Dominique Beauregard : L’histoire et l’art du territoire
Par Simon Cordeau
Lorsqu’on parle du curé Labelle, Dominique Beauregard est la référence sur son histoire. La résidente de Sainte-Adèle lit, cherche, collectionne, restaure et peint le curé Labelle et sa mémoire.
L’artiste et passionnée d’histoire m’accueille chez elle. Les pièces de la maison sont remplies d’artéfacts de l’histoire des Laurentides et du Québec. Et sur les murs, ses toiles fabulistes représentent des colons et le curé sous forme d’animaux. Une toile est sur un chevalet, presque terminée, représente trois diables, avec ceintures fléchées, violon, accordéon et harmonica en train de danser. Entrevue.
Chez elle dans le Nord
Mme Beauregard a habité à Laval, Montréal, Longueuil, Boucherville… Mais depuis 1998, son conjoint et elle sont installés à Sainte-Adèle. « Ça fait depuis que je suis toute petite que je veux m’installer dans le Nord. J’ai été conçue à Mont-Laurier [rires], donc je suis revenue. Le Nord, pour moi, ç’a toujours été mystérieux. Et c’est chez nous. »
L’Adéloise a toujours été curieuse et intéressée par l’histoire. « Quand je suis arrivée ici, il y avait la brique de Serge Laurin, Histoire des Laurentides. Je suis tombé sur un chapitre où il parlait de ce curé-là. Je trouvais ça assez curieux qu’un curé s’occupe de chemins de fer. Cette espèce de passion-là et sa conviction qu’il avait, ça m’a interpellée », confie-t-elle.
Mme Beauregard a donc continué de lire sur le curé Labelle, pour approfondir ses connaissances sur lui. Pour mieux le connaître, elle a même lu « 90 % de sa correspondance ». « Quand j’ai commencé, c’était vraiment familier. Ça m’a émue. J’avais l’impression de parler à quelqu’un que je connaissais. » Des lettres témoignent de son humour. D’autres, adressées à sa mère, sont touchantes, rapporte-t-elle.
Gardienne de sa mémoire
La passionnée d’histoire a aussi retrouvé une partie de la bibliothèque du curé Labelle, oubliée dans la réserve du Collège Lionel-Groulx. Elle continue, à temps perdu, à restaurer minutieusement ses livres avant de les céder à Histoire et Archives Laurentides (HAL), pour qu’ils soient conservés. « Mais il en manque, sur la colonisation par exemple. Il y en a d’autres ailleurs. Je continue de chercher. »
Elle possède d’ailleurs elle-même quelques livres lui ayant appartenu, qu’elle a achetés de collectionneurs. En fait, elle s’amuse à chercher et à trouver des objets liés au curé ou à son histoire, pour les collectionner. « J’ai trouvé une autre photo de lui, qui n’avait pas été vue, et que j’ai achetée dernièrement, à l’encan à Montréal. […] J’ai des lettres. J’ai un billet de la loterie de la colonisation. […] Des fois, ce sont les gens qui m’appellent et qui me disent qu’ils ont des choses. »
Elle me montre une statue du curé Labelle, près de sa table de cuisine. « C’est un prototype d’Olindo Graton. Il a fait 50 statues du curé Labelle de ce format-là, en 1891, quand il est décédé. Jamais j’aurais espéré pouvoir mettre la main là-dessus », raconte-t-elle avec enthousiasme.
Mais ces objets historiques finiront par retourner à Saint-Jérôme un jour, à HAL, indique-t-elle. « En fait, les objets ne t’appartiennent pas. C’est un peu comme quand tu as une maison ancienne. Tu es le gardien pendant un certain temps, et c’est tout. L’objet reste, mais toi, tu t’en vas. »
Les fables du Nord
Dominique Beauregard est aussi une artiste peintre reconnue dans la région. Le curé Labelle et la colonisation sont de grandes sources d’inspiration pour son art. « J’avais le goût de parler de ce que j’ai lu, de ce que je sais. Et il y a encore plein de choses que j’aimerais dire. » Peintes à l’acrylique et avec une finition qui leur donne du relief, ses toiles représentent les personnages en animaux et utilisent beaucoup le symbolisme pour raconter une scène.
« J’aime les animaux. Même quand j’étais bédéiste, je faisais ça. Et j’ai toujours dessiné », raconte l’artiste. Bédéiste est d’ailleurs sa première carrière, qu’elle a pratiqué pendant un ou deux ans. « Je n’ai pas percé. À part Croc, il n’y avait pas beaucoup de débouchés. Donc je suis allée en graphisme. »
Avec ses pinceaux, Mme Beauregard transforme les belles histoires des pays d’en haut en fables animalières, ce qui leur donne un « aspect théâtral ». Le colon est souvent représenté comme un renard. « Un renard, c’est futé, rusé. Ça se débrouille. » Le curé Labelle, quant à lui, est un ours. « C’est le roi du Nord ! Le roi de la forêt, qui parcourt un très grand territoire. Je trouvais que ça lui allait bien. » Elle s’amuse aussi à cacher des détails dans ses toiles, ce qui les rend plus riches si on prend le temps de les observer.
Raconter
L’artiste a aussi fait le tour des Laurentides avec ses toiles, durant son exposition Les Stations du curé Labelle. Le projet a été lancé lorsque le gouvernement du Québec a désigné le curé Labelle comme personnage historique, en 2016. Mme Beauregard s’est ensuite rendue « un peu partout » pendant 1 an et demi, pour présenter ses oeuvres et donner des conférences. « C’était un calvaire ! », lance avec humour celle qui n’aime pas parler en public. « Je peux te dire que les stations, je les comptais ! »
Elle parle cependant avec plus t’enthousiasme de sa collaboration avec la série Les Pays d’en haut, diffusée à Radio-Canada de 2016 à 2021. « Le producteur est venu ici, avec Pierre Grignon, le filleul de Claude-Henri Grignon. Il m’a demandé : “Qui tu verrais comme curé Labelle ?” Et je lui avais dit : Antoine Bertrand ! [rires] »
Elle a aussi conseillé l’auteur de la série, Gilles Desjardins, pour des anecdotes, et la costumière pour des détails.