Penny Rose : Profiter du temps et de la musique
Par Ève Ménard
Penny Rose habite un véritable havre de paix, à Morin-Heights. Après avoir vécu une vie communautaire riche, axée sur la musique et les rencontres, cette demeure semble l’endroit idéal pour enfin se poser. Pourtant, celle qui est derrière le Rose’s Cantina, ce café qui a fait vibrer les amateurs de folk dans les années 70, n’est pas prête à s’arrêter. Aujourd’hui, elle travaille à l’organisation du SuperFolk avec son fondateur, Ian Kelly. La musique l’habite toujours. Penny Rose nous en parle avec beaucoup de gratitude et d’espoir pour l’avenir de la musique à Morin-Heights.
Découvrir le folk et Morin-Heights
Bien que la musique soit devenue une partie intégrante de sa vie, Penny Rose n’en a jamais réellement jouée. Pourtant, sa mère était une professeure de piano. « Le fait qu’elle soit professeure de piano m’a aidée à ne pas apprendre le piano », lance Penny en riant. Malgré tout, avec une mère qui joue d’un instrument, la musique est omniprésente dans l’enfance de Penny Rose, qui grandit à Toronto.
Toutefois, c’est lorsqu’elle débarque à Montréal qu’elle s’immisce véritablement dans l’univers musical de l’époque et l’apprécie. Elle vit alors tout près du Yellow Door, un café de musique folk situé dans le « Ghetto McGill ». Elle y rencontre une « tonne » de musiciens. « Il y avait beaucoup de musique folk dans le quartier », se souvient-t-elle.
À l’été 1972, Penny Rose quitte la ville avec Chris Rawlings et Bill Russell, aujourd’hui deux musiciens professionnels. Le trio décide de partir pour la campagne, sans destination particulière. Ils cherchent simplement un endroit où ils pourraient démarrer leur propre café. « Nous avons conduit partout », raconte Penny Rose. Puis, les freins défectueux de leur voiture les forcent à s’arrêter dans un petit village qu’ils ne connaissent pas : Morin-Heights. Juste en face du garage de Gordon, une vieille maison est à louer. « Nous avons vu cette maison de l’autre côté de la rue, au coin du village. On s’est dit voilà, c’est l’endroit parfait ».
L’ouverture du Rose’s Cantina
À peine une semaine après leur arrivée, le Rose’s Cantina ouvre ses portes à Morin-Heights. Tous les vendredis et les samedis, on y présente des spectacles. Plusieurs artistes ont franchi les portes du café et certains sont devenus célèbres : Jesse Winchester, Karen Young, Michael Browne, Colin Linden, Penny Lang et The Stephen Barry Band, entre autres. Il s’agissait du seul café de musique folk des Laurentides. Depuis le milieu des années 70, le Rose’s Cantina organise aussi le weekend annuel « Showdown », un festival de musique en plein air.
La maison contient également cinq chambres. Les gens viennent y passer quelques semaines, puis repartent, et sont remplacés par de nouveaux venus. C’est ça aussi, l’essence de la Cantina : c’était un mode de vie très communautaire, révèle Penny Rose. « Beaucoup de gens vivaient dans la maison et déménageaient. Des musiciens venaient aussi. La maison était très animée. Nous avions une politique de portes ouvertes : les gens pouvaient venir prendre un café pendant la journée. Nous avions établi des règles : si vous veniez prendre un café, vous deviez le faire et vous occuper de votre vaisselle ensuite. Nous partagions aussi les frais de fonctionnement de la maison, comme l’électricité, le loyer, l’assurance, etc ».
Une communauté musicale en devenir
Au départ, la communauté de Morin-Heights est quelque peu réticente vis-à-vis ces nouveaux arrivants. « Ils ne savaient pas vraiment qui nous étions, pourquoi nous étions ici et ce que nous étions. Nous étions des hippies, nous ne travaillions pas. Ils ne comprenaient pas cela », se rappelle Penny Rose. Mais tranquillement, un lien de confiance s’est tissé avec la communauté. Lorsqu’elle réalise que ce projet ne lui rapporte pas d’argent, Penny Rose se met à travailler. Elle commence alors à nettoyer des maisons et à jardiner pour les gens. « C’est ce qui m’a permis de m’intégrer dans la communauté », souligne-t-elle. La semaine, Penny Rose travaille. Et les fins de semaine, elle s’occupe du café folk.
Au début des années 70, ce n’est que les balbutiements de la musique à Morin-Heights. Quelques temps après l’ouverture du Rose’s Cantina, le Studio d’André Perry est inauguré et accueille des grands noms de la musique. Puis le bar Commons, qui présente des spectacles live, atteint un sommet dans les années 80 et 90. « Tout à Morin-Heights était de la musique ».
« Les gens aiment jouer ici »
Le Rose’s Cantina a fermé ses portes en 1978, après plus de six ans d’activité. Les raisons de la fermeture étaient multiples. Notamment, la scène musicale évoluait rapidement. « Le disco arrivait et c’était impossible de rivaliser », explique Penny Rose, qui avait environ 25 ans lorsque l’aventure a débuté. Ça s’est terminé au début de sa trentaine. « C’était une chose très amusante à faire à cet âge, je suis heureuse d’avoir pu le vivre », dit-elle. L’objectif de tout ça, c’était surtout d’avoir du fun, affirme Penny Rose. « Je voulais profiter du temps ».
Elle se souvient surtout de ses rencontres. « Lorsque je rencontre un musicien talentueux, je suis émerveillée de le voir jouer. J’ai rencontré des gens extraordinaires qui sont aujourd’hui très connus. Beaucoup de gens talentueux sont passés par là et ont fait carrière dans la musique. Il m’arrive encore de les recevoir. Les gens aiment jouer ici. »
L’héritage renait et évolue
Après le Rose’s Cantina, Penny Rose est toujours demeurée active dans la scène musicale de Morin-Heights. Elle est particulièrement reconnaissante de pouvoir travailler à l’organisation du SuperFolk, qui aura lieu du 18 au 20 août prochains. « Travailler au Superfolk a comblé tous les vides que j’avais. C’est un festival tellement merveilleux. C’est exactement ce que j’aurais voulu, c’est tout simplement parfait », se réjouit-elle.
Le 18 juin dernier, dans le cadre des dimanches SuperFolk, Jason Bajada était en concert au parc Basler. « Nous avions probablement 150 personnes et cela m’a ramené à l’époque de la Cantina », confie Penny Rose. « C’est exactement ce que nous voulions : un public avec la mère, le père, le chien, les enfants, tout le monde est là, les enfants courent partout et la musique joue. »
Penny Rose n’est pas nostalgique du passé. Au contraire, elle a hâte de voir ce que l’avenir réserve à Morin-Heights, en musique. Elle a énormément confiance en la nouvelle génération d’artistes. « Les jeunes musiciens sont si enthousiastes. Ils veulent jouer de la musique et le font intelligemment, ils réfléchissent vraiment à ce qu’ils veulent dire. Ce n’est pas que la musique avait totalement disparue de Morin-Heights. Elle s’était en quelque sorte estompée. Mais aujourd’hui, ça revient. »