« Les jeunes veulent mener le combat avec nous » – Pier-Luc Funk
Par France Poirier
Nous avons obtenu une entrevue exclusive avec l’acteur, l’animateur, l’improvisateur de grand talent, Pier-Luc Funk, quelques heures avant sa présence à l’émission Tout le monde en parle. Il a bien voulu nous parler de la situation que vivent les jeunes en rapport avec la pandémie.
Tu animes avec Catherine Brunet Les suppléants à Télé-Québec. Parle-moi de ce projet et pourquoi tu as accepté de le faire?
C’est un projet qui est arrivé quand tout est arrêté alors que tous les projets s’annulaient et qu’il n’y avait plus de tournage à l’horizon pour l’été. Puis le projet des suppléants est arrivé sur la table. On m’a expliqué que c’était pour terminer l’année scolaire, que des artistes qui viendraient donner de la matière pour aider les jeunes à conserver leur acquis. C’est ma façon de faire ma part en tant qu’artiste, de contribuer à la société dans cette tempête qui s’est abattue sur nous.
Tu travailles beaucoup pour le public jeunesse. Qu’est-ce que tu apprécies chez les jeunes ?
J’apprécie travailler avec tous les publics. Avec les jeunes, c’est différent parce que l’on devient un peu comme des modèles, on influence un peu leur façon de voir les choses. Ils ont le goût de répéter ce qu’on fait, c’est un peu un couteau à double tranchant. Ils sont plus proches que des fans ordinaires. On fait un peu partie du moment où leur cerveau est en formation. Je me rappelle tellement les émissions que je regardais quand j’étais plus jeune, elles m’ont marqué plus que les émissions que je regarde aujourd’hui. Les émissions de mon enfance ont marqué ma vie, elles ont une place spéciale dans le petit tiroir de mon cerveau, ce qui fait que je ne les oublierai jamais. C’est beau d’avoir un public jeunesse et de pouvoir marquer leur quotidien.
On a l’impression au début de la pandémie que l’on s’est peu soucié de l’impact que tout ça aura les jeunes. Qu’est-ce que tu en penses ?
En effet, les ados ont été un peu oublié. On a beaucoup parlé des parents, des aînés, des tout-petits. Les ados ont l’âge de s’autogérer, ce n’est pas non plus le groupe qui se confie le plus. On a l’impression qu’ils sont dans leur chambre et peuvent être oubliés parce qu’ils ont une certaine autonomie, mais c’est aussi difficile pour eux. Ils vont vivre leur anxiété et garder ça en dedans. C’est une étape de la vie où on a le goût de s’émanciper, de voir ses amis de devenir autonome. Actuellement, ils sont brimés dans ce moment de leur vie, alors qu’ils étaient en train de se positionner face à leurs amis, leurs passions, leurs ambitions. C’est comme si leur vie prenait un frein, s’arrêtait pendant un moment. C’est difficile pour eux, c’est une étape cruciale et on leur demande beaucoup en vivant l’isolement.
Lorsque tu parles avec les jeunes qu’est-ce qu’ils te racontent de ce qu’ils vivent ?
Pour vrai, ceux qui m’écrivent et me parlent sont vraiment super. Ils sont beaucoup dans le positif et ils me disent merci de nous faire rire, merci de nous accompagner là-dedans, ça nous fait du bien de te regarder, au moins quelque chose à faire pendant le confinement, beaucoup de remerciements. Je sens beaucoup de solidarité en fait. Chez les ados, ils ont le goût de rester solidaires, de respecter les règles. Je sens que beaucoup de jeunes veulent mener le combat avec nous, mettent des efforts pour adapter leur rythme de vie avec la situation. Je n’ai pas eu beaucoup de jeunes qui m’ont parlé négativement, c’est peut-être en lien avec le genre d’émission que je fais.
Si tu recules à tes années d’adolescence comment aurais-tu vécu cette période ?
