De père en fille: « La Patate Bleue » de Shawbridge traverse les époques avec succès
Par Luc Robert
Ouvert en 1969, le restaurant mini-golf du secteur Shawbridge de Prévost a marqué plusieurs générations de clients. Citoyens et visiteurs y ont souvent fait un arrêt pour se restaurer et s’amuser, sur l’ancienne « route 11 », devenue la 117.
Tout d’abord locataire du local en 1978, Jean Paquette s’est décidé à acheter l’immeuble en 1982, tellement il appréciait l’expérience de servir une clientèle variée.
« J’étais cuisinier au Chantecler de Sainte-Adèle, au Toit de Chôme de Saint-Sauveur, à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, tout en me gardant un quart de travail de plus pour mon resto de Shawbridge. Les semaines de 80 heures ne m’effrayaient pas. Ma femme Pierrette m’épaulait pour la patate et le mini-putt. Ça a fait boule de neige : mon garçon Daniel a tenu ensuite les guides du commerce pendant 15 ans, et là, c’est ma fille Johanne qui a repris ça depuis trois ans. Elle excelle là-dedans et le commerce a repris du poil de la bête. Il y a même mon petit-fils Gabriel Plouffe, 21 ans, qui s’intéresse à la chose. Je pense qu’on sera bon pour une autre génération de gérance », a lancé tout de go M. Jean Paquette en souriant, toujours droit comme un chêne à 74 ans.
Coiffeuse connue dans la région, Johanne Paquette a décidé du jour au lendemain de reprendre la recette du commerce familiale. Elle prépare chaque matin la sauce qui a fait la renommée de leurs poutines maisons.
« J’ai décidé de changer de carrière sur un coup de tête. On ne savait pas trop ce qu’il adviendrait du resto quand mon frère a changé de vocation. J’ai décidé de sauter sur l’occasion, même si ça représente des heures impressionnantes. Avec mon conjoint Kevin Guay et les membres de la famille, on a la patate tatouée sur le cœur !», a scandé Johanne avec le fou rire.
Cette dernière, en prenant le contrôle des opérations, a décidé de retaper les lieux, étape par étape.
« C’est un commerce historique, quand on y pense. On a rénové graduellement la terrasse avant, puis le mini-golf et les tapis de surface de jeu, tout en y ajoutant une cabane dans un arbre. Maintenant, je veux m’attaquer à la terrasse avant, où se situait le stand à taxis dans mon enfance, sur la 117 vers le sud. Il y a aussi notre mur de la renommée, avec les photos des diverses époques, que je veux regarnir sur le côté nord. C’est un succes story que je veux entretenir et regarnir », a-t-elle ajouté fièrement.
À travers les époques
À la fin des années 1970, des jeunes joueurs de balles de clubs sportifs, comme les Dynamos et les Turbos de Lafontaine, se faisaient promettre par l’entraîneur Jean-Guy Perron un arrêt-bouffe sur le chemin du retour, Chez Paquette à Shawbridge, ou à un autre resto de Lafontaine, si la victoire était satisfaisante sur la route. Les défaites se faisaient rares…
« Des gens reviennent rencontrer mon père et se rappellent des souvenirs de l’époque, des parties de mini-golf après leurs joutes de ligue. Ça devenait la récompense des jeunes, soit une crème glacée, ou un trio au resto, jumelés à un 18 trous. On a toujours essayé de demeurer abordables dans nos prix, dont nous n’avons pas fait d’augmentation depuis 6 ans. Une partie de mini-golf à 5 $ (encore moins cher les mardis), une assiette et une liqueur à 10 $ lors des spéciaux à certaines heures, tu ne trouves plus ça à beaucoup d’endroits. Le resto, notre qualité de bouffe et notre rapidité ont fait notre succès. On compte jusqu’à 20 employés en haute saison estivale, et on s’arrange pour que tous aient le cœur à l’ouvrage. Si une période devient trop chargée et stressante, je commence à danser et à chanter dans la cuisine pour détendre l’atmosphère. Et ça fonctionne ! », a-t-elle ajouté.
Le paternel Jean Paquette tourne toujours aux alentours, même si lui et sa femme Pierrette ont réduit leurs activités avec le temps.
« Je ne suis pas sorteux : je suis né et j’ai grandi dans la première maison, tout juste derrière la station-service Esso d’en-face. J’ai acheté avec le temps d’autres maisons aux alentours. Ça m’occupe. Quand il y a des commissions à faire à la patate, ou encore du balai à passer, je relève mes manches et je reprends du service. J’ai la santé et je ne prends aucun médicament : aussi bien en profiter pour saluer le monde et former les employés. Les tâches n’ont pas changé tant que ça, c’est le service qu’on maintient. »
Déjà ouvert
Ouvert habituellement jusqu’à l’Halloween avant la pause hivernale, la réouverture du resto et mini-golf s’est officiellement produite le 4 avril dernier, au grand plaisir des clients inconditionnels.
« J’ai été attaquée par la maladie mangeuse de chair à la main et à un bras, tout comme une voisine à une jambe. Ça va mieux, mais disons que j’ai pris du retard dans l’ouverture 2025 et mes projets de réno. Les plus mordus de la place viennent ici depuis des décennies. Il y a des soirs d’été où ma mère et moi devions venir aider mon père à fermer la place après minuit. Il y a eu successivement les bars Le Secret, le B-52, le Up-North et autres établissements du quartier voisin qui fonctionnaient rondement. Les gens sortaient des bars et venaient soit prendre un cornet ou un hamburger. On ne voulait froisser personne en leur fermant ça au visage. Et nous comptons sur des employées loyales : Ginette Pilon et Line Blondin travaillent ici depuis 39 ans. C’est une belle gang, une grande famille, que nous élargissons dès les premières températures douces», a-t-elle achevé, entre trois coups de téléphones de fournisseurs qui se manifestent.