Les Cheminots : Former des étudiants avant des athlètes
Par Simon Cordeau
Il faut travailler fort pour faire partie des Cheminots du Cégep de Saint-Jérôme et pour rester dans leurs équipes sportives. Et pourtant, tout est mis en place pour faciliter leur réussite scolaire et encourager leur persévérance, indique Jacinthe Éthier Proulx, conseillère à la vie étudiante du Service des activités sportives et communautaires, au Cégep de Saint-Jérôme.
Ainsi, que ce soit pour les équipes de basketball, de cheerleading, de cross-country, de hockey, de natation, de soccer ou de volleyball, la vaste majorité des étudiants-athlètes restent avec les Cheminots durant toutes leurs études collégiales. Et c’est en grande partie parce qu’ils sont d’abord des étudiants avant d’être des athlètes, souligne Mme Éthier Proulx.
Horaire chargé
Au Cégep de Saint-Jérôme, faire partie des Cheminots s’ajoute au programme d’études : c’est-à-dire que l’engagement sportif ne remplace pas des cours, contrairement au sport-études au secondaire, par exemple. Ainsi, les étudiants-athlètes ont « un horaire de premier ministre », indique la conseillère à la vie étudiante.
« La majorité des équipes n’ont pas le choix de faire leur entraînement en soirée. Elles vont s’entraîner deux à trois fois par semaine. À ça s’ajoutent un à deux entraînements de conditionnement physique ou de pliométrie. » La pliométrie, au lieu d’utiliser des poids, utilise le corps et mise sur la rapidité des mouvements, afin de travailler davantage l’agilité, explique Mme Éthier Proulx. Aussi, ces entraînements sont faits avec des kinésiologues.
Bien sûr, les équipes jouent également « un match presque une fin de semaine sur deux », en plus « d’un tournoi par mois ou deux ». Certains sports ont aussi une saison très écourtée, comme le cross-country qui se fait de septembre à début novembre, ou le soccer extérieur, d’août à début novembre. Cela concentre l’intensité du sport sur une courte période.
Faciliter la persévérance
Cet horaire chargé et exigeant s’ajoute donc au programme d’études collégiales, qui peut être un défi en soi. D’ailleurs, les étudiants-athlètes doivent répondre à des exigences scolaires pour rester dans l’équipe. « Ils doivent passer un minimum de trois cours à la session d’automne pour continuer à l’hiver. » Environ 95 % y parviennent. « Sur une année, ils doivent compléter huit cours pour poursuivre l’année suivante. » Dans ce cas, autour de 80 à 85 % répondent à cette exigence.
Mais il y a une décennie, plus de 65 % des étudiants du programme avaient beaucoup de difficultés durant la première session, voire la première année. « Donc on a décidé de mettre la barre plus haute, mais d’encadrer très vite », illustre Mme Éthier Proulx.
Pour assurer cette réussite scolaire, le cégep offre donc plusieurs formes de soutien aux étudiants-athlètes. « On exige qu’ils soient en période d’étude supervisée de 2 heures par semaine minimum si leur moyenne au secondaire est inférieure à 80 %, ou si l’étudiant vient d’une session collégiale inférieure à 70 %. »
S’ils ont des problèmes académiques, financiers, psychologiques ou d’orientation, ils ont un accès plus facile à des ressources. « Ça peut être complexe d’avoir des rendez-vous pour les différentes ressources. Mais en faisant partie des Cheminots, il y a une seule porte d’entrée. Donc c’est un stress de moins », illustre la conseillère à la vie étudiante.
On valide aussi le présentéisme de l’étudiant et on fait un tour global de ses notes. Si un cours est en voie d’échec, on lui propose des stratégies, comme rencontrer le professeur ou demander du tutorat.
Travail d’équipe
L’équipe sportive est également, en elle-même, une source de soutien. Si un étudiant-athlète a des difficultés, par exemple, il peut être lié à un autre athlète Cheminot qui fera du tutorat par les pairs.
« Le [ou la] capitaine de l’équipe va aussi devenir un peu le mentor des nouveaux étudiants. Quand il est nommé, c’est parce qu’il a des bonnes notes et du talent sportif. Donc il est vu comme une personne de référence. » Le capitaine connait aussi le pouls de l’équipe et les types de personnalités qui la compose. « Toutes nos équipes n’ont pas le même genre d’athlètes, ni la même réalité dans chaque sport. »
Il développe donc un sentiment d’appartenance et une solidarité qui aident grandement la persévérance et la diplomation des membres de l’équipe. Cela permet aussi un suivi serré des étudiants-athlètes, avec des rétroactions pour « s’assurer que l’étudiant va bien et que le support fonctionne ».
Surtout, les athlètes sont avant tout traités comme des étudiants, et non l’inverse, répète Mme Éthier Proulx. « Partout, ce sont des étudiants-athlètes. Pour nous, c’est essentiel de trouver toutes les ressources pour obtenir un diplôme. C’est la philosophie qui est enseignée auprès des entraîneurs, et ceux-ci sont très engagés dans la persévérance scolaire. »
Inspirer
Pour les efforts qu’ils mettent dans leur sport, leurs études et la gestion du temps nécessaire pour arrimer les deux, les étudiants-athlètes obtiennent pour chaque session la mention DEC + ULTRA sur leur relevé de notes. « Pour certaines universités, c’est vu comme incroyable et ça dénote un engagement. Ils ont jonglé avec une réalité difficile et il y a une belle fierté d’avoir cette mention-là », explique Mme Éthier Proulx. Certains sont d’ailleurs recrutés dans des équipes universitaires.
Aussi, les entraîneurs des Cheminots sont « presque tous » d’anciens Cheminots eux-mêmes. En plus d’entraîner au cégep, ils sont nombreux à entraîner dans les écoles secondaires. Ils deviennent ainsi des modèles pour les jeunes et peuvent les inspirer à suivre leur chemin, indique Mme Éthier Proulx.
En 2011, l’équipe de football masculine division 3 des Cheminots avait été créée « dans le but avoué de favoriser la persévérance scolaire chez les jeunes garçons », peut-on lire dans un communiqué du cégep. Toutefois, le programme a pris fin en 2020, dû à une baisse du nombre de joueurs de calibre compétitif, et de l’engagement et de la persévérance des étudiants-athlètes.