Moi! Ça aurait été vraiment terrible. Au secondaire, j’étais quelqu’un qui n’avait pas beaucoup de motivation, la seule chose qui me raccrochait à l’école, c’était l’improvisation qui me gardait motivé. Si on m’avait dit que je ne pouvais plus faire de tournage ( il a tenu son premier rôle à l’âge de 14 ans dans le film Un été sans point ni coup sûr), je n’aurais pas pu faire de l’impro, je crois que j’aurai été complètement démotivé. Si on m’avait enlevé ce que j’étais et ce que j’avais le goût de devenir, j’aurais compris et j’aurais fait ce qu’il faut, mais je sais que ça aurait été vraiment dur. L’adolescence c’est l’étape où l’on est en train de définir qui on est et qui on sera dans le futur, de sentir ce frein-là par rapport à nos amis aussi, c’est vraiment difficile sur le moral. On peut être fier de nos ados qui embarquent dans ce combat-là avec tout le monde.
Et comme adulte comment as-tu vécu la situation quand tout s’est arrêté ?
Moi, ça faisait longtemps que je voulais ralentir, puis dormir. Au début, je l’ai vraiment pris comme un repos forcé. C’était vraiment comme une pause obligatoire où je devais rester chez nous, dormir, me faire à manger, ça m’a quasiment fait du bien, ça m’a permis de recharger mes batteries dans un rythme de vie dans lequel j’avais perdu le contrôle. Je travaillais sept jours sur sept, le jour, le soir, le matin. D’avoir ce congé m’a fait du bien et j’ai été super chanceux de me faire offrir des beaux projets qui me permettent de travailler un peu pendant ce confinement. Mon rythme de vie a été allégé. C’est triste de ne pas voir les amis et la famille, mais cette pause a été salutaire pour moi.
Tu animeras le Bal des finissants Mammouth à Télé-Québec le 19 juin, À quel point tu crois que cette présentation répondait à un besoin des jeunes ?
Le besoin était vraiment présent. Si les jeunes ne se pointaient pas au bal de finissants en temps normal, si c’était un événement qui passait en dehors de la track, mais ce n’est pas le cas c’est un moment attendu. C’est ta dernière soirée que tu passes avec ta gang de l’école, tout le monde veut être présent à son bal, c’est un moment crucial, la clé dans la porte, la fin d’un chapitre, on ferme le livre du secondaire. Ces jeunes-là ont tellement travaillé fort pendant cinq ans, c’est comme la réponse pour dire bravo tu es passé au travers, mais pour les jeunes de 2020, ça été une fin abrupte. On veut leur offrir cette fin d’étape. Ils seront ensemble dans des groupes zoom et pourrons interagir et nous on va entrer dans les groupes. Plusieurs artistes veulent aussi s’impliquer dans le bal Mammouth. On veut refaire tous les codes, avant-bal, le bal, les slows, l’après-bal. On veut les accompagner là-dedans. On veut leur donner cette récompense.
Comment vois-tu la vie après la COVID ?
Je pense qu’on peut dire adieu aux deux becs, puis aux poignées de mains, ce qui n’est pas une mauvaise chose, on va sauver du temps. Sinon je pense qu’on a réalisé que c’est peut-être plus important d’investir dans la médecine que dans l’armée. On a compris avec ce virus qu’on est une seule et même planète, on est tous des victimes, la planète ensemble cherche un vaccin pour gagner le combat. Ça fait réaliser que la priorité c’est que l’on soit tous bien, pas que l’on gagne. Faire un meilleur monde tous ensemble.
Qu’est-ce qui t’as le plus manqué durant le confinement ?
Le temps en famille. J’ai un neveu de deux ans et si je ne le vois pas pendant deux mois, il a beaucoup changé, il n’est plus le même humain. Il faut chérir ces moments-là. J’allais le voir à deux mètres dans sa cour. C’est tellement des choses que l’on prenait pour acquis, on réalise que chaque moment est important.
En vrac
Livre de chevet :
Beaucoup de scénarios, mais comme livre je dirais Le passager de Patrick Sénécal
Séries préférées :
C’est comme ça que je t’aime, Complètement extraordinaire, Les Invincibles Euphoria, Chernobyl et si je prêche pour ma paroisse, la série que nous avons fait l’an passé qui est actuellement sur Crave, Pour toujours, plus un jour (pour moi une grande fierté).
Qu’est-ce que tu cuisines ?
Uniquement des pâtes, je me gâte en pâtes au pesto, sauce rosée, épinards, avec ou sans saucisses, avec saumon, c’est la seule chose que je fais.