Whisky 101 avec le sommelier Jean Beaudin
Par Simon Cordeau
Parmi les spiritueux, le whisky offre un vaste éventail d’arômes, de nuances et de possibilités. Produite par la distillation de céréales maltées, il peut prendre plusieurs appellations, du scotch au bourbon en passant par le rye. Mais comment s’y retrouver lorsqu’on est un néophyte curieux ? Jean Beaudin, enseignant en sommellerie à l’École Hôtelière des Laurentides, a « une passion pour le whisky » et nous donne quelques repères.
Selon M. Beaudin, l’intérêt pour le whisky se développe « un peu plus tard ». « Je n’ai pas commencé par le whisky. Mais en vieillissant, on apprécie les bonnes choses. Le whisky, je trouve ça raffiné. Quand on est jeune, on boit d’abord de l’alcool pour l’effet. Donc il faut être rendu à un moment dans sa vie où on a envie de déguster un alcool tranquillement. Quand on prend un scotch [whisky produit en Écosse], c’est avec de bons amis, une fois de temps en temps. »
Les régions
Comme pour les vins, la provenance en dit déjà beaucoup sur le profil du whisky. Les scotchs par exemple sont produits dans différentes régions d’Écosse, chacune avec ses caractéristiques propres.
« Les Highlands [région du nord] sont les plus raffinés. Ils vont sur des notes de toffee, de caramel anglais. Ils ont souvent un bon goût de cherry. Ce sont vraiment les scotchs qu’on prend en fin de soirée, en digestif, et qu’on déguste. » Parmi ses coups de coeur, le sommelier nomme le Dalmore 12 ans. « L’Aberlour 12 ans a un très bon rapport qualité-prix. »
Les Highlands comptent aussi la sous-région du Speyside, dans la vallée de la rivière Spey. « Les plus grandes maisons sont là. » Le sommelier mentionne Macallan, qui a « probablement la plus grande réputation. C’est un grand classique ».
Ensuite, les Lowlands offrent des scotchs plus délicats. Ceux-ci sont idéaux pour l’apéro, précise M. Beaudin. Il conseille l’Auchentoshan pour débuter.
Enfin, « les Islays [prononcé en « â » à la fin] viennent des îles. Ils sont plus robustes et sont souvent fumés ». Sur ces îles, il n’y a pratiquement pas de forêts, explique le sommelier. Ainsi, les gens se chauffent traditionnellement en brûlant de la tourbe. On utilise donc aussi cette tourbe pour sécher les grains et les parfumer. « Les Islays ont aussi un côté marin ou des odeurs de varech. »
Tout cela donne aux Islays un profil plus « rustique » que certains amateurs affectionnent particulièrement. « Moi, par exemple, je fume un cigare en même temps. J’aime ça. On est dans l’excès. » Le Lagavulin 16 ans est « probablement le meilleur », conseille M. Beaudin.
Single malt
Selon le sommelier, le single malt est la « quintessence » de ce que peut être le whisky. « Il provient d’une seule distillerie, qui peut avoir son propre champ d’orge. » Ces maisons ont chacune un petit côté légendaire, avec leurs propres manières de faire qui les distinguent des autres. « Chacune a un pot still [alambic] en cuivre aux formes différentes. Ça peut influencer la distillation, et ils sont tous convaincus que leur pot still est le meilleur », illustre le sommelier.
Il y a aussi un facteur humain, souligne-t-il. Il donne l’exemple de Bowmore [Islay]. « Ils ont la même équipe depuis 30 ans, et ils sont très fiers de cette stabilité. […] Chaque personne a un travail précis, et il y a une tradition là-dedans. »
Les barriques
À ne pas négliger : les barriques, c’est-à-dire les tonneaux dans lesquels le whisky vieillit, jouent un rôle déterminant pour le profil final qu’aura le whisky, explique le sommelier.
