(Photo : Société d'histoire de Sainte-Marguertie-du-Lac-Masson et d'Estérel)

Émile Cochand : père du ski dans les Laurentides

Par Simon Cordeau

Le ski fait partie intégrante de l’identité, de l’histoire et de l’économie des Laurentides. Et tout ça, en grande partie grâce à un Suisse : Émile Cochand. En 1911, il s’installe au Laurentide Inn de Sainte-Agathe et devient le premier instructeur professionnel de ski au Canada.

« C’est le Montreal Ski Club qui lui demande de donner des cours », raconte Nancy Belhumeur, conservatrice du Musée du ski des Laurentides. « Il arrive ici avec 100 paires de ski, 6 bobsleighs et 20 luges. » Il amène ainsi, littéralement, le ski dans les Laurentides.

Le Chalet Cochand

Le Chalet Cochand.

Émile Cochand nait en 1890 à Sainte-Croix, dans le canton de Vaud. À 19 ans, il est déjà champion de ski et moniteur de l’armée nationale suisse. Après avoir enseigné à Sainte-Agathe, il achète un lot de 500 acres à Sainte-Marguerite-Station pour la modique somme de 500 $. Il y ouvre, en 1915, le Chalet Cochand. Il s’agit alors du premier centre de ski au Québec. « On y offre autant des leçons de ski que le gîte et le couvert. Sa femme, Léa, va préparer des mets suisses, et la fondue suisse est l’une de leurs spécialités », explique Mme Belhumeur.

En 1920, malheur : l’auberge est ravagée par un incendie. Qu’à cela ne tienne : les Cochand la reconstruisent, et plus grande. Lorsque les trains de neige commencent, en 1927, à amener les skieurs dans les Laurentides pour la fin de semaine, le Chalet Cochand est déjà un incontournable. L’hiver, on y trouve 100 km de sentiers pour le ski de fond, des pistes de ski alpin, un anneau de glace, deux tremplins à ski et une descente pour traîne-sauvage.

En l’été, les visiteurs ne sont pas en reste. Grâce à une digue, Émile Cochand forme artificiellement le lac Lucerne, qui sert à la nage et au canotage. S’ajouteront une piscine, un court de tennis et même une écurie pour chevaux d’équitation! Des chalets en bois rond, dont l’architecture s’inspire de la Suisse, sont aussi construits. Cinq d’entre eux, autour du lac Lucerne, ont survécu jusqu’à aujourd’hui.

Le Laurentian Resorts Association

Le Chalet Cochand est le premier à avoir un J-Bar puis un télésiège.

En 1924, Émile Cochand fonde la Laurentian Resorts Association avec d’autres hôteliers de la région. Celle-ci sera instrumentale pour le développement du ski et de son tourisme dans les Laurentides. « Elle regroupe plusieurs hommes d’affaires ensemble, ce qui leur donne plus de poids. Ce sont eux qui vont engager Jackrabbit, avec l’appui du Canadien Pacifique, pour tracer la Maple Leaf et d’autres sentiers. Ils vont aussi demander que la route 11 [ancêtre de la 117] soit ouverte l’hiver. Ils vont également faire de la publicité. L’un des objectifs est d’aller chercher des touristes américains », indique Mme Belhumeur.

En connectant les villages et les centres de ski par des sentiers, l’Association développe ainsi un véritable réseau touristique dans la région.

Le Chalet Cochand innove aussi pour rendre le ski pour agréable. Au début des années 1930, on atteint le sommet de la pente avec une remontée à câble. Mais les skieurs, qui sont bien nantis, n’aiment pas tellement que leurs gants soient salis par la graisse du câble. Donc en 1936, le Chalet Cochand installe le premier J-Bar au pays, puis le premier télésiège en 1938.

Émile Cochand et ses fils, Louis, Émile et Pierre, s’illustrent aussi dans de nombreuses compétitions de ski, dont aux États-Unis, ce qui contribue à faire rayonner leur centre de villégiature. Louis Cochand fera même partie de l’équipe olympique canadienne de ski, en 1948.

Nouvelle ère et fin du Chalet Cochand

Le bar du Chalet Cochand était prisé par les soldats stationnés à l’Estérel durant la Seconde Guerre mondiale.

En 1966, la famille doit vendre son complexe de villégiature. Avec l’arrivée de l’autoroute 15, les skieurs peuvent se rendre plus loin, à Mont-Tremblant et à Mont-Blanc. Aussi, il n’est plus nécessaire de dormir dans les Laurentides pour faire du ski : on peut venir en voiture pour la journée.

Les skieurs sont aussi plus exigeants, avec l’arrivée de nouvelles technologies, l’éclairage des pentes, etc. « C’est certain que ce ne sont pas toutes les stations qui vont survivre à ce changement d’habitudes », explique Mme Belhumeur. Pour le Chalet Cochand, les coûts d’opérations sont trop grands, et les investissements pour installer des gicleurs et construire des salles de bain indépendantes seraient trop élevés.

L’endroit devient ainsi l’Auberge Yvan Coutu, puis l’Auberge du lac Lucerne. Le bâtiment sera finalement démoli en 1990. Aujourd’hui, le tracé de la route 370 [chemin Pierre-Péladeau] passe sur l’emplacement même du Chalet Chochand.

Sources : Société d’histoire de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson et d’Estérel; et Musée du ski des Laurentides.

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