Littératie : 54 % des Laurentiens ne comprennent pas un texte complexe
Par Simon Cordeau
La Fondation pour l’alphabétisation a publié de nouvelles données sur le niveau de littératie au Québec. En 2021, 51,6 % des Québécois ne comprenaient pas un texte long et complexe. Dans les Laurentides, ils sont 54 %. Cependant, le niveau s’est amélioré partout au Québec par rapport à 2016. Les données publiées soulèvent toutefois des questions sur la vitalité économique des régions et les impacts de la pénurie de main-d’oeuvre et du vieillissement de la population. Analyse avec Pierre Langlois, économiste et auteur de l’étude.
Pour l’étude, 6 000 Québécois ont passé le Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA), un teste standardisé qui évalue leur niveau de littératie. Un peu plus de la moitié n’atteignent pas le niveau 3, seuil où « on est en mesure de comprendre des textes plus longs, avec un vocabulaire plus riche et une syntaxe plus compliquée », explique M. Langlois. « C’est le niveau entre la fin du secondaire et le début du collégial, où on devient un bon lecteur », illustre l’économiste.
Les régions en retard
La proportion des Québécois qui n’atteignent pas le niveau 3 est passée de 55,5 % en 2011, à 53 % en 2016, et maintenant à 51,6 % en 2021. L’agglomération de Montréal arrive première, à 46,3 %, et le Nord-du-Québec arrive dernière, avec 64,1 %. Les Laurentides, quant à elles, sont au-dessus de la moyenne québécoise, avec 54 %. Cependant, le profil de littératie varie significativement d’une MRC à l’autre.
Dans la MRC de La Rivière-du-Nord, ceux qui n’atteignent pas le niveau 3 sont passés de 57,3 % (2016) à 56,1 % (2021). Pourtant, l’étude indique que la présence d’un pôle universitaire devrait augmenter le taux de littératie. Avec le campus de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) et le Cégep de Saint-Jérôme dans la MRC, comment expliquer ce retard? M. Langlois précise que le cas de Saint-Jérôme n’est pas unique.
« Il y a d’autres villes, comme Joliette, Sorel et Shawinigan, qui ont la présence d’une université mais où l’amélioration est minime. Mais ce sont des villes au passé industriel et avec une population plus âgée », illustre l’économiste. Il rappelle qu’au milieu des années 1960, un Québécois sur deux n’avait un diplôme ni du secondaire, ni même du primaire. « Le tissu urbain de Saint-Jérôme se transforme, mais le noyau est plus âgé. »
Dans la MRC des Pays-d’en-Haut, c’est un phénomène différent qui explique les données. La MRC est en-dessous de la moyenne québécoise, avec seulement 50,3 % de la population qui n’atteignait pas le niveau en 2016, et 49,7 % en 2021. « Il y a une accélération du vieillissement de la population dans la MRC. Mais c’est dû aux retraités qui s’installent dans la région. Ils arrivent avec certains moyens financiers. Ils font aussi augmenter la part de diplômés universitaires », détaille M. Langlois.
Un clivage qui grandit
Ce qui ressort le plus de l’étude, selon l’économiste, c’est l’écart grandissant entre les régions et l’agglomération de Montréal. La littératie augmente partout, mais elle augmente plus vite dans les grands centres urbains. « C’est un clivage en matière économique qui peut être inquiétant. C’est le symptôme d’une certaine dévitalisation économique. »
Certaines MRC ont une main-d’oeuvre moins diplômée, dû à leur développement industriel, continue M. Langlois « Il y a une attraction, pour les garçons. Ils peuvent aller chercher une expérience. Le salaire est élevé à l’entrée et ça les pousse à quitter prématurément les bancs d’école. » Avec la pénurie de main-d’oeuvre, ce phénomène s’accélère. Toutefois, lorsque vient le temps de mettre à niveau cette main-d’oeuvre ou de la requalifier pour un nouveau domaine, « la marche est plus haute ». À long terme, la région peut donc devenir moins compétitive.
« Dans les lignes de solution, c’est sûr qu’il a la lutte au décrochage scolaire. Et notre priorité doit être les garçons en région », souligne l’économiste. Le taux de diplomation des garçons est de 8 à 12 % plus bas que celui des filles. « Et c’est sur 7 ans : ça inclut les efforts de raccrochage », ajoute M. Langlois.