Courteau en quête du Nord

Par Simon Cordeau

Dans son deuxième livre, Remonter le Nord, l’auteur Jean-Louis Courteau raconte son attachement pour le Nord : ses paysages immenses, sa faune étonnante, les humains plus grands que nature qu’on y rencontre, et la poésie qu’il inspire. « J’ai tellement connu le Nord depuis que je suis très jeune. J’y ai vu tellement de belles images : pas juste des paysages, mais aussi des personnages bien intéressants. Ça fait longtemps que je voulais raconter ça. »

Il écrit d’abord une suite de récits, sans trop de direction. Pour unir ces morceaux, il prend son père et sa relation avec lui comme trait d’union. « C’est lui qui m’a fait connaître le Nord. Et lui, il l’a perdu, le Nord. Il était atteint de la maladie à corps de Lewy, une forme de démence dégénérative. C’est horrible. Ça m’a toujours fait peur, l’Alzheimer et toutes ces formes de démence. C’est comme si tu mourrais deux fois. »

Un refuge rude

À travers le roman, le Nord s’incarne de différentes façons. « Je pense que la géographie impose une façon de penser. Elle façonne l’esprit des gens. Le Nord va faire de toi un homme différent que si tu étais ailleurs. »

Pour Courteau, le Nord est souvent un refuge, malgré sa rudesse. « Le froid, les mouches, ce n’est pas facile. Mais comme c’est souvent le cas, quand ce n’est pas facile, c’est d’autant plus gratifiant. Il y a une paix qui vient avec le Nord, dans tout ce que ça implique, qui s’harmonise beaucoup avec moi. »

Plus jeune, il pouvait passer un été entier à camper sur une île, au milieu d’un lac, pour y peindre, raconte-t-il. « Quand l’automne arrivait et que je devais rembarquer dans une auto, je voyais tout aller trop vite. Je me rendais compte à quel point, pendant quelques mois, j’avais changé de rythme. Tu finis par penser comme le paysage, à être tranquille comme lui. »

Le Nord recule

Cependant, l’auteur constate que le Nord recule constamment. Il faut aller toujours plus loin pour retrouver ce territoire vierge, épargné de toute trace d’activité humaine. Il donne l’exemple du Baskatong, passé Mont-Laurier. « J’y suis allé longtemps, pour camper et peindre. C’était une expédition aller là. C’était vraiment sauvage, presque dangereux. Et un matin, j’y ai entendu le bruit d’une tondeuse. Ça m’a détruit complètement », raconte-t-il avec un rire jaune.

À la fin du livre, il raconte son expédition d’une vingtaine de jours à la rivière George, dans le Grand-Nord, avec un groupe d’artistes. Malgré la rudesse de l’endroit, il y retrouve de vastes étendues, une faune riche et des paysages spectaculaires. « Ce sont des scènes d’une beauté, d’une pureté hallucinantes. » Et pourtant, même là, il se voit confronté à la bêtise humaine. « Je suis tombé sur de vieux barils, des batteries, des cochonneries laissées par des prospecteurs. La rivière avait été considérée pour l’exploitation hydroélectrique ou quelque chose du genre. Le choc que ça fait, surtout après 22 jour dans cette pureté-là, c’est vraiment horrible. »

Même ici, il voit le Nord rétrécir et les lacs être maltraités. « Cette paix, je la retrouve ici, mais ce n’est pas la même chose. Aux alentours de Morin-Heights et de Saint-Sauveur, je peux prendre le bois et ne pas voir de maisons ni de gens tant que je veux. Mais il n’y a pas le même feeling que plus au nord. Il y a dans l’air comme quelque chose de sauvage, qu’on n’a plus ici. »

L’ivresse de la contemplation

La plume de Jean-Louis Courteau est souvent contemplative. On le sent émerveillé et fasciné par ce que la nature, ses habitants et ses personnages ont à lui montrer. Pour celui qui a cherché l’ivresse dans « toutes les drogues, tous les alcools », comme il le confie dans son livre, les deux sentiments ne sont pas si loin l’un de l’autre. « Les deux sont vraiment très attirants, pour moi en tout cas. Le mauvais comme le bon, mettons. À tel point que l’un m’a probablement sauvé de l’autre. J’ai besoin de ça, de cette fantaisie-là, pour avoir l’impression d’être libre. Mais il y a bien des portes pour accéder à cette pièce-là, certaines plus dangereuses. Avec le temps, on apprend à choisir. »

Cet aspect fantastique et rêvé du monde trouve son incarnation dans la poésie, selon l’auteur. « C’est ce que j’aime le plus en littérature, que je la lise ou l’écrive. Quand tout d’un coup, il t’arrive une phrase ou une suite de mots que tu n’as pas vu pantoute arriver. Je ne sais pas quel mécanisme vient de s’enclencher, mais cette phrase te transporte. Ç’en est une autre drogue, ça. Et je la cherche. Quand ça dérape vers la poésie, c’est ce que j’aime le plus. »

D’ailleurs, Courteau travaille déjà sur son prochain ouvrage. Il s’agirait d’un conte, où l’auteur laissera toute sa liberté au fantastique et à la poésie.

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