« Le bourbon est fait avec des barriques neuves. Ça donne un goût très vanillé et un côté boisé. Alors que les scotchs sont faits avec des barriques usagées, souvent qui ont eu du cherry. Le goût est beaucoup plus raffiné. Au nez et même en bouche, ça donne une rondeur. »
Le cherry vient aussi colorer l’eau-de-vie. Et si les barriques ont servi pour du vin, son cépage peut prêter ses caractéristiques au whisky. « Présentement, j’ai un sauternes finish chez moi, et ça donne un petit moelleux », illustre M. Beaudin.
La dégustation
Une fois qu’on a fait son choix, déguster un whisky demande également une attention particulière. D’abord, on observe. La couleur du whisky « peut nous dire beaucoup choses », comme s’il a été vieilli dans une barrique de cherry, par exemple.
Ensuite, on respire. « Le nez, c’est la première satisfaction qu’on a. J’adore sentir un whisky. » Pas besoin de tourner son verre comme pour du vin, indique le sommelier. On sent tranquillement et pas trop longtemps, sinon l’alcool nous brûle rapidement les narines. « J’aime pencher mon verre complètement à l’horizontal, pour que le whisky arrive au bord du verre. Puis je mets mon nez au-dessus. C’est comme si on sentait moins l’alcool. »
Enfin, on goûte. « On prend des petites gorgées, le plus possible. On sent le whisky qui entre et qui embaume la bouche. Il y a plus un effet de brûlure quand on prend des grandes gorgées. » On déguste ainsi chaque gorgée lentement. « Une autre chose, avec des amis, c’est d’en parler, d’échanger sur ce qu’on sent. Est-ce que tu sens le côté boisé ? Le cherry ? En bouche aussi, est-ce que la sensation de brûlure est forte ou moins forte ? Quelle est la longueur en bouche ? On parle de caudalies : le nombre de secondes que durent les arômes. »
Si le whisky a plus de 40 degrés [ou %] d’alcool, on peut ajouter de l’eau pour ramener le taux d’alcool à ce niveau. Ces whiskys sont des cask straight : ils sortent directement du fût, donc ils ne sont pas dilués. « Les cask straight sont plus chers, mais on en met beaucoup moins, puisqu’on ajoute de l’eau », explique le sommelier.
Sinon, on boit bien son whisky comme on veut. « C’est bien important, la liberté. Je n’interdis rien à personne. Ce n’est pas mon style », insiste M. Beaudin. Sachez seulement que si vous ajoutez de la glace ou buvez votre whisky trop froid, vous sentirez moins ses arômes et ses subtilités. « Dans un blend [assemblage], ce n’est pas un sacrilège de mettre de la glace. C’est rafraîchissant. Mais on sort de la dégustation. »
Parcours
Comment Jean Beaudin a-t-il trouvé sa passion pour la sommellerie ? « Quand j’étais jeune, à 18 ans, j’ai fait un voyage d’un an en Europe. C’était dans le temps des sacs à dos et des voyages sur le pouce. J’ai fait les vendanges à Bordeaux et à Cognac. Et j’ai fait beaucoup de vignobles sur le pouce. Je me suis aperçu de l’importance que ça avait là-bas, et quelque chose m’a intrigué. »
Revenu au Québec, M. Beaudin a « la piqure du vin ». « J’ai commencé à déguster avec des amis. On s’était formé un petit groupe d’une dizaine d’amateurs de vin, les Vinophiles. » Il prend alors un cours à l’École Hôtelière des Laurentides. « À l’époque, c’était à Sainte-Agathe-des-Monts. » Puis il travaille dans plusieurs restaurants.
À 66 ans, Jean Beaudin transmet son expérience en formant les futurs sommeliers. « C’est ma dernière année à l’École Hôtelière comme enseignant. » Même après sa retraite, il continuera à partager son savoir comme sommelier, indique-t-il. Il souhaite donner des formations en entreprise, comme il l’a déjà fait à l’Estérel et au Parlement de Québec. « Je rencontre l’équipe et je fais une formation sur leur carte de vins. L’idée est de faciliter les accords mets-vin. C’est une grande partie de la formation à l’École Hôtelière et une passion pour moi. »