Mobilité active : Difficile pour le vélo dans les Pays-d’en-Haut
Par Simon Cordeau
Saviez-vous qu’il y a un trajet cyclable, Vélocité, qui lie les parcs linéaires du P’tit Train du Nord et du Corridor aérobique ? En partant de la gare de Piedmont, vous suivez le chemin de la Gare, qui devient la rue Principale à Saint-Sauveur. Puis vous tournez sur l’avenue de l’Église, qui devient le chemin du Village à Morin-Heights. À l’intersection avec la route 364, vous traversez un petit pont de métal, puis vous arrivez à la gare de Morin-Heights. Le tout ne fait que 11 km, mais demande beaucoup d’expérience, et de prudence, pour arriver en sécurité. Reportage sur place.
Monter et descendre
D’abord, le trajet est assez exigeant physiquement. Tant le P’tit Train que le Corridor suivent l’emprise d’anciens chemins de fer. Leurs pentes sont donc douces et régulières, à quelques exceptions près. Mais sur Vélocité, on suit plutôt la topographie vallonée et parfois abrupte des Laurentides.
je commence à la gare de Piedmont. Celle-ci est dans un creux, près de la rivière du Nord. Pour se rendre jusqu’à la route 117, il faut déjà monter une bonne pente. Mais ensuite, la côte de la route 117 jusqu’au pont qui survole l’autoroute 15 est beaucoup trop à pic pour un cycliste. Surtout si, comme moi, c’est la première fois de l’année que vous sortez votre vélo. Même en la montant à pied sur le trottoir, à côté de mon vélo, c’est difficile et essoufflant.
Alternativement, pour traverser le mont Belvédère, vous pourriez vous rendre près de l’hôtel de ville de Piedmont et passer par le chemin du Bois ou le chemin Beaulne. Le dénivelé est à peu près le même, mais comme ce sont des rues résidentielles, la circulation y est moins dense.
Le reste du trajet compte quelques autres pentes. Elles sont plus raisonnables, mais demandent quand même un effort notable et soutenu par moments. Surtout que sur mon vélo, les vitesses ne fonctionnent pas bien : impossible d’accéder aux plus petites pour aider dans les pentes. Mes freins, aussi, sont un peu usés. Normalement, ce n’est pas un problème, mais ici… Bref, le trajet n’est pas idéal pour les cyclistes du dimanche comme moi.
Manque d’infrastructures
La Ville de Saint-Sauveur a récemment adopté son premier Plan de mobilité active. On y apprend que seulement 10 % des cyclistes sont satisfaits de la sécurité lorsqu’ils se déplacent à vélo. « Ce n’est pas parce qu’on a des infrastructures dangereuses ou inadéquates. C’est qu’on n’en a pas », admet sans réserve le directeur général, Jean-Philippe Gadbois. « C’est une ville qui s’est construite et développée autour de la voiture. D’où le souhait du conseil de se doter d’un Plan de mobilité active. »
Ce plan prévoit donc l’ajout de points d’eau, de lieux de repos et d’espaces pour stationner son vélo sécuritairement, entre autres. « C’est beaucoup plus que juste la piste cyclable proprement dite. Ce sont toutes les infrastructures qui vont autour. Dans chaque section du plan, il y a des actions pour les cyclistes », explique M. Gadbois.
D’ailleurs Vélocité est, dans les faits, bien peu de choses. C’est une bande cyclable, avec des lignes et/ou des symboles de vélo peints au sol, et quelques panneaux qui indiquent aux automobilistes la présence de vélos. Mais lors de mon passage, la peinture au sol est presque entièrement effacée sur la majorité du trajet.
« Le traçage au sol est fait très tard. On préférerait que ce soit plus tôt », confie M. Gadbois. Les municipalités dépendent d’entrepreneurs pour faire le traçage. Ceux-ci sont donc très sollicités à ce temps-ci de l’année. Aussi, le balayage doit être terminé, et la température doit être adéquate : ni trop humide, ni trop ensoleillée. « On pense souvent à peut-être devenir autonome et faire notre propre lignage. Il y a déjà eu des pourparlers avec des villes voisines, peut-être pour se doter d’un équipement collectif », avance le directeur général.
Sur Vélocité, on circule donc sur un accotement plus ou moins large. Selon Tim Watchorn, maire de Morin-Heights, c’est « mieux que rien. […] Mais ce n’est pas assez. Il y a de l’ouvrage à faire ». Au village de Saint-Sauveur, il n’y a même pas de bande : on doit rouler dans la voie des autos, à gauche des voitures stationnées. À certains endroits, le nettoyage printanier n’est pas terminé (comme à Piedmont) et il y a beaucoup de garnotte. Et comme la chaussée comporte aussi des crevasses, des trous et des bouches d’égout qui dépassent, il faut demeurer constamment vigilant. C’est encore plus vrai aux intersections. À la route 117, vous avez 40 secondes pour traverser. Mais attention ! Après seulement 6 secondes, les feux changent au vert pour les automobilistes ! Cela dit, l’intersection avec la route 364, à Morin-Heights, est plus généreuse et permet de traverser plus sereinement.
Cohabiter
Tout le long du trajet, la circulation automobile est constante, même si c’est un lundi soir. Je n’imagine pas un samedi après-midi ! Même si je reste prudent et que la plupart des conducteurs croisés sont respectueux, j’ai tout de même troqué le chant des oiseaux pour le ronronnement des moteurs. « C’est de la cohabitation avec les voitures », illustre M. Gadbois.
Toutefois, le trajet me permet de découvrir un nouveau coin de ma région, et de la voir sous un autre angle. Il y a quelques vues impressionnantes, en chemin, sur les montagnes environnantes et la rivière à Simon.
Mais avec des enfants, ce serait carrément imprudent. Lorsque je passe l’intersection avec le Rang 2, impossible de ne pas penser à l’accident grave qui a eu lieu deux semaines plus tôt. Une jeune fille sur un scooter s’est fait happer par un camion. Sur ce segment du chemin du Village, la limite de vitesse est de 50 km/h et il y a même quelques détecteurs de vitesse. Et pourtant, je me suis fait dépasser par un chauffeur qui roulait un peu vite : il a déclenché le voyant rouge du détecteur de vitesse. Il était pressé, semble-t-il, de se rendre à la case postale… quelques mètres plus loin.
Pour que les cyclistes soient vraiment en sécurité, il faudrait « de réels aménagements », croit M. Gadbois, comme des bollards ou une bordure de béton pour délimiter la voie cyclable. « Mais ce n’est pas tout le monde qui accepte d’avoir une piste cyclable devant chez soi. Il y a une question d’acceptabilité sociale. Et ça ajoute des défis pour l’entretien. Il y a beaucoup d’enjeux », admet le directeur général.
À Morin-Heights, « on commence à penser à connecter les quartiers », explique M. Watchorn. Le problème, c’est que les rues ne sont pas très larges, ce qui laisse peu de place pour les cyclistes. L’accotement de la route 329, qui descend jusqu’à Lachute, a été élargi et repavé par le MTQ il y a 2 ans, explique le maire. Mais il y a un petit bout sinueux, à l’entrée du village, qui est plus dangereux. « On regarde l’option de passer par le parc Basler, avec un lien par le lac Lawken et le domaine Allen Falls. » Cela permettrait de contourner ce passage. Morin-Heights ajoutera aussi une halte cycliste, sur le chemin du Village à mi-chemin avec Saint-Sauveur, dans les deux prochaines années.
Conseils de base pour une randonnée à vélo
- Portez toujours un casque;
- Amenez une bouteille d’eau;
- Soyez visibles et prévisibles. Aux intersections, assurez-vous d’avoir un contact visuel avec les automobilistes avant de traverser;
- Ne circulez pas sur les trottoirs. En plus d’être interdit, c’est dangereux tant pour les piétons que pour vous.