Tout cloche : La poésie de la dyslexie
Par Simon Cordeau
L’album jeunesse Tout cloche, par l’auteur Jean-François Casabonne et la dessinatrice de Saint-Hippolyte Marie-Ève Turgeon, montre comment la dyslexie peut être une source de difficulté, mais aussi de poésie pour les jeunes.
Pour illustrer la dyslexie, Marie-Ève a dessiné Vital, le petit garçon, avec un brouillard mêlé au-dessus de sa tête. « En fait, je suis TDAH [trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité]. Je me suis dit : ça doit être un peu la même chose. On se sent tout emmêlé, tout embrouillé. Il y a un brouillard qui nous empêche de voir clair. C’est aussi pour mettre son sentiment en image. Le petit garçon se sent dépasser, il ne comprend pas ce qui lui arrive. »
La dame de la Montagne
Pour aider Vital, son amie Siri, qui souffre elle aussi de dyslexie, l’amène rencontrer un personnage mystérieux. « Siri est passée par le même moment que son ami. En allant se promener dans la nature, elle a rencontré la dame de la Montagne. Celle-ci lui a expliqué que les mots et le français peuvent être des amis. »
Cependant, la dame de la Montagne est empreinte de mystère et de magie. « Quand j’ai reçu le texte, il n’y avait pas d’information sur ce personnage. Les enfants sortaient dans la cour de récréation. Ça parlait d’une montagne et qu’il fallait beaucoup de nature. Mais la cour d’école, elle peut être beaucoup plus grande pour les enfants qu’à nos yeux d’adultes. Ça peut être un monde magique. La petite butte au fond, la petite fille peut l’imaginer comme une montagne », illustre la dessinatrice.
Selon elle, le défi a été de rendre l’histoire aussi « magique et douce » que possible, sans tomber dans « l’apparition ». Ainsi, la dame de la Montagne devient une chatte, dont la queue se promène dans les fleurs et entoure les enfants. « C’est le côté poétique de Jean-François [l’auteur] que j’ai mis en image. »
La « douce lexie »
Ainsi, Siri montre à Vital « le chemin vers l’amour des mots » et que « les mots t’aiment ». Selon Marie-Ève, cet amour passe par la poésie des mots et la beauté qu’on peut trouver dans la dyslexie.
« Mon fils souffre de dyslexie et d’autres troubles connexes. Il faut montrer aux enfants qui ont des difficultés que, oui, c’est difficile d’écrire, mais il y a tout un monde à découvrir avec les mots. Si on leur montre tout ce qu’ils peuvent apprendre, ils trouvent la motivation de surmonter ces obstacles-là », explique-t-elle.
Mettre des mots sur ses difficultés peut aussi être libérateur. C’est lorsque son fils a fait des tests pour avoir son diagnostique de TDAH que Marie-Ève s’est rendue compte « qu’il me ressemble un peu ». Dans la trentaine, elle est donc allée chercher un diagnostique à son tour. « Moi, j’étais la petite fille super sage, tranquille au fond de la classe. Mais je n’écoutais pas. Je regardais les feuilles tomber dehors », confie-t-elle.
Son diagnostique de TDAH lui a permis de mieux comprendre ses propres enjeux, de devenir plus productive et d’avoir une médication qui « a fait une grande différence ». Ça l’a aussi poussée à faire un changement de carrière et devenir illustratrice, révèle-t-elle. « Ça m’a permis de me relever les manches et d’avoir les bons outils pour faire la job de mes rêves. »
Saint-Hippolyte
Originaire de Saint-Eustache, Marie-Ève Turgeon a grandi dans les Basses-Laurentides. Elle habite à Saint-Hippolyte depuis 18 ans. « Le fait d’être enceinte m’a donné envie de vivre en nature avec mes enfants. Ils ont grandi dans la forêt, avec le lac pas loin. Le matin, la première chose que je fais, c’est de marcher 30 minutes en forêt avec le chien. C’est calme autour et apaisant », raconte l’illustratrice.