TikTok : Les tradwives pourraient-elles devenir populaires au Québec ?
Par France Poirier
Avez-vous vu sur TikTok le phénomène des jeunes femmes qui vivent comme dans les années 50 ? On les appelle les tradwives. Ce sont des femmes au foyer qui s’occupent de la maisonnée tout en étant au service de leur mari. On croirait qu’elles sortent tout droit d’un épisode de l’émission culte des années 50 Papa a raison.
Ce phénomène très américain, valorisé par des jeunes femmes et jeunes hommes influenceurs, pourrait-il franchir nos frontières ? On en parle avec Stéphane Chalifour, professeur de sociologie au Collège Lionel-Groulx. « Ce serait très étonnant. Ça prendrait de grands bouleversements pour convaincre de jeunes Québécoises d’adhérer à ces idées-là. Il n’y a pas d’études scientifiques, mais chez les générations montantes, on semble percevoir un rapport différent au travail. Ils ont vu les générations précédentes se défoncer au travail et ce n’est pas ce qu’ils veulent. Ils accordent plus d’importance à la famille, aux loisirs, sans pour autant revenir à des rôles traditionnels », nous explique le sociologue.
Les jeunes recherchent une stabilité
Sans que le discours des tradwives soit repris, on sent que les nouvelles générations recherchent une certaine stabilité, selon le professeur. « C’est peut-être ce rapport au travail qui peut faire circuler ces idées. Ils ont l’impression qu’on n’a pas fait assez de sacrifice pour conserver la famille. On sent qu’il y a une volonté de faire plus d’efforts pour sauver le couple. Ça ne veut pas dire qu’ils ne divorceront pas, mais ils sont plus conservateurs dans le bon sens du terme, sans pour autant que la femme revienne à la maison », ajoute-t-il.
Selon lui, ce serait étonnant de revenir en arrière parce qu’ils n’en ont pas les moyens. « Quand un 4 ½ coûte près de 2 000 $, la jeune femme ne peut pas rester à la maison avec un diplôme en poche. Les conditions économiques ne le permettent pas. Le modèle des tradwives n’est pas applicable aujourd’hui, alors qu’on n’est pas prêt de revoir l’économie de l’époque », souligne-t-il.
Réaction au wokisme
Pour Stéphane Chalifour, le mouvement Tradwives est en réaction notamment à la montée du wokisme. « Quand on entend aujourd’hui qu’il n’y
a plus d’hommes, qu’il n’y a plus de femmes. Qu’un homme peut accoucher, peut allaiter, on est dans la fluidité absolue des genres. Tout ça vient heurter des gens qui ont des conceptions aussi rigides, comme les conservateurs, qui utilisent les réseaux sociaux pour faire valoir leur point de vue », explique le sociologue.
Une mouvance plutôt américaine
Il y a toujours eu un fond conservateur aux États-Unis qui semble prendre de l’ampleur. « Très ancrés dans les racines protestantes, pentecôtiste et évangéliste, ce sont eux qui soutiennent Donald Trump. Ils sont de toutes les batailles notamment contre l’avortement. On les a vu s’élever contre le sexe avant le mariage. C’est un mouvement très mysogyne, anti-féministe qui voit une menace dans l’émancipation. Ils voient ça comme un recul », explique le sociologue.
Pour Stéphane Chalifour, c’est une chose que les femmes puissent choisir de rester à la maison, mais c’en est une autre de prôner des politiques pour contraindre les femmes à ne plus travailler. On revient loin en arrière alors que les femmes ne pouvaient pas penser divorcer parce qu’elles ne pouvaient pas vivre sans une autonomie financière. Choisir de rester à la maison, ça ne veut pas dire être soumise ?