La forêt, notre premier garde-manger
Par Ève Ménard
Nos forêts et même nos gazons regorgent de plantes comestibles qui peuvent bonifier – voire constituer – nos repas. Ariane Paré-Le Gal, copropriétaire de l’entreprise Gourmet Sauvage, souhaite qu’on regagne confiance en la cueillette sauvage, qui favorise une alimentation nutritive, écoresponsable et locale.
Se reconnecter au territoire
Jeune, Ariane apprend déjà à se nourrir du terroir. En camping ou au chalet, son père l’amène avec lui dans la forêt. « On cueillait ici et là des choses qui venaient compléter notre repas ou qui le composaient carrément. J’ai grandi en pensant que c’était normal d’avoir des patates en chapelet dans l’assiette et d’avoir des petits fruits plutôt que des bananes dans ma boîte à lunch », se rappelle celle qui a maintenant repris les rênes de l’entreprise fondée par son père il y a 31 ans.
Or, cette connaissance du territoire s’est perdue au fil des générations. On a plutôt appris à craindre la forêt et la cueillette. « On s’est tellement fait dire que c’est dangereux, qu’on pourrait s’empoisonner et qu’il fallait faire attention », remarque Ariane Paré-Le Gal. Pourtant, la forêt, c’est notre « maison originelle » et « notre premier garde-manger », rappelle la cueilleuse.
Se faire une salade à même sa pelouse
Il existe des dizaines et des dizaines de plantes comestibles dans les Laurentides. Seulement dans notre pelouse, on en retrouve une trentaine. Ariane Paré-Le Gal donne l’exemple de la feuille de violette, qui « n’est pas très gouteuse, mais qui donne beaucoup de volume dans une salade ». Il y a aussi l’orpin, qui est « croquant et bien juteux ».
Tous les conifères sont également comestibles, sauf l’if du Canada, précise la copropriétaire de Gourmet Sauvage. Avec du pin, de l’épinette ou encore du sapin, on peut créer des vinaigres ou des miels aromatisés. On peut aussi utiliser de la poudre d’épinette dans un gâteau ou pour assaisonner de la viande.
Pour une alimentation plus nutritive
Non seulement les plantes sont-elles comestibles, mais plusieurs d’entre elles sont aussi beaucoup plus nutritives que ce que l’on retrouve dans notre alimentation régulière. « Lorsqu’on achète au supermarché, les variétés ont été sélectionnées pour être plus facilement transportables, pour avoir une durée de vie en tablette ou pour mûrir en même temps. Mais ça s’est fait beaucoup au détriment de la valeur nutritive des aliments », déplore la cueilleuse. « La tomate a perdu 70 % de sa valeur nutritive depuis les années 1960. Imaginez tout ce qu’on a perdu dans notre alimentation depuis le temps qu’on mangeait en forêt », ajoute-t-elle.
Manger à partir de ce qu’on cueille dans son environnement n’a pas besoin de mobiliser trop de temps ou d’énergie. « Laisser pousser les pissenlits sur son gazon et l’intégrer dans sa salade à tous les jours, ce n’est pas beaucoup de travail. Et c’est un grand facteur de changement au niveau de la santé », indique Ariane Paré-Le Gal.
La cueillette comme prétexte
Il arrive que des gens émettent des doutes concernant la cueillette. Ils se demandent si on ne devrait pas laisser la forêt tranquille. Ariane Paré-Le Gal n’est pas de cet avis. Au contraire, elle croit que la cueillette permet aux personnes qui la pratiquent de devenir plus conscients de leur environnement et sensibles à celui-ci.
« Il ne faut pas laisser la forêt tranquille, parce que si on s’en coupe, on n’est pas capable de la comprendre. Les gens qui sont éduqués à la cueillette sont des gardiens de la forêt. Ils ont appris à la connaître, à l’aimer, et donc, à la protéger. Mais quelqu’un qui débarque de la ville et qui a grandi sur le béton, s’il regarde un terrain, ça ne le dérangera pas si un nouveau condo se construit, puisqu’il n’a pas de relation au territoire. La relation au territoire, il faut la créer à partir de quelque chose. La cueillette, c’est un très beau point de départ », conclut la cueilleuse.
Recette: Trempette de chou gras
- 1 tasse de yogourt grec gras
- 2 gousses d’ail émincées
- ¼ de c à thé de paprika
- 1/4 c de à thé de sumac d’ici
- 4 tasses de feuilles fraîches de chou gras
- huile d’olive
- sel (ou les herbes salées que vous avez faites)
Faire chauffer un peu d’huile et revenir l’ail dans la poêle 2 minutes puis ajouter le paprika, saler. Réserver. Faire cuire les feuilles de chou gras à la vapeur, réserver et laisser refroidir. Les hacher finement. Mélanger le yogourt, des herbes salées au goût, puis le chou gras. Étaler dans une assiette, ajouter la garniture d’ail au paprika et des fraîcheurs fleuries en décoration. Servir avec les pitas ou des craquelins.
Source: Ariane Paré-Le Gal, Gourmet Sauvage
Pour aller plus loin
Gourmet Sauvage offre une centaine de produits sauvages cueillis à la main dans toutes les régions du Québec et transformés de façon artisanale dans les Laurentides. On y retrouve de la moutarde aux champignons sauvages, de la configure de mûres sauvages, du sirop de sapin artisanal, une salsa sauvage aux asclépiades, etc. Pour sa familiariser à la cueillette sauvage responsable, l’entreprise offre également des ateliers, de mai à septembre. Ceux-ci sont déjà complets. Le calendrier sort habituellement au mois de février.
Parmi les livres de références, on retrouve Forêt : Identifier, cueillir, cuisiner. Co-écrit par Ariane Paré-Le Gal et son père, Gérald Le Gal, ce guide permet d’identifier et de découvrir tous les trésors de notre terroir sauvage. Il contient également de nombreuses recettes pour bien apprêter ses trouvailles. Le livre Cueillir la forêt est pour sa part un complément compact conçu pour accompagner le lecteur sur le terrain. Il propose plus de 100 fiches détaillées et plus de 300 photographies de plantes sauvages à différentes étapes de leur croissance afin de faciliter l’identification et la cueillette.