, je connais ce jeu et je les ignore. Ils attendaient juste une réplique pour nous tousser dessus ou postillonner en notre direction. J’ai changé d’endroit, avant que ça dégénère».

«Cependant, ça ne me dérange pas d’en faire plus pour les gens patients. Je pense à cette petite dame, qui courrait après le camion en tirant désespérément son bac à roulettes. J’ai crié au chauffeur d’arrêter, tout en conseillant à la dame de le sortir la veille: puis, je l’ai vidé. On est humains avec ceux qui nous respectent».

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