La voix d’Alegria : Francesca Gagnon chante sa carrière
Par Simon Cordeau
La chanteuse Francesca Gagnon sera au Théâtre Le Patriote de Sainte-Agathe-des-Monts le 6 septembre pour présenter La voix d’Alegria. Accompagnée au piano par René Dupéré et de musiciens jazz, elle retracera son parcours musical de plus de 50 ans dans un spectacle de deux heures.
« L’année dernière, j’ai donné un spectacle avec un quatuor pour la sortie de l’album Une musique aux étoiles. Mais on s’est rendu compte que c’était très concert. Et je pense que le monde a envie d’entendre de la musique un peu plus festive. Donc j’ai décidé de complètement changer le spectacle », explique la résidente de Wentworth-Nord en entrevue.
Dans les salles de danse
Originaire de Jonquière, Francesca Gagnon a commencé à chanter à 15 ans. « C’était dans les salles de danse. Il y en avait beaucoup. On les fréquentait souvent parce que ma mère faisait de la danse latine. On avait aussi un professeur de danse. À la maison, on entendait beaucoup de musique latine, de tango, de foxtrot et toutes ces danses-là », raconte-t-elle.
Un jour, sa mère entend à la radio qu’un orchestre se cherche une chanteuse, et décide de téléphoner. « Je ne sais ben pas quelle audace elle a eu ! Et elle m’a amenée auditionner le soir même. Je connaissais toutes les chansons de la radio. Et je jouais ça au piano. » Les musiciens tombent sous le charme et décident de la prendre. « Ç’a été mes débuts. »
Avec le temps, la jeune chanteuse parvient à se faire connaître. « J’avais des succès dont Nuit magique avec toi, qui était #1. C’est un album que j’ai fait en 1986. Et avant, j’avais fait une autre chanson que je vais garder en surprise. Je vais demander aux gens s’ils la reconnaissent. Mais ç’avait fait un hit monumental pendant un an dans les palmarès. »
Le succès d’Alegria
En 1987, Mme Gagnon part vivre en France, où elle restera jusqu’à la mort de son père, en 1993. « Je suis revenue au Québec. Sinon, je ne serais jamais revenue. J’étais établie là-bas. » À son retour, elle devient « la voix d’Alegria », le spectacle du Cirque du soleil dont la musique a beaucoup tourné à la radio. « Mais les gens m’avaient oubliée. Ils n’ont pas fait le lien entre la chanteuse de l’époque et celle d’Alegria », raconte-t-elle.
Alegria devient un succès mondial. « J’avais demandé des vrais textes. Donc je chante en espagnol, en italien et un petit bout en français. Ç’a rendu les chansons plus commerciales. […] Querer, qui est sur l’album, a été #1 en Argentine, pour les danseurs de tango », se souvient la chanteuse.
Elle chantera également pour le prince Charles. Elle se souvient du protocole strict qui entourait cette rencontre royale. « Il m’a dit, avec toute l’élégance qu’on lui connait : « Une très grande voix pour une si petite dame ! » [Rires] »
Faire le tour du monde
En 1999, Francesca Gagnon fait l’album Au-delà des couleurs, qui a encore du succès aujourd’hui, assure-t-elle. Récemment, elle a publié sur YouTube le vidéoclip de Je voudrais bien, qui apparaît sur l’album. En seulement trois mois, elle a déjà accumulé plus de 115 000 vues, ce qui a surpris la chanteuse. « Je vais refaire cette chanson-là sur scène. »
La chanteuse travaillera aussi au Chili, avec le groupe Inti-Illimani. « Ils ont fait une cinquantaine d’albums et des tournées en Europe et partout. Donc j’ai fait une tournée avec eux sur deux ans, en 2009 et 2010. J’ai aussi fait un album avec eux [Meridiano]. »
La souffrance et l’espoir
L’artiste confie qu’elle a vécu plusieurs épreuves dans sa vie, comme une enfance difficile, mais aussi un grand incendie dans lequel elle a tout perdu. « Mais je me relève. Je me dis que c’est ça la vie. Et ça me rend forte. […] J’écris mes chansons depuis plusieurs années. Et pour moi, il faut qu’il y ait de l’espoir, de la lumière. C’est très important de parler de choses positives, et je me nourris de ça. »
D’ailleurs, elle voit son art comme quelque chose de thérapeutique. « Personnellement, ça m’a sauvé la vie. C’est la meilleure chose que j’aurais pu faire : chanter. À cette période-là, à 15 ans, mes parents se sont séparés et c’était très difficile. »
En chantant ses peines, Mme Gagnon faisait aussi pleurer les gens. Au début, ça la rendait « mal à l’aise », admet-elle. Puis elle a compris qu’elle leur permettait de faire sortir leurs émotions. Par exemple, dans son album Hybride, sorti en 2005, des morceaux sont chantés dans une langue inventée. « La voix est un instrument de musique. Peu importe si tu comprends les paroles ou pas, si la personne transmet de l’émotion, tu vas la sentir », illustre-t-elle.
Mais la musique de Francesca Gagnon a aussi un côté festif et latin, voire « tribal », ajoute-t-elle. « Quand je travaillais avec les Chiliens, c’était toujours très rythmé. Mais à travers le rythme, tu as des mélodies très lancinantes. Donc ça passe mieux. Tu peux transmettre quelque chose de douloureux, mais tu as quand même un rythme qui invite à la danse. »
Retrouver Dupéré
Pour son dernier album, Une musique aux étoiles, Mme Gagnon a collaboré avec René Dupéré, compositeur pour le Cirque du soleil, entre autres. Durant le spectacle, il l’accompagnera au piano. « On a fait l’album Alegria en 1994, mais après ça, on ne s’était pas revus. En 2012, on s’est retrouvés. Il est à Sainte-Agathe, et il m’avait appelé pour un spectacle bénéfice. Ç’a été comme des retrouvailles. On avait monté quelques chansons ensemble, et les gens avaient tellement aimé ça. » Ensemble, ils réinterprètent les grandes chansons françaises et sortent l’album Chante-moi une histoire en 2015.
Durant le spectacle, la chanteuse promet aussi plusieurs petites surprises. « J’ai une invitée qui est ma soeur, Joyce. On fait un medley québécois, avec des chansons de Jean-Pierre Ferland là-dedans. » Elle mentionne aussi l’influence que Janis Joplin a eu sur sa musique, et de qui elle fera également un medley. Elle parle aussi avec amour du rhythm and blues et d’Aretha Franklin.
S’inspirer du Nord
Après Alegria, Mme Gagnon comptait repartir en France. « Mais je suis tombée amoureuse. C’était un Québécois qui venait de la Gaspésie. Ça fait 28 ans qu’on est ensemble et on est toujours aussi amoureux : les yeux pétillants tout le temps. »
Après l’incendie, elle a aussi hésité à retourner en France, mais elle a finalement décidé de rester ici. « On vit vraiment dans un des plus beaux pays, et le Québec en particulier. C’est tant au niveau de la création que de l’espace. On a besoin de tout ça. »
C’est en travaillant avec M. Dupéré à Sainte-Agathe-des-Monts qu’elle a découvert les Laurentides et qu’elle a décidé de s’y installer. « C’était l’automne et je voyais les couleurs. […] Ce sont des petits villages et on a de la chance. On s’est trouvé un petit chalet à Wentworth-Nord. Il est en train de grandir. Je voulais une petite verrière, puis une plus grande. [Rires] »
Elle parle aussi avec fascination des arbres enneigés l’hiver, qui bordent les petits chemins pour se rendre chez elle. « C’est ça qui me nourrit et qui m’aide à écrire